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02/07/2024 | FRANCE | N°20NC03560

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 02 juillet 2024, 20NC03560


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. O... et Mme Q... L..., M. C... P... et M. M... A..., ainsi que Mme D... J..., M. B... F..., M. H... R... et Mme G... I... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 5 septembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Retonfey a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune.



L'EARL des Fours à chaux et M. E... K... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'ordonner avant dire droit la com

munication par la commune de Retonfey de la convention ou des conventions passées avec la so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. O... et Mme Q... L..., M. C... P... et M. M... A..., ainsi que Mme D... J..., M. B... F..., M. H... R... et Mme G... I... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 5 septembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Retonfey a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune.

L'EARL des Fours à chaux et M. E... K... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'ordonner avant dire droit la communication par la commune de Retonfey de la convention ou des conventions passées avec la société SODEVAM ainsi que toutes études qu'elle aurait commandées à tout organisme et qui ne figureraient pas dans les dossiers d'enquête publique et, d'autre part, d'annuler la délibération du 5 septembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Retonfey a approuvé le plan local d'urbanisme ainsi que la décision du maire de Retonfey du 10 janvier 2019 rejetant leur recours gracieux.

Mme N... a demandé au tribunal d'annuler la délibération du 5 septembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Retonfey a approuvé le plan local d'urbanisme ainsi que la décision du 10 janvier 2019 par laquelle le maire de Retonfey a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement nos 1807098, 1807869, 1900307, 1901836, 1901983 du 15 octobre 2020, après avoir joint l'ensemble des demandes, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette délibération du 5 septembre 2018 et rejeté les surplus des conclusions des parties au titre des frais d'instance.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 décembre 2020, le 13 septembre 2021, le 30 septembre 2021, le 4 avril 2022 et le 26 avril 2022, la commune de Retonfey, représentée par Me Mathieu, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2020 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance nos 1807098, 1807869, 1900307, 1901836, 1901983 tendant à l'annulation de la délibération du 5 septembre 2018 ;

3°) subsidiairement, si la cour estimait fondé un autre moyen que celui retenu par le tribunal, de surseoir à statuer pour un délai de six mois afin de permettre la régularisation du plan local d'urbanisme en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de M. et Mme L..., M. P..., M. A..., Mme J..., M. F..., M. R..., Mme I..., M. K..., l'EARL des Fours à chaux et Mme N... la somme de 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rapport de présentation comporte des éléments suffisants sur le risque d'inondation ; le tribunal a relevé à tort que le rapport mentionnait que le territoire communal n'était pas concerné par le risque d'inondation, cette affirmation concernant seulement l'absence de plan de prévention des risques d'inondation ; les autres documents du plan local d'urbanisme comportent également des éléments complémentaires sur la prise en compte du risque d'inondation ; à la date d'approbation du plan local d'urbanisme la compétence GEMAPI avait été transférée ;

- le rapport de présentation n'a pas à justifier de la faisabilité environnementale, technique et financière de ses choix d'aménagement ;

- il est établi par le plan de gestion des risques d'inondation 2022-2027, approuvé par arrêté du préfet de la région Grand Est du 21 mars 2022, que son territoire n'est concerné par aucun risque ;

- les autres moyens des demandeurs de première instance repris en appel ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 février 2021 et le 27 octobre 2021, Mme J... et M. P..., représentés par Me Martin-Laviolette, concluent au rejet de la requête et demandent que la somme de 3 000 euros au titre de la procédure d'appel et celle de 500 euros au titre de la procédure de première instance soient mises à la charge de la commune de Retonfey au bénéfice de chacun d'eux en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2021, Mme N..., représentée par Me Mennegand, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Retonfey au titre de la procédure d'appel et celle de 500 euros au titre de la première instance en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier, enregistré le 27 septembre 2021, M. et Mme F... ont produit des observations.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 octobre 2021, le 24 avril 2022 et le 8 mai 2022, M. et Mme L..., M. K... et l'EARL des Fours à chaux, représentés par Me L..., concluent au rejet de la requête et demandent que la somme de 1 000 euros à chacun soit mise à la charge de la commune de Retonfey en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 23 mai 2022.

M. L... et autres ont produit un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2024, postérieurement à la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Mathieu pour la commune de Retonfey et de Me Roussel pour Mme N....

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 19 novembre 2014, la commune de Retonfey a prescrit la révision de son plan d'occupation des sols sous la forme d'un plan local d'urbanisme (PLU). Par une délibération du 30 juin 2017, le conseil municipal a arrêté le PLU. A l'issue de l'enquête publique, par une délibération du 5 septembre 2018, le conseil municipal de Retonfey a approuvé le PLU. Le tribunal administratif de Strasbourg a été saisi par cinq requêtes présentées par M. et Mme L..., MM. P... et A..., Mme J... et autres, l'EARL des Fours à Chaux et M. K... et, enfin, Mme N... tendant à l'annulation de cette délibération. Par un jugement du 15 octobre 2020, dont la commune de Retonfey fait appel, le tribunal administratif a annulé cette délibération.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article R. 123-2 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune de Retonfey aurait décidé par une délibération expresse d'appliquer les dispositions des articles R. 151-1 à R. 151-55 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation : / 1° Expose le diagnostic prévu au deuxième alinéa de l'article L. 123-1-2 ; / 2° Analyse l'état initial de l'environnement, présente une analyse de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers et justifie les objectifs de modération de cette consommation et de lutte contre l'étalement urbain arrêtés dans le projet d'aménagement et de développement durables au regard, notamment, des objectifs fixés, le cas échéant, par le schéma de cohérence territoriale, et des dynamiques économiques et démographiques ; / 3° Explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durable et, le cas échéant, les orientations d'aménagement et de programmation ; il expose les motifs de la délimitation des zones, des règles et des orientations d'aménagement et de programmation mentionnées au 1 de l'article L. 123-1-4, des règles qui y sont applicables, notamment au regard des objectifs et orientations du projet d'aménagement et de développement durables. Il justifie l'institution des secteurs des zones urbaines où les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement sont interdites en application du a de l'article L. 123-2 ; / 4° Evalue les incidences des orientations du plan sur l'environnement et expose la manière dont le plan prend en compte le souci de sa préservation et de sa mise en valeur ; (...) ".

3. Il ressort du rapport de présentation que la commune de Retonfey, qui est située sur deux bassins versants, est irriguée par plusieurs cours d'eau de tête de bassin, dont le ruisseau de Vallières, qui parcourent les terres agricoles situées en amont du village puis le traversent. Il ressort d'une note du 13 mars 2019 du président de la communauté de communes du Haut Chemin - Pays de Pange que, pour tenter de remédier aux inondations et coulées de boues affectant régulièrement la commune de Retonfey du fait de cette situation particulière, des études ont été engagées afin de proposer des aménagements tels que la mise en place de bassins de rétention et de zones humides, la réouverture de cours d'eau dans les communes concernées et le redimensionnement de buses, dont la réalisation dépend des résultats d'études de faisabilité. Dans une note d'information aux agriculteurs, cette même communauté de communes a rappelé les inondations survenues dans la commune de Retonfey en 2016 et le lancement d'études pour connaître l'état écologique et le fonctionnement hydraulique du ruisseau de Vallières à l'échelle du bassin versant. Il est constant que ces inondations frappent plus spécifiquement la partie nord de la commune de Retonfey, traversée par le ruisseau de Vallières, busé au niveau de la rue des Tulipes, qui est soumise à des inondations régulières, dont les dernières se sont produites en 2017.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'aux abords de ce secteur soumis à un risque d'inondation, le PLU approuvé par la délibération en litige ouvre à l'urbanisation une zone classée 1AU, d'une superficie de 4,5 ha, destinée à accueillir des logements. Le PLU classe d'autre part en zone Ni et UBi des secteurs concernés par le risque d'inondation, dont une zone Ni adjacente à la zone 1AU précitée qui borde le ruisseau de Vallières, et instaure un emplacement réservé n°4 au lieu-dit " Château de Retonfey " afin de réguler les eaux de ce ruisseau. Pour justifier ce parti d'aménagement, le rapport de présentation mentionne, dans la partie 5.10 relative à la prévention des risques, les arrêtés interministériels reconnaissant l'état de catastrophe naturelle pour des dommages dus aux inondations et coulées de boues survenues entre 1983 et 2005, puis, s'agissant plus particulièrement du risque d'inondation, il indique que la commune de Retonfey ne comporte pas de zone inondable identifiée, qu'elle n'est pas concernée par un plan de prévention des risques d'inondation et qu'elle ne figure pas à l'atlas des zones inondables. Ce document ajoute que le niveau des cours d'eau dépend de la pluviométrie accentuée par la réception des eaux de drainage des parcelles agricoles situées en amont du village, laquelle provoque des coulées de boues et des inondations et précise que, dans certains secteurs du territoire communal, les eaux de ruissellement causent des nuisances, notamment dans sa partie nord, que la commune tente de résoudre par des aménagements. Le rapport de présentation mentionne, enfin, qu'en l'absence de tout document, le relevé des secteurs inondables, notamment la rue des Tulipes, matérialisé par une carte, a été réalisé grâce aux connaissances des élus et que des études ont été lancées sur le territoire de la communauté de communes du Haut Chemin - Pays de Pange, dont la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations a été confiée à un établissement public de coopération intercommunale avec pour objectif de régler les problèmes d'inondations liés au ruisseau de Vallières qui impactent le sud du lotissement Pré Baillot.

5. Ce faisant, le rapport de présentation procède, comme l'ont relevé les premiers juges, à une analyse insuffisamment complète et précise du risque d'inondation et ne permet ainsi pas de comprendre les limites de la zone inondable, ni de justifier du parti d'aménagement retenu, en particulier concernant l'ouverture à l'urbanisation de la zone 1AU à l'est du Pré Baillot, située à proximité immédiate du secteur inondable, de l'institution de la zone Ni et de l'emplacement réservé n° 4 au lieu-dit " Château de Retonfey ". Le transfert de la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations à un établissement public de coopération intercommunale au 1er janvier 2018 ne dispensait pas les auteurs du PLU d'une analyse plus complète du risque d'inondation, au besoin par des études complémentaires. Ni les autres parties du rapport de présentation, ni les autres documents du PLU ne permettent de combler ces lacunes. Si le règlement du PLU comporte des dispositions pour éviter l'aggravation du risque d'inondation, notamment en limitant l'imperméabilisation des parcelles et en imposant au niveau de celles-ci la gestion des eaux pluviales, ces mesures préventives ne sont pas assimilables à une analyse du risque et ne sont pas de nature à justifier le choix d'aménagement pour les zones précitées. Dans ces conditions et alors que, pour apprécier les conséquences de cette opération d'aménagement sur le risque d'inondation, le commissaire enquêteur s'est appuyé, pour émettre son avis favorable, sur une étude sommaire produite au cours de l'enquête publique par l'aménageur du futur lotissement tout en recommandant, par ailleurs, une vérification de l'exactitude de cette étude, les insuffisances du rapport de présentation du plan local d'urbanisme de la commune de Retonfey entachent d'illégalité la délibération contestée.

6. Par suite, la commune de Retonfey n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a, pour ce motif, annulé la délibération du 5 septembre 2018 approuvant le plan local d'urbanisme.

Sur les conclusions d'appel incident de Mme J... et M. P... et de Mme N... :

7. Mme J... et M. P... d'une part, et Mme N..., d'autre part, contestent, par la voie de l'appel incident, le jugement attaqué en tant qu'il ne leur a pas alloué une somme au titre des frais d'instance. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la délibération en litige a été annulée pour un moyen qui n'avait pas été invoquée par Mme N.... Quant à Mme J... et M. P..., ils n'avaient pas sollicité de somme à ce titre. Dans ces conditions et en tout état de cause, en n'accordant aucune somme aux intéressés sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce.

Sur les frais d'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des intimés, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Retonfey demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Retonfey une somme de 500 euros chacun à verser à M. et Mme L..., à M. K..., à l'Earl du Four à chaux, à Mme N..., à M. P... et à Mme J... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Retonfey est rejetée.

Article 2 : La commune de Retonfey versera à M. et Mme L..., à M. K..., à l'Earl du Four à chaux, à Mme N..., à M. P... et à Mme J... une somme de 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Retonfey, à M. O... L... et à Mme D... J... en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à M. M... A..., à M. et Mme B... F..., à M. H... R..., à Mme G... I... et à Mme S... N....

Délibéré après l'audience du 14 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUXLe président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 20NC03560 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03560
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : MARTIN-LAVIOLETTE CHRISTOPHE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;20nc03560 ?
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