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02/07/2024 | FRANCE | N°20NC01004

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 02 juillet 2024, 20NC01004


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) de l'école de musique Ravel à lui verser, d'une part, la somme de 16 120 euros en réparation des préjudices qu'il affirme avoir subis du fait du recours abusif à des contrats à durée déterminée et, d'autre part, le montant net correspondant à une rémunération brute de 16 577 euros ou, à titre subsidiaire, de 14 760 euros, en indemnisation des man

ques à gagner subis de ce chef.



Par un jugement n° 1806010 du 19 mars 2020, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) de l'école de musique Ravel à lui verser, d'une part, la somme de 16 120 euros en réparation des préjudices qu'il affirme avoir subis du fait du recours abusif à des contrats à durée déterminée et, d'autre part, le montant net correspondant à une rémunération brute de 16 577 euros ou, à titre subsidiaire, de 14 760 euros, en indemnisation des manques à gagner subis de ce chef.

Par un jugement n° 1806010 du 19 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le SIVU de l'école de musique Ravel à lui verser une somme de 3 030 euros en réparation de ses préjudices.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2020, M. A..., représenté par Me Rodier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 mars 2020 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de condamner le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) de l'école de musique Ravel à lui verser, d'une part, la somme de 15 014 euros en réparation des préjudices qu'il affirme avoir subis du fait du recours abusif à des contrats à durée déterminée et, d'autre part, le montant net correspondant à une rémunération brute de 16 577 euros ou, à titre subsidiaire, de 14 760 euros, en indemnisation des manques à gagner subis de ce chef ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat du SIVU de l'école de musique Ravel une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a limité à 3 030 euros l'indemnisation versée du fait du recours abusif à des contrats à durée déterminée ; son préjudice doit être évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; l'article 46 du décret du 15 février 1988 prévoit le versement d'une indemnité de licenciement égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article 45 pour chacune des 12 premières années de service, soit la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire et autres indemnités accessoires, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement ; en l'espèce, le tribunal a commis une première erreur en prenant en compte la rémunération résultant du bulletin de paye de septembre et non août 2018, dès lors que la date de fin de contrat est le 30 septembre 2018 ; sur la base de cette rémunération du mois d'août, il a perçu un net imposable de 1 274,84 euros dont il convient de soustraire le montant net correspondant aux primes et indemnités perçues et donc une rémunération de référence de 1 253,52 euros nets, soit une indemnité de 5 014 euros ;

- il justifie avoir été maintenu dans une situation de précarité et d'incertitude durant 8 ans, alors même qu'il s'est particulièrement investi dans le développement de la classe qu'il a créé et développé au cours de son engagement ; sa situation actuelle est très précaire alors qu'il est chargé de famille ; il est dès lors fondé à solliciter l'indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 10 000 euros ;

- il a subi des manques à gagner au titre des rémunérations perçues ; à titre principal, sa rémunération n'était pas conforme aux stipulations de son contrat qui permettaient pas de déterminer le mode de calcul de sa rémunération ; il a constaté chaque mois une différence de traitement à son préjudice, pour un manque à gagner total entre le mois de décembre 2012 et celui de septembre 2018, de 16 577,85 euros bruts ; contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la nécessité d'une délibération conforme créant l'emploi et, le cas échéant, prévoyant l'annualisation du temps de travail, doit s'apprécier indépendamment de la qualité de l'agent occupant cet emploi, fonctionnaire ou non, dans la mesure où, s'agissant d'un emploi permanent, il a nécessairement vocation à être occupé par un fonctionnaire ; par ailleurs il résulte de la jurisprudence que les dispositions relatives à l'annualisation du temps de travail ne sont pas applicables aux grades soumis à des obligations de temps de travail particulières comme c'est le cas pour les assistants principaux d'enseignement artistique ; à titre subsidiaire, sa rémunération telle qu'elle résulte de ses fiches de paye est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de celle relevant du cadre d'emploi de fonctionnaire équivalent et fait ressortir un différentiel de 14 817 euros à son préjudice entre le 1er décembre 2012 et le 30 septembre 2018 ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2020, le SIVU de l'école de musique Ravel conclut à l'annulation du jugement attaqué, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête, dès lors que toutes ses demandes ne correspondent pas à la réparation du dommage né à l'issue des renouvellements successifs des contrats ;

- c'est également à tort que le tribunal n'a pas opéré de distinction entre les demandes du requérant, dès lors qu'elles portent notamment sur des rappels de traitement, un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'il prétend subir depuis décembre 2012, et que toutes les sommes ayant leur origine antérieurement au 1er janvier 2014 se heurtent ainsi à la prescription quadriennale ;

- pour retenir que le recours à des contrats à durée déterminée successifs présentait un caractère abusif, le tribunal n'a pas pris en compte l'ensemble des circonstances mais a uniquement pris en considération le texte de l'article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984 visé par les arrêtés de recrutement ; au regard de l'organisation du SIVU et de la nature du service rendu, son emploi n'avait aucun caractère permanent et le recours à des contrats à durée déterminée successifs, fût-ce sur un fondement textuel erroné, n'avait aucun caractère abusif ; subsidiairement, ses demandes ne sont pas fondées : le mois civil précédant la fin du contrat est bien le mois de septembre ; M. A... ne rapporte pas la preuve du préjudice moral allégué, faute de justifications de sa situation professionnelle effective ; le lissage sur 12 mois de sa rémunération ne lui a causé aucun préjudice, dès lors qu'il n'a effectué aucun service en dehors de la période d'activité scolaire et a été rémunéré en fonction des heures d'enseignement effectuées ; le requérant tente d'obtenir par cet intermédiaire le paiement d'heures d'enseignement qu'il n'a pas eu à effectuer ; enfin, le montant de sa rémunération n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 91-857 du 2 septembre 1991 ;

- le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., professeur de guitare, a été employé en qualité de contractuel à compter du 1er octobre 2010 au sein du SIVU de l'école de musique Ravel en qualité d'assistant d'enseignement artistique puis d'assistant d'enseignement artistique principal de 2ème classe, par contrats successifs d'un an jusqu'au 30 septembre 2018. Par un courrier du 22 mai 2018, la présidente du SIVU l'a informé que son contrat ne serait pas renouvelé à l'échéance. Par une demande reçue le 20 juillet 2018, l'intéressé a sollicité du SIVU l'indemnisation des différents chefs de préjudice causés par cette décision. En l'absence de réponse, une décision implicite de rejet est née et il a porté sa réclamation devant le tribunal administratif de Strasbourg. Par la présente requête, l'intéressé relève appel du jugement du tribunal du 19 mars 2020 en tant qu'il a limité le montant de la réparation à la somme de 3 030 euros. Le SIVU conclut pour sa part à l'infirmation du jugement attaqué et au rejet de la requête de M. A....

Sur les conclusions indemnitaires fondées sur le recours abusif du SIVU à des contrats à durée déterminée :

En ce qui concerne la responsabilité du SIVU :

2. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, à l'exception de ceux réservés aux magistrats de l'ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l'ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut ". Aux termes de l'article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984 : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et pour les besoins de continuité du service, les emplois permanents des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la présente loi peuvent être occupés par des agents contractuels pour faire face à une vacance temporaire d'emploi dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire. Le contrat est conclu pour une durée déterminée qui ne peut excéder un an. (...) / Sa durée peut être prolongée, dans la limite d'une durée totale de deux ans, lorsque, au terme de la durée fixée au deuxième alinéa du présent article, la procédure de recrutement pour pourvoir l'emploi par un fonctionnaire n'a pu aboutir ".

3. Il incombe au juge, pour apprécier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause. Un renouvellement abusif de contrats à durée déterminée ouvre à l'agent concerné un droit à l'indemnisation du préjudice qu'il subit lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

4. Ainsi qu'il a été indiqué, M. A... a été employé par l'école de musique pendant une période de 8 années, de sorte que, même si sa quotité de travail a varié en fonction du nombre d'élèves inscrits chaque année, le SIVU n'est pas fondé à soutenir que l'emploi occupé par l'intéressé ne présentait pas un caractère permanent. Il entrait donc dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984, d'ailleurs expressément visées dans les contrats de travail en cause à partir de l'année scolaire 2014/2015.

5. Ces dispositions ne prévoient la possibilité du recours à un contrat à durée déterminée que dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire et dans la limite d'une durée totale de 2 ans. Or il est constant que les contrats de l'intéressé ont été renouvelés jusqu'au 30 septembre 2018 et qu'il a ainsi été employé par le SIVU pendant une période globale de huit ans. Compte-tenu du nombre et de la durée totale de ces renouvellements et alors que le SIVU ne justifie pas de l'impossibilité de pourvoir le poste de professeur de guitare par un fonctionnaire ni même avoir seulement initié des démarches en ce sens, sa responsabilité pour recours abusif à des contrats à durée déterminée est engagée.

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant de la prescription :

6. Aux termes du premier article de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ".

7. S'agissant de l'indemnité de licenciement, c'est à bon droit que le tribunal a retenu que la créance en litige correspondait à la réparation du dommage né à l'issue du dernier renouvellement du contrat à durée déterminée recrutant l'intéressé et a dès lors écarté les conclusions relatives à la prescription quadriennale.

8. S'agissant de l'indemnisation du préjudice moral allégué par l'intéressé, du fait de son maintien dans une situation précaire, son fait générateur réside également dans la rupture des relations contractuelles à l'échéance de son dernier contrat de travail, de sorte que la prescription quadriennale ne peut davantage être opposée à cette créance.

S'agissant du préjudice financier et du préjudice moral :

9. Aux termes du premier alinéa de l'article 45 du décret du 15 février 1988, pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, applicable en l'espèce : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. ". En application des dispositions de l'article 46 de ce même décret, l'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article 45 précité pour chacune des douze premières années de services et au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base.

10. Le licenciement de M. A... ayant pris effet le 1er octobre 2018, c'est à bon droit que le tribunal a pris en compte le traitement effectivement perçu au cours du mois de septembre 2018, mois civil précédant le licenciement. La rémunération de base à retenir s'entend par ailleurs comme la rémunération nette des cotisations sociales, du supplément familial de traitement, des indemnités pour travaux supplémentaires incluant la prime de fin d'année et des indemnités accessoires. Toutefois, alors qu'il ressort des pièces du dossier que sa rémunération complète, au mois de septembre, n'a été obtenue que par l'adjonction d'indemnités journalières versées par la caisse de sécurité sociale, lesquelles ne sauraient être regardées comme constitutives de sa rémunération au sens des dispositions précitées, il y a lieu au cas d'espèce de calculer l'indemnité de licenciement due à M. A... sur une base assise sur la dernière rémunération à plein traitement, soit celle perçue au mois d'août 2018, déduction faite des cotisations sociales, soit une somme de 1 230,39 euros, qu'il convient de diviser par deux et de multiplier par huit pour obtenir le montant de l'indemnité à laquelle l'intéressé aurait eu droit s'il avait été licencié. Dans ces conditions, il y a lieu d'allouer au requérant une indemnité d'un montant de 4 921,56 euros en réparation du préjudice financier qu'il a subi du fait du recours abusif par le SIVU à des contrats à durée déterminée.

11. Il sera par ailleurs fait une juste appréciation du préjudice moral de M. A..., eu égard au nombre et à la durée des contrats successifs, en l'évaluant à la somme de 2 500 euros.

Sur les conclusions indemnitaires fondées sur les manques à gagner subis au titre des rémunérations perçues :

12. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale dans sa version en vigueur jusqu'au 1er janvier 2016 : " L'agent non titulaire est recruté, soit par contrat, soit par décision administrative. L'acte d'engagement est écrit. Il précise l'article et, éventuellement, l'alinéa de l'article de la loi du 26 janvier 1984 précitée en vertu duquel il est établi. Il fixe la date à laquelle le recrutement prend effet et, le cas échéant, prend fin et définit le poste occupé et ses conditions d'emploi. Il indique les droits et obligations de l'agent ", et dans ses versions applicables jusqu'au 29 février 2020 : " L'agent est recruté par un contrat écrit. Le contrat mentionne l'article de la loi du 26 janvier 1984 susvisée sur le fondement duquel il est établi. Lorsqu'il est conclu en application des articles 3 et 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, il précise l'alinéa en vertu duquel il est établi. Le contrat précise sa date d'effet, sa durée et, le cas échéant, la date à laquelle il prend fin. Il définit le poste occupé ainsi que la catégorie hiérarchique, telle que définie au troisième alinéa de l'article 5 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dont l'emploi relève. Ce contrat précise également les conditions d'emploi et de rémunération et les droits et obligations de l'agent (...) ".

13. Il ressort de l'examen des différents contrats de travail de l'intéressé qu'ils précisent tous les dates d'effet, la durée et le poste occupé et qu'ils renvoient pour les droits et obligations aux dispositions de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 15 février 1988. S'agissant en particulier de la rémunération, comme l'a retenu à bon droit le tribunal, les contrats précisent l'indice de rémunération, par référence à la grille indiciaire du cadre d'emploi d'assistant d'enseignement artistique, et indiquent que cette rémunération sera affectée d'un coefficient d'emploi variable selon les heures de cours dispensées et, du moins pour les contrats courant jusqu'au 30 septembre 2016, qu'elle sera lissée sur 12 mois. De telles indications étaient suffisantes pour déterminer la rémunération de l'agent et étaient en tout état de cause conformes aux dispositions précitées de l'article 3 du décret du 15 février 1988 dans ses différentes versions. M. A... ne justifie par ailleurs pas qu'il n'aurait pas été rémunéré conformément aux dispositions de ses contrats de travail.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) / Les agents non titulaires qui ne demandent pas leur intégration ou dont la titularisation n'a pas été prononcée, les agents non titulaires recrutés pour exercer les fonctions mentionnées aux articles 3 et 25 de la présente loi ainsi que ceux recrutés dans les conditions prévues par la section II du chapitre III et par l'article 110 sont régis notamment par les mêmes dispositions que celles auxquelles sont soumis les fonctionnaires en application des articles 6, 7, 8, 10, 11, 17, 18, 20, premier et deuxième alinéas, 23, 25, 26, 27, 28, 29 du titre Ier du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires. ". Aux termes de l'article 2 du décret du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux spécialisés d'enseignement artistique (musique, danse, arts plastiques), dans sa version applicable à la date de la conclusion du contrat d'engagement de M. A... : " Les assistants spécialisés d'enseignement artistique exercent leurs fonctions, selon les formations qu'ils ont reçues, dans les spécialités suivantes : 1° Musique ; (...) / Les fonctionnaires du cadre d'emplois sont chargés, selon leur spécialité, de tâches d'enseignement dans les conservatoires à rayonnement régional, départemental, communal ou intercommunal classés et les établissements d'enseignement de la musique, de la danse et de l'art dramatique non classés et dans les écoles d'arts plastiques qui ne sont pas habilitées à dispenser un enseignement sanctionné par un diplôme national ou par un diplôme agréé par l'Etat. /Ils sont également chargés d'apporter une assistance technique ou pédagogique aux professeurs de musique, de danse et d'arts plastiques. (...) / Les assistants spécialisés d'enseignement artistique assurent un service hebdomadaire de vingt heures. (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique, applicable à compter du 1er avril 2012 : " I. - Les membres du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique exercent leurs fonctions, selon les formations qu'ils ont reçues, dans les spécialités suivantes : 1° Musique (...) / Les membres du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique sont astreints à un régime d'obligation de service hebdomadaire de vingt heures. / Ils sont placés, pour l'exercice de leurs fonctions, sous l'autorité du fonctionnaire chargé de la direction de l'établissement dans lequel ils exercent leurs fonctions. (...) ". En vertu de l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'Etat ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 susvisé sous réserve des dispositions suivantes. ". Enfin, l'article 7 de ce même décret dispose : " Les régimes d'obligations de service sont, pour les personnels qui y sont soumis, ceux définis dans les statuts particuliers de leur cadre d'emplois. ".

15. Ainsi qu'il a été indiqué, il est constant que la rémunération du requérant a été définie sur la base d'une annualisation de son temps de travail. Si, aux termes du décret du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux spécialisés d'enseignement artistique puis par le décret du 29 mars 2012 applicable aux membres du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique détermine un régime d'obligation de service hebdomadaire de seize puis vingt heures hebdomadaires, de sorte que l'annualisation du temps de travail n'est pas applicable à ces fonctionnaires, les agents contractuels et les fonctionnaires ne se trouvent pas dans la même situation juridique au regard du service public. Alors même qu'ils exerceraient les mêmes fonctions, le SIVU n'était ainsi pas tenu de soumettre les uns et les autres à la même réglementation, notamment en ce qui concerne les modalités de la définition et l'organisation de leur temps de travail, leur rémunération et de leur avancement. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'annualisation irrégulière du temps de travail de l'intéressé doit être écarté, alors en tout état de cause que ce dernier ne justifie pas d'un préjudice en lien avec ce lissage annuel, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'il n'a effectué aucun service en dehors de la période d'activité scolaire et qu'il a été rémunéré en fonction des heures d'enseignement effectuées.

16. En troisième et dernier lieu, si, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires relatives à la fixation de la rémunération des agents non titulaires, l'autorité compétente dispose d'une large marge d'appréciation pour déterminer, en tenant compte notamment des fonctions confiées à l'agent et de la qualification requise pour les exercer, le montant de la rémunération ainsi que son évolution, il appartient au juge, saisi d'une contestation en ce sens, de vérifier qu'en fixant ce montant l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

17. Il résulte de l'instruction que, lors du recrutement de M. A..., le SIVU a fixé sa rémunération sur la base de l'indice correspondant au premier échelon du grade d'assistant d'enseignement artistique moyennant un abattement de 10 %. Au regard du seul DEUG alors en possession de l'intéressé et de son expérience professionnelle limitée, ce montant n'apparaît pas sous-évalué. S'il résulte de l'instruction que M. A... a consolidé sa formation en obtenant ultérieurement une licence puis le diplôme d'Etat de professeur de musique au moyen d'une validation des acquis de l'expérience, d'ailleurs financièrement prise en charge par le SIVU, et s'il justifie de son investissement auprès de ses élèves et collègues par de très nombreux témoignages, il est constant qu'à l'occasion des renouvellements successifs de son contrat, sa rémunération a été revalorisée pour atteindre celle correspondant à l'indice applicable au quatrième échelon du grade d'assistant d'enseignement artistique principal de deuxième classe. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le SIVU aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant son niveau de rémunération doit être écarté.

18. Il s'ensuit que les conclusions indemnitaires relatives aux manques à gagner subis au titre des rémunérations perçues doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la non-admission en première instance de la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté desdites conclusions et sur la prescription quadriennale de certaines des créances alléguées.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à réclamer le versement d'une indemnité de 7 421,56 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait du recours abusif par le SIVU à des contrats à durée déterminée.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Il y a lieu de mettre à la charge du SIVU de l'école de musique Ravel, partie perdante, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La somme mise à la charge du syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) de l'école de musique Ravel est portée à 7 421,56 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1806010 du 19 mars 2020 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) de l'école de musique Ravel versera à M. A... une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions d'appel incident du syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) de l'école de musique Ravel sont rejetées.

Article 6 : Les conclusions du syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) de l'école de musique Ravel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) de l'école de musique Ravel.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 20NC01004 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01004
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : LEXIO AVOCATS CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;20nc01004 ?
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