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04/07/2024 | FRANCE | N°22NC02907

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 04 juillet 2024, 22NC02907


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par quatre requêtes distinctes, M. B... D... et Mme F... D... née C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 13 septembre 2022, par lesquels la préfète du Bas-Rhin a ordonné leur transfert aux autorités allemandes et les a assignés à résidence pour une durée de 45 jours, renouvelable trois fois, dans le département du Bas-Rhin ainsi que les arrêtés du 4 novembre 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a renouvelé les décision

s portant assignation à résidence édictées à leur encontre pour une durée de 45 jours.





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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par quatre requêtes distinctes, M. B... D... et Mme F... D... née C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 13 septembre 2022, par lesquels la préfète du Bas-Rhin a ordonné leur transfert aux autorités allemandes et les a assignés à résidence pour une durée de 45 jours, renouvelable trois fois, dans le département du Bas-Rhin ainsi que les arrêtés du 4 novembre 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a renouvelé les décisions portant assignation à résidence édictées à leur encontre pour une durée de 45 jours.

Par un jugement nos 2206341-2206342 du 18 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés du 13 septembre 2022 assignant M. et E... à résidence en tant qu'ils les ont obligés à se présenter avec leur enfant mineur auprès des forces de l'ordre sur leur lieu d'hébergement et a rejeté le surplus de leurs requêtes.

Par deux jugements n° 2207490 et n° 2207491 du 24 novembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 19 novembre 2022 sous le n° 22NC02907, M. et E..., représentés par Me Airiau, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2022 en tant que celui-ci a rejeté le surplus de leurs requêtes ;

2°) d'annuler les arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 13 septembre 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer leur situation dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à leur conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne la plage horaire pendant laquelle ils doivent demeurer à leur domicile ;

- la décision de transfert édictée à l'encontre de E... méconnaît l'article 25 du règlement (UE) n° 604/2013 en ce qu'elle est fondée sur l'acceptation explicite des autorités allemandes, intervenue au-delà du délai de deux semaines prévu par cet article ;

- les décisions de transfert méconnaissent les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elles sont entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation personnelle ;

- les décisions portant assignation à résidence sont entachées d'illégalité en conséquence de l'illégalité des décisions portant transfert aux autorités allemandes ;

- elles sont insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen s'agissant de la plage horaire de l'obligation de demeurer à leur domicile ;

- elles sont entachées d'illégalité dès lors qu'à la date des décisions les assignant à résidence dans le département du Bas-Rhin, ils ne résidaient pas encore dans ce département ;

- l'obligation de présence à leur domicile avec leur enfant mineur et l'obligation de pointage dans les locaux de l'HUDA (hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile) sont disproportionnées.

Par un courrier du 27 novembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation des arrêtés de transfert en raison de la caducité de ces décisions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2023, la préfète du Bas-Rhin indique que les décisions contestées ont été exécutées dans le délai prorogé et conclut au rejet de la requête.

Par un courrier du 24 janvier 2024, les requérants indiquent maintenir leur requête.

M. et E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 27 janvier 2023.

II. Par une requête enregistrée le 24 décembre 2022 sous le numéro 22NC03230, M. D... représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2207490 du 24 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 4 novembre 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de présentation est disproportionnée ;

- l'obligation de présence à son domicile avec l'enfant mineur de son épouse est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2023, la préfète du Bas-Rhin indique que la décision de transfert a été exécutée dans le délai prorogé et conclut au rejet de la requête.

Par un courrier du 24 janvier 2024, M. D... indique maintenir sa requête.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.

III. Par une requête enregistrée le 24 décembre 2022 sous le numéro 22NC03231, E... représentée par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2207491 du 24 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 4 novembre 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'obligation de présentation est disproportionnée ;

- l'obligation de présence à son domicile avec son enfant mineur est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2023, la préfète du Bas-Rhin indique que la décision de transfert a été exécutée dans le délai prorogé et conclut au rejet de la requête.

Par un courrier du 24 janvier 2024, E... indique maintenir sa requête.

E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et E..., ressortissants géorgiens nés respectivement les 6 juin 1980 et 21 mars 1993, entrés irrégulièrement en France le 4 juillet 2022, ont sollicité des autorités françaises leur admission au séjour au titre de l'asile le 20 juillet 2022. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que leurs empreintes ont été relevées par les autorités allemandes, la préfète du Bas-Rhin a saisi ces autorités de demandes de reprise en charge des intéressés en application de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Les autorités allemandes ont accepté la reprise en charge de M. D... le 22 août 2022 et celle de son épouse le 6 septembre 2022, en application de l'article 18-1 de ce règlement. Par des arrêtés du 13 septembre 2022, notifiés le 26 septembre 2022, la préfète du Bas-Rhin a prononcé leur transfert auprès des autorités allemandes et les a assignés à résidence dans le département du Bas-Rhin à compter de la notification des arrêtés pour une durée de 45 jours. Par un jugement nos 2206341-2206343 du 18 octobre 2022, dont M. et E... relèvent appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé certaines modalités de contrôle des assignations à résidence et rejeté le surplus de leurs conclusions tendant à l'annulation de ces arrêtés. Par des arrêtés du 4 novembre 2022, la préfète du Bas-Rhin a renouvelé les décisions édictées à leur encontre portant assignation à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de 45 jours. Par deux jugements n° 2207490 et n° 2207491 du 24 novembre 2022, dont M. et E... relèvent appel par requêtes distinctes, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement nos 2206341-2206343 :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a expressément répondu aux moyens contenus dans les requêtes introduites par les requérants. En particulier, le tribunal administratif n'a pas omis de répondre aux moyens tirés de l'insuffisante motivation des décisions portant assignation à résidence. Par suite, M. et E... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur la légalité des décisions contestées :

En ce qui concerne les décisions de transfert :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ". Aux termes de l'article 42 du même règlement : " Les délais prévus dans le présent règlement sont calculés de la façon suivante : / a) si un délai exprimé en jours, en semaines ou en mois est à compter à partir du moment où survient un événement ou s'effectue un acte, le jour au cours duquel survient cet événement ou se situe cet acte n'est pas compté dans le délai ; / b) un délai exprimé en semaines ou en mois prend fin à l'expiration du jour qui, dans la dernière semaine ou dans le dernier mois, porte la même dénomination ou le même chiffre que le jour au cours duquel est survenu l'événement ou a été effectué l'acte à partir duquel le délai est à compter. Si, dans un délai exprimé en mois, le jour déterminé pour son expiration fait défaut dans le dernier mois, le délai prend fin à l'expiration du dernier jour de ce mois ; / c) les délais comprennent les samedis, les dimanches et les jours fériés légaux de chacun des Etats membres concernés. ".

4. E... soutient que les autorités allemandes ont été saisies par la préfète du Bas-Rhin d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 le 18 août 2022, de sorte que l'acceptation expresse de reprise en charge par ces autorités le 6 septembre 2022 est survenue au-delà du délai de deux semaines prévu par les dispositions précitées. En tout état de cause, à supposer même cette circonstance établie, elle est sans incidence sur la légalité de la décision de transfert contestée dès lors que les autorités allemandes ne se sont pas opposées, dans le délai de deux semaines qui leur était imparti, à la reprise de l'intéressée. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 25 précité du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) / 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 précité, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

6. D'une part, les requérants soutiennent que l'état de santé de l'enfant mineur de E... est incompatible avec son transfert en Allemagne. Il ne ressort toutefois pas des pièces médicales versées au dossier que l'enfant, atteint d'une mutation chromosomique avec déficience intellectuelle, d'un trouble du développement psychomoteur et de troubles du comportement, nécessitant un suivi régulier et un environnement stable, ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Allemagne, pays au sein duquel il a vécu pendant l'instruction de la demande d'asile de sa mère et de son beau-père et qui a reconnu sa qualité d'handicapé. Par ailleurs, aucun des certificats médicaux produits, lesquels sont insuffisamment circonstanciés, ne conclut à l'impossibilité d'un voyage sans risque à destination de ce pays.

7. D'autre part, dans son arrêt C-578/16 PPU du 16 février 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a interprété le paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013 précité à la lumière de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, aux termes duquel " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " dans le sens que, lorsque le transfert d'un demandeur d'asile présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave entraînerait le risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé, ce transfert constituerait un traitement inhumain et dégradant, au sens de cet article. La Cour en a déduit que les autorités de l'Etat membre concerné, y compris ses juridictions, doivent vérifier auprès de l'Etat membre responsable que les soins indispensables seront disponibles à l'arrivée et que le transfert n'entraînera pas, par lui-même, de risque réel d'une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé, précisant que, le cas échéant, s'il s'apercevait que l'état de santé du demandeur d'asile concerné ne devait pas s'améliorer à court terme, ou que la suspension pendant une longue durée de la procédure risquait d'aggraver l'état de l'intéressé, l'Etat membre requérant pourrait choisir d'examiner lui-même la demande de celui-ci en faisant usage de la " clause discrétionnaire " prévue à l'article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas des certificats médicaux des 26 septembre 2022, 28 septembre 2022 et 4 octobre 2022, que le transfert des requérants et de l'enfant A... pouvait entraîner le risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de l'état de santé de ce dernier. Par conséquent, la préfète a pu régulièrement s'abstenir, préalablement à l'édiction de sa décision, d'informer les autorités allemandes de l'état de santé du fils de la requérante et de procéder aux vérifications mentionnées au point précédent. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la préfète aurait porté sur leur situation une erreur manifeste d'appréciation ou n'aurait pas procédé à un examen particulier de leur situation personnelle en ordonnant leur transfert aux autorités allemandes sans mettre en œuvre la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) 604/2013.

En ce qui concerne les décisions portant assignation à résidence :

S'agissant des arrêtés du 13 septembre 2022 :

9. En premier lieu, aux termes de l'article R. 751-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour assigner à résidence un demandeur d'asile en application de l'article L. 751-2 est le préfet de département (...) ". Aux termes de l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004 : " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile. / En matière d'asile, un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département (...) ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 10 mai 2019 : " l'annexe II au présent arrêté fixe la liste des préfets compétents pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile. / A cette fin, les préfets désignés sont compétents pour : / (...) 3° assigner à résidence le demandeur en application du I - 1° bis de l'article L. 561-2 [devenu L. 751-2] du même code (...) ". L'annexe II de cet arrêté prévoit que le préfet du Bas-Rhin est compétent pour les demandes d'asile concernant les demandeurs domiciliés dans un département de la région Grand Est.

10. Les requérants soutiennent que la préfète du Bas-Rhin n'était pas compétente pour édicter les décisions attaquées le 13 septembre 2022 dès lors qu'ils n'ont été domiciliés dans ce département qu'à compter du 14 septembre 2022. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment des titres de transport du 14 septembre 2022 pour un voyage au départ de Charleville-Mézières à destination de Benfeld, pris en charge financièrement par l'unité territoriale de l'office français de l'immigration et de l'intégration de Reims, qu'à la date des décisions contestées, les requérants étaient domiciliés dans les Ardennes, département relevant en tout état de cause du ressort de compétence de la préfète du Bas-Rhin en vertu des dispositions précitées. Au surplus, les arrêtés litigieux précisent que l'exécution des assignations à résidence ne débutera qu'à compter de leur notification, laquelle a eu lieu le 26 septembre 2022, date à laquelle les intéressés étaient bien domiciliés dans le département du Bas-Rhin. Le moyen doit, par suite, être écarté.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 8 que le moyen tiré de ce que les décisions portant assignation à résidence devraient être annulées en conséquence de l'illégalité des décisions portant transfert aux autorités allemandes doit être écarté.

12. En troisième lieu, la préfète du Bas-Rhin, après avoir visé l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a indiqué que M. et E... faisaient l'objet d'une décision portant transfert aux autorités allemandes, qu'ils ne disposaient pas des moyens leur permettant de se rendre en Allemagne, qu'ils n'avaient pas la possibilité d'acquérir légalement ces moyens et que leur transfert demeurait une perspective raisonnable. Dans ces conditions, ces arrêtés comportent ainsi l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et sont ainsi suffisamment motivés. Par ailleurs, l'autorité administrative n'était pas tenue de motiver spécifiquement les modalités d'exécution des prescriptions liées à l'assignation à résidence, notamment en ce qui concerne la fixation des horaires pendant lesquels ils étaient dans l'obligation de demeurer à leur domicile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des arrêtés en litige doit être écarté.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 733-1 du même code : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. / Il se présente également, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage ". Et, aux termes de l'article L. 733-2 du même code : " L'autorité administrative peut, aux fins de préparation du départ de l'étranger, lui désigner, en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il demeure dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures. (...) ".

14. Une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit comporter les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation et notamment préciser le service auquel l'étranger doit se présenter et la fréquence de ces présentations et, le cas échéant, la désignation de la plage horaire pendant laquelle l'intéressé doit demeurer dans les locaux où il réside. Aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que les obligations de présentation du ressortissant étranger aux services de police du ressortissant s'imposent également à ses enfants mineurs. Les modalités de contrôle de la mesure d'assignation à résidence, quelles qu'elles soient, doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent et ne sauraient, sous le contrôle du juge administratif, porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir.

15. Les arrêtés en litige font obligation à M. et E... de demeurer à leur domicile, en présence de leur enfant mineur, du lundi au vendredi de 8h à 11h. Alors que les requérants se bornent à invoquer l'état de santé du fils de E..., il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la santé de l'enfant nécessiterait des déplacements imprévus, incompatibles avec les obligations de présence et de pointage en litige. Par ailleurs, l'obligation de pointage dans les locaux de l'HUDA où ils sont domiciliés apparaît, contrairement à ce qu'ils soutiennent, comme adaptée en ce qu'elle vise à limiter leurs déplacements ainsi que ceux de l'enfant. En tout état de cause, dans l'hypothèse où ce dernier devrait être déplacé de manière imprévue pour motif de santé, et sous réserve qu'il en soit justifié, aucun manquement à leur obligation de présence ou de pointage ne saurait valablement leur être opposé par la préfète du Bas-Rhin. Au demeurant, les arrêtés contestés rappellent la nécessité de prévenir les services en cas de force majeure les empêchant de respecter leur obligation de pointage. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 octobre 2022, le magistrat désigné a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés d'assignation à résidence pris à leur encontre le 13 septembre 2022 en tant qu'ils prévoient des modalités de présence au domicile durant les horaires précédemment indiqués s'imposant tant à M. et E... qu'au fils mineur de la requérante.

S'agissant des arrêtés du 4 novembre 2022 :

16. Les arrêtés en litige font obligation à M. et E... de demeurer à leur domicile, en présence de l'enfant mineur A..., du lundi au vendredi de 8h à 11h et de se présenter, accompagnés de l'enfant mineur les mardis, hors jours fériés, à 14h à l'HUDA de Benfeld, auprès des agents des forces de l'ordre. Alors que les requérants se bornent à invoquer l'état de santé du fils de E..., il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la santé de l'enfant nécessiterait des déplacements imprévus, incompatibles avec les obligations de présence et de pointage en litige. Par ailleurs, l'obligation de pointage dans les locaux de l'HUDA où ils sont domiciliés apparaît, contrairement à ce qu'ils soutiennent, comme adaptée en ce qu'elle vise à limiter leurs déplacements ainsi que ceux de l'enfant. En tout état de cause, dans l'hypothèse où ce dernier devrait être déplacé de manière imprévue pour motif de santé, et sous réserve qu'il en soit justifié, aucun manquement à leur obligation de présence ou de pointage ne saurait valablement leur être opposé par la préfète du Bas-Rhin. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués du 24 novembre 2022, la magistrate désignée a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés d'assignation à résidence pris à leur encontre le 4 novembre 2022 en tant qu'ils prévoient des modalités de présence au domicile durant les horaires précédemment indiqués ainsi qu'une obligation de présentation hebdomadaire aux forces de l'ordre, lesquelles s'imposent tant aux requérants qu'au fils mineur de.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. et E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, les magistrats désignés par le président du tribunal administratif de Strasbourg ont rejeté, d'une part, le surplus de leurs requêtes tendant à l'annulation des arrêtés du 13 septembre 2022 et, d'autre part, leurs requêtes tendant à l'annulation des arrêtés du 4 novembre 2022. Par voie de conséquence, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes susvisées présentées par M. et E... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Mme F... D... née C..., à Me Airiau et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLa présidente,

Signé : S. Bauer

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

Nos 22NC02907, 22NC03230, 22NC03231


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02907
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;22nc02907 ?
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