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04/07/2024 | FRANCE | N°23NC00778

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 04 juillet 2024, 23NC00778


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait susceptible d'être éloignée.





Par un jugement n° 2202587 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Cham

pagne a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint à la préfète de l'Aube de délivrer une autorisatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait susceptible d'être éloignée.

Par un jugement n° 2202587 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint à la préfète de l'Aube de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme A... valable jusqu'à ce qu'il lui soit délivré une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", sous réserve d'un changement dans sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 mars 2023, la préfète de l'Aube, représentée par Me Ancelet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 10 février 2023, n° 2202587 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle avait méconnu les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'école de Mme A... a confirmé le 21 juillet 2022 que cette dernière n'était plus étudiante ; elle ne pouvait donc plus bénéficier d'un renouvellement de titre de séjour en cette qualité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Lonchampt, conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint à la préfète de l'Aube, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", ou " recherche d'emploi ou création d'entreprise " ou " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, durant cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

- à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'arrêté préfectoral avait méconnu les dispositions de l'article L.422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : elle était, à la date de l'arrêté litigieux du 20 septembre 2022, toujours inscrite auprès de la South Champagne Business School de Troyes, étant dans l'attente de la validation de son diplôme après réunion du jury en décembre 2022 et elle devait passer la dernière épreuve du test of English for international communication (TOEIC) avant le 30 novembre 2022 pour valider son diplôme ;

- contrairement aux allégations de la préfète, elle n'a jamais refusé dans son courrier du 16 mai 2022 une autorisation provisoire de séjour afin qu'elle puisse valider sa dernière épreuve puisqu'au contraire elle a sollicité une admission ou une prolongation de son séjour en qualité d'étudiante ; la préfète était tenue de lui délivrer une attestation de prolongation de ses droits jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande de renouvellement de titre de séjour, comme le prévoit l'article R. 431-15-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- si la cour devait considérer que l'arrêté préfectoral litigieux ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les moyens soulevés en première instance sont fondés :

- sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit car :

. elle ne fait pas mention de la convention franco-centrafricaine relative à la circulation et au séjour des personnes du 26 septembre 1994 ;

. s'il devait être considéré qu'elle n'était plus étudiante lors de sa demande de renouvellement de titre de séjour, elle répondait aux conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation : elle a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

- sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- elle n'est pas motivée ;

- cette décision doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le principe général du droit d'être entendu ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation : elle a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

- sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- elle n'est pas motivée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère ;

- et les observations de Me Ancelet, représentant la préfète de l'Aube.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante centrafricaine née le 24 mars 1999, est entrée régulièrement en France le 20 novembre 2019 afin d'y poursuivre ses études. Elle a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelé jusqu'au 12 septembre 2021. Le 13 août suivant, elle en a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 20 septembre 2022, la préfète de l'Aube a refusé d'y faire droit, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait susceptible d'être éloignée en cas d'exécution contrainte. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de cet arrêté préfectoral. Par un jugement du 10 février 2023, n° 2202587, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de l'Aube de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme A... jusqu'à ce qu'il lui soit délivré un titre de séjour portant la mention " étudiant " sous réserve d'un changement dans sa situation. La préfète de l'Aube relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 20 septembre 2022 :

2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle. ". Aux termes de l'article R. 433-2 du même code : " L'étranger déjà admis à résider en France qui sollicite le renouvellement d'une carte de séjour pluriannuelle présente à l'appui de sa demande les pièces prévues pour une première délivrance de la carte de séjour temporaire correspondant au motif de séjour de la carte de séjour pluriannuelle dont il est détenteur et justifiant qu'il continue de satisfaire aux conditions requises pour celle-ci ainsi, le cas échéant, que les pièces particulières requises à l'occasion du renouvellement du titre conformément à la liste fixée par arrêté annexé au présent code (...) ".

3. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant, de rechercher, à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement ses études. Le renouvellement de ce titre de séjour est ainsi subordonné à la réalité des études et à la progression du bénéficiaire dans celles-ci.

4. Pour refuser à Mme A... le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiante, la préfète de l'Aube s'est fondée sur la circonstance que cette dernière n'était plus étudiante et que de ce fait, elle ne remplissait plus les conditions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir renouveler son titre de séjour " étudiant ".

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, et notamment des attestations de l'école South Champagne Business School produites par Mme A..., qu'à la date de l'arrêté en litige, elle était encore étudiante dans cette école, au sein de laquelle les cours étaient en présentiel, puisque le jury du diplôme devait se réunir dans le courant du mois de décembre 2022 afin de délibérer sur la délivrance du diplôme de SCBS-Programme Grande Ecole à la requérante. Dans ces conditions, et alors que la préfète de l'Aube se borne en appel à faire valoir un simple courriel de cette école du 21 juillet 2022 qui précise qu'" elle n'est plus étudiante dans l'intervalle " sans produire l'ensemble des échanges qui ont donné lieu à ce courriel, elle ne démontre pas avoir fait une exacte application des dispositions de l'article L. 422-1 précité.

6. Par conséquent, la préfète de l'Aube n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 10 février 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 20 septembre 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Dans les circonstances de l'espèce, une injonction de délivrance de carte de séjour temporaire, sous réserve d'un changement dans sa situation, ayant déjà été prononcée par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne par le jugement litigieux, il n'y a pas lieu de se prononcer à nouveau sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A.... Dès lors, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par cette dernière doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A..., d'une somme de 1 000 euros au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la préfète de l'Aube est rejetée.

Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A... sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : S. Bauer

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

No 23NC00778


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00778
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : LONCHAMPT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23nc00778 ?
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