Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part, les arrêtés du 7 février 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence pour une durée de 45 jours, renouvelable trois fois, dans le département de Meurthe-et-Moselle et, d'autre part, l'arrêté du 25 mars 2022, par lequel la préfète du Bas-Rhin a renouvelé cette assignation à résidence.
Par un jugement n° 2200523 du 1er mars 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Par un jugement n° 2201005 du 5 avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 25 février 2023 sous le numéro 23NC00641, Mme A..., représentée par Me Kipffer, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2201005 ;
2°) d'ordonner à la préfète du Bas-Rhin de produire l'intégralité du dossier administratif de la procédure d'asile ;
3°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 25 mars 2022 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 013 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le magistrat désigné n'a pas demandé la communication de son entier dossier, en méconnaissance de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant renouvellement de l'assignation à résidence est entachée d'illégalité en ce que cette mesure n'est pas nécessaire pour l'exécution de l'arrêté de transfert pris à son encontre et en ce que les modalités de contrôle qu'elle prévoit ne sont ni justifiées ni proportionnées.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit d'observations en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023.
II. Par une requête enregistrée le 26 mars 2023 sous le numéro 23NC00938, Mme A..., représentée par Me Kipffer, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200523 ;
2°) d'annuler les arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 7 février 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 013 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les arrêtés contestés ont été édictés par une autorité incompétente territorialement dès lors que le préfet compétent est celui dans le ressort duquel se situe le domicile du demandeur d'asile à la date du dépôt de la demande d'asile ; en l'espèce, le préfet compétent était le préfet du Val-de-Marne ;
- l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes est entaché d'illégalité dès lors qu'elle n'a pas été informée de l'existence de la clause de souveraineté et de la possibilité de faire valoir les éléments de sa situation personnelle justifiant la mise en œuvre de cette clause ; les brochures qui lui ont été remises ne comportent ainsi aucune information sur cette clause ;
- la décision l'assignant à résidence est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités italiennes.
Par un courrier du 25 avril 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert en raison de la caducité de cette décision.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 avril 2023 et le 8 septembre 2023, la préfète du Bas-Rhin indique que la décision de transfert du 7 février 2022 a été exécutée et conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable ;
- à titre subsidiaire, les moyens de la requête de Mme A... ne sont pas fondés.
Par un courrier du 7 décembre 2023, Mme A... conclut au maintien de sa requête.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'État responsable de leur traitement (Métropole) ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante guinéenne, née le 15 mars 2003, entrée irrégulièrement sur le territoire français le 14 novembre 2021 selon ses déclarations, a sollicité des autorités françaises son admission au séjour au titre de l'asile le 24 novembre 2021. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que l'intéressée avait illégalement franchi les frontières italiennes dans les douze mois précédant sa première demande d'asile, les autorités italiennes ont été saisies, le 30 novembre 2021, d'une demande de prise en charge en application de l'article 13-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Les autorités italiennes ont accepté le 26 janvier 2022 la prise en charge de Mme A..., en application de l'article 13-1 de ce règlement. Par deux arrêtés du 7 février 2022, la préfète du Bas-Rhin a prononcé son transfert auprès des autorités italiennes et l'a assignée à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de 45 jours. Par un jugement du 1er mars 2022, dont Mme A... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés. Par un arrêté du 25 mars 2022, la préfète du Bas-Rhin a renouvelé cette assignation à résidence pour une durée de 45 jours. Par un jugement du 5 avril 2022, dont Mme A... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour qu'il soit statué dans un même arrêt.
Sur la régularité du jugement n° 2201005 :
2. Il ressort de la requête introductive d'instance que Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'enjoindre à l'administration de communiquer l'entier dossier sur la base duquel a été pris l'arrêté portant renouvellement de son assignation à résidence en litige. Il ne résulte d'aucun texte que le magistrat désigné aurait été tenu de donner suite à la demande de Mme A... autrement que par le simple respect du principe du contradictoire inhérent à toute procédure contentieuse administrative. Au demeurant, il ressort du dossier de première instance que l'affaire était en état d'être jugée, dès lors que le magistrat désigné disposait des pièces suffisantes pour lui permettre de se prononcer sur la légalité de la décision litigieuse. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait, pour ce motif, entaché d'irrégularité, ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité des décisions contestées :
En ce qui concerne les arrêtés du 7 février 2022 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 572-1 est le préfet de département (...) ". Aux termes de l'article R. 751-1 du même code : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour assigner à résidence un demandeur d'asile en application de l'article L. 751-2 est le préfet de département (...) ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement : " L'annexe II au présent arrêté fixe la liste des préfets compétents pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile. / A cette fin, les préfets désignés sont compétents pour : (...) 2° Prendre la décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code [devenu l'article L. 572-1] ; / 3° Assigner à résidence le demandeur en application du I - 1° bis de l'article L. 561-2 du même code [devenu l'article L. 751-2] ". En vertu de l'annexe II de cet arrêté, le préfet du Bas-Rhin est compétent pour la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile concernant les demandeurs domiciliés dans un département de la région Grand Est.
4. Si le préfet du Val-de-Marne était compétent pour enregistrer la demande d'asile de Mme A... et lui délivrer la première attestation de demande d'asile, il résulte de l'article 2 de l'arrêté du 10 mai 2019 et de l'annexe 2 de cet arrêté que, suite à la réorientation de l'intéressée domiciliée, à la date des arrêtés en litige, dans la commune d'Herserange (54440), la préfète du Bas-Rhin était l'autorité territorialement compétente pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et à cette fin édicter les arrêtés contestés. Le moyen doit, par suite, être écarté.
5. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La mise en œuvre par les autorités françaises de ces dispositions doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, selon lequel : " (...) les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif. " Aux termes des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 571-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. "
6. Mme A... soutient qu'elle n'a pas été informée par l'administration de la possibilité de demander l'application de la clause de souveraineté prévue aux dispositions précitées des articles 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013 et L. 571-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que lors de l'enregistrement de sa demande d'asile auprès de la préfecture du Val-de-Marne le 24 novembre 2021, l'intéressée s'est vue remettre les brochures d'information " A " et " B ", relatives à la procédure de demande d'asile dans l'Union européenne et à la procédure Dublin. Enfin, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que la préfète du Bas-Rhin a examiné si la situation de Mme A... justifiait de mettre en œuvre la clause de souveraineté prévue par les dispositions précitées. Dans ces conditions, la requérante ne faisant par ailleurs valoir aucun élément de sa situation, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités italiennes serait entaché d'une erreur de droit. Un tel moyen ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, pour les motifs précédemment exposés, la décision de transfert aux autorités italiennes édictée à l'encontre de Mme A... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité de la décision de transfert invoquée à l'encontre de l'arrêté portant assignation à résidence doit être écartée.
En ce qui concerne l'arrêté du 25 mars 2022 renouvelant l'assignation à résidence :
8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a fait l'objet de deux arrêtés du 7 février 2022 portant décision de transfert aux autorités italiennes et assignation à résidence pour une durée de 45 jours dans le département de Meurthe-et-Moselle puis d'un arrêté du 25 mars 2022 renouvelant l'assignation à résidence pour une durée de 45 jours. L'accord explicite des autorités italiennes, en date du 26 janvier 2022, étant valide pour une période de six mois, l'autorité préfectorale a pu légalement considérer que l'exécution de la décision de transfert demeurait une perspective raisonnable et que Mme A... pouvait ainsi faire l'objet d'un renouvellement de son assignation à résidence, laquelle constitue une mesure alternative au placement en rétention dès lors que l'intéressée présente des garanties de représentation suffisantes. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'existait pas une réelle perspective pour que la remise de l'intéressée aux autorités italiennes puisse être menée à bien dans le délai d'assignation prévu par l'arrêté. En se bornant à soutenir que le renouvellement de la mesure d'assignation à résidence n'était ni nécessaire ni justifié, elle n'en conteste pas sérieusement le caractère proportionné. Enfin, la requérante n'apporte aucune précision sur les éléments de sa situation personnelle qui seraient de nature à faire obstacle à ce qu'elle puisse se présenter tous les mardis et jeudis, hors jours fériés, entre 9 heures et 11 heures au commissariat de police de Mont-Saint-Martin. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que les modalités de pointage et les limites géographiques fixées dans l'arrêté ne seraient pas adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent dans la mesure où Mme A... résidait, à la date de l'arrêté contesté, à Herserange et n'invoque aucune difficulté particulière pour se rendre au commissariat de police en cause. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant renouvellement de son assignation à résidence serait entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur dans l'appréciation de sa situation.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, les magistrats désignés par le président du tribunal administratif de Nancy ont rejeté ses requêtes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de Mme A... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Kipffer et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
Signé : M. Bourguet-ChassagnonLa présidente,
Signé : S. Bauer
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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Nos 23NC00641, 23NC00938