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27/06/2024 | FRANCE | N°21NC03335

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 27 juin 2024, 21NC03335


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... Lexa a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2019 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Meurthe-et-Moselle l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois à compter du 22 juillet 2019, de condamner le SDIS de Meurthe-et-Moselle à lui verser la somme de 35 000 euros et d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le président du conseil d'a

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Lexa a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2019 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Meurthe-et-Moselle l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois à compter du 22 juillet 2019, de condamner le SDIS de Meurthe-et-Moselle à lui verser la somme de 35 000 euros et d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le président du conseil d'administration du SDIS de Meurthe-et-Moselle a résilié son contrat d'engagement en qualité de sapeur-pompier volontaire à compter du 22 novembre 2019.

Par un jugement n° 1902145, 1902822, 1903551 du 4 novembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 1er juillet 2019 du président du conseil d'administration du SDIS de Meurthe-et-Moselle portant suspension de fonction de M. Lexa et rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 décembre 2021 et 18 mars 2024, M. Lexa, représentée par Me Tassigny, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2019 et de condamner le SDIS de Meurthe-et-Moselle à lui verser une somme de 35 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal aurait dû examiner sa demande indemnitaire à l'aune du seul arrêté de suspension dès lors que sa requête indemnitaire a été enregistrée avant même la demande d'annulation de la décision de résiliation du contrat d'engagement ;

- les premiers juges n'ont pas tenu compte des pièces qu'il avait produites et leur décision est entachée de contradiction ;

S'agissant de la demande indemnitaire :

- le SDIS n'apporte aucun élément de preuve à ses écritures ;

- il a respecté ses engagements ;

- il fait l'objet de harcèlement moral et à cet égard, il n'a pas eu de réponse à ses interrogations, le SDIS s'est immiscé dans sa vie privée et professionnelle, ses soutiens ont fait l'objet de tentatives d'intimidation, sa hiérarchie a cherché à l'éliminer, il a été mis à l'écart ;

- ces éléments ont des répercussions sur son état lequel suppose un suivi médical ;

- le SDIS a un comportement fautif qui peut être qualifié de harcèlement ;

- son préjudice doit être évalué à la somme de 35 000 euros ;

S'agissant de la légalité de la décision du 14 novembre 2019 :

- cette mesure de suspension a été prise en rétorsion à ses demandes antérieures ;

- sa convocation devant le conseil de discipline est irrégulière dès lors que l'administration n'a pas saisi le conseil de discipline rapidement et qu'il a été convoqué après l'expiration du délai maximum de la période de suspension ;

- l'administration avait déjà pris la décision de résilier son contrat d'engagement avant même l'examen de son dossier par le conseil de discipline, en témoignent la demande de restitution de son badge et l'interdiction de figurer dans le calendrier 2020 ;

- le fait de ne pas avoir accepté de participer à la médiation proposée par sa hiérarchie n'est pas constitutif d'une faute ;

- il a fait l'objet de discrimination ;

- la sanction est sans fondement dès lors qu'il a toujours rempli ses obligations de service.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2022, le SDIS de Meurthe-et-Moselle, représenté par Me Poput, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. Lexa au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. Lexa ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton, première conseillère,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Mercier substituant Me Poput pour le SDIS de Meurthe-et-Moselle.

Considérant ce qui suit :

1. M. Lexa est sapeur-pompier volontaire au SDIS de Meurthe-et-Moselle, affecté au centre de Piennes. Engagé depuis le 1er avril 2002, il a exercé les fonctions de premier adjoint au chef de centre à compter du mois d'avril 2018 et a été nommé au grade d'adjudant-chef le 1er octobre 2018. Par un arrêté du 1er juillet 2019, le président du conseil d'administration du SDIS de Meurthe-et-Moselle l'a suspendu de ses fonctions à compter du 22 juillet 2019, pour une durée de quatre mois. Par un arrêté du 14 novembre 2019, le président du conseil d'administration du SDIS de Meurthe-et-Moselle a résilié son contrat d'engagement en qualité de sapeur-pompier volontaire à compter du 22 novembre 2019. M. Lexa a saisi le tribunal administratif de Nancy en lui demandant d'annuler ces deux décisions et de condamner le SDIS de Meurthe-et-Moselle à lui verser une somme de 35 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral. Par un jugement du 4 novembre 2021, le tribunal a annulé l'arrêté du 1er juillet 2019 portant suspension de fonction et rejeté le surplus des demandes de M. Lexa. Ce dernier relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, M. Lexa reproche aux premiers juges de ne pas avoir examiné ses requêtes dans l'ordre chronologique dans lequel elles avaient été enregistrées par le tribunal. Toutefois, aucun texte ni aucun principe n'impose au juge de statuer sur des requêtes dans l'ordre chronologique dans lequel elles sont enregistrées. Par ailleurs, M. Lexa a présenté une demande indemnitaire en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi par une requête distincte, il ne saurait donc soutenir qu'en faisant droit à sa demande d'annulation de la décision de suspension présentée dans sa première requête, le juge aurait dû lui accorder l'indemnisation qu'il sollicitait dans sa deuxième requête, laquelle tendait au demeurant à la réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont il s'estimait victime.

3. En deuxième lieu, le juge apprécie souverainement s'il y a lieu ou non de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En estimant qu'il n'y avait pas lieu " dans les circonstances de l'espèce " de mettre à la charge du SDIS de Meurthe-et-Moselle la somme demandée par M. Lexa au titre des frais exposés et non compris dans les dépens pour une des requêtes et en décidant qu'il y avait lieu de mettre de tels frais à la charge de M. Lexa au profit du SDIS de Meurthe-et-Moselle pour les deux autres requêtes, le tribunal a suffisamment motivé sa décision et tenu compte de l'équité.

4. En dernier lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par le requérant. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré du comportement fautif de l'administration dès lors que le moyen tiré de l'illégalité fautive de la décision de suspension n'était pas soulevé par le requérant. Par suite, M. Lexa n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 14 novembre 2019 :

5. D'une part aux termes de l'article L. 723-5 du code de la sécurité intérieure : " L'activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres. ". Aux termes de l'article L. 723-8 du même code : " L'engagement du sapeur-pompier volontaire est régi par le présent livre ainsi que par la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers. Ni le code du travail ni le statut de la fonction publique ne lui sont applicables, sauf dispositions législatives contraires (...). Aux termes de l'article L. 723-10 du même code : " Une charte nationale du sapeur-pompier volontaire, élaborée en concertation notamment avec les représentants de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, est approuvée par voie réglementaire. Elle rappelle les valeurs du volontariat et détermine les droits et les devoirs des sapeurs-pompiers volontaires. (...) Elle est signée par le sapeur-pompier volontaire lors de son premier engagement ". Aux termes de la charte nationale du sapeur-pompier volontaire constituant l'annexe 3 du code de la sécurité intérieure : " (...) La charte nationale du sapeur-pompier volontaire a pour objet de rappeler les valeurs du volontariat et de déterminer les droits et les devoirs du sapeur-pompier volontaire. Cette charte définit, par ailleurs, le rôle du réseau associatif des sapeurs-pompiers dans la promotion, la valorisation et la défense des intérêts des sapeurs-pompiers volontaires. (...) En tant que sapeur-pompier volontaire, je m'engage à servir avec honneur, humilité et dignité au sein du corps (départemental, communal ou intercommunal ou du service de l'Etat investi à titre permanent des missions de sécurité civile) et à avoir un comportement irréprochable lorsque je porte la tenue de sapeur-pompier (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article R. 723-35 du code de la sécurité intérieure : " Tout sapeur-pompier volontaire doit obéissance à ses supérieurs ". Aux termes de l'article R. 723-39 du même code dans sa version en vigueur : " L'autorité de gestion peut suspendre de ses fonctions le sapeur-pompier volontaire auteur d'une faute grave, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations de sapeur-pompier volontaire ou d'une infraction de droit commun. Elle doit saisir sans délai le conseil de discipline départemental mentionné à l'article R. 723-77. La suspension cesse de plein droit lorsque la décision disciplinaire a été rendue. La durée de cette suspension ne peut excéder quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité de gestion, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions ". Enfin l'article R. 723-40 du code de la sécurité intérieure dispose que : " L'autorité de gestion peut, après avis du conseil de discipline départemental, prononcer contre tout sapeur-pompier volontaire : 1° L'exclusion temporaire de fonctions pour six mois au maximum ; 2° La rétrogradation ; 3° La résiliation de l'engagement ".

7. En premier lieu, aucun texte législatif ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, n'enferment l'exercice du pouvoir disciplinaire dans un délai déterminé, ni ne font obligation à l'autorité administrative compétente d'initier une telle action avant l'expiration de la mesure de suspension. Par suite, et alors même que le conseil de discipline départemental des sapeurs-pompiers volontaires a été saisi le 4 juin 2019 et ne s'est réuni qu'après l'expiration du délai de suspension le 4 novembre 2019 pour émettre un avis sur la sanction envisagée par l'autorité de gestion, M. Lexa n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté portant résiliation de son engagement est entaché d'un vice de procédure au motif qu'en méconnaissance des dispositions précitées cette instance n'aurait pas été saisie " aussi rapidement que possible ".

8. En deuxième lieu, une mesure de suspension est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constitue ni un acte préparatoire à la sanction disciplinaire pouvant être ultérieurement prononcée, ni le fondement d'une telle sanction. Par suite, la circonstance tirée de ce que l'arrêté portant suspension des fonctions de M. Lexa constituerait une mesure de rétorsion prise en raison des réclamations qu'il a adressées au SDIS de Meurthe-et-Moselle par l'intermédiaire de son avocat, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le président du conseil d'administration du SDIS de Meurthe-et-Moselle a résilié son contrat d'engagement de sapeur-pompier volontaire.

9. En troisième lieu, M. Lexa soutient que l'administration avait déjà pris la décision de résilier son contrat d'engagement depuis un certain temps. Il se prévaut de la demande de restitution de ses moyens d'accès au centre qui lui a été adressée par le chef de centre le 16 septembre 2019 et de la demande de ce dernier tendant à ce que sa photographie n'apparaisse pas sur le calendrier des sapeurs-pompiers de Piennes de l'année 2020. Néanmoins, il ressort des pièces du dossier que la demande de restitution était justifiée par le manque de matériel et que la seconde demande était justifiée par la décision de suspension dont faisait l'objet le requérant. En conséquence, ces deux demandes, formulées par le chef de centre, ne sont pas de nature à établir, dans les circonstances de l'espèce, que l'administration aurait décidé de manière anticipée de résilier le contrat d'engagement de l'intéressé.

10. En quatrième lieu, le président du conseil d'administration du SDIS de Meurthe-et-Moselle a prononcé la résiliation du contrat d'engagement de M. Lexa au motif que l'intéressé a adopté à compter du mois d'août 2018 un comportement caractérisé par des refus d'obéissance hiérarchique répétés, des pressions exercées sur certains membres du centre de secours de Piennes, ainsi que des manquements à son obligation de réserve et d'exemplarité, ayant conduit à instaurer une ambiance délétère au sein du centre de secours et à impacter la disponibilité des effectifs et la capacité du centre à honorer ses départs en intervention.

11. A cet égard, il ressort des pièces du dossier, et notamment de plusieurs comptes-rendus et courriels rédigés par le chef du centre de secours de Piennes et supérieur hiérarchique direct de M. Lexa, que ce dernier n'a pas fait remonter les doléances de formation des agents du centre de secours au titre de l'année 2019 et qu'il n'en a pas contacté les membres afin de déterminer le potentiel opérationnel du centre pour les fêtes de fin d'année, en méconnaissance des consignes données par son supérieur hiérarchique, le contraignant à devoir se charger lui-même de ces tâches. Il ressort en outre des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté que le requérant a, de sa propre initiative et sans en aviser son supérieur hiérarchique, inscrit des agents du centre de secours à des formations, tout en s'abstenant de répondre à ses demandes tendant à ce que certains agents identifiés soient rapidement inscrits à certaines formations en raison du nombre limité de places disponibles. Il n'est pas davantage contesté que le 20 novembre 2018, M. Lexa a transmis à sa hiérarchie supérieure la liste des formations de maintien des acquis que le centre de Piennes souhaitait organiser sans toutefois avoir reçu l'accord préalable de son supérieur hiérarchique direct.

12. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. Lexa a adopté un comportement et tenu des propos inappropriés vis-à-vis de plusieurs sapeurs-pompiers et instauré un climat délétère et clanique au sein du centre de secours de Piennes, ayant conduit certains agents à présenter leur démission ou à solliciter leur mutation. Si le requérant dément avoir accusé un collègue de vol et tenu des propos discriminatoires à son encontre au cours de la manœuvre du 7 octobre 2018, il ne conteste pas, en revanche, avoir tenu en octobre et en novembre 2018, des propos humiliants à l'encontre d'un autre agent, en lui indiquant notamment qu'il lui " ferait la misère " et s'opposerait formellement à son inscription à des formations le jour où ce dernier passerait au grade de sergent-chef, l'accusant en outre de partir ivre en intervention. Le requérant ne conteste pas non plus avoir, au cours de la manœuvre mensuelle du centre du 6 janvier 2019, pris la parole devant l'ensemble des sapeurs-pompiers présents pour leur annoncer qu'il avait pris rendez-vous avec le directeur à la suite de l'accusation de " fraude à la vacation " dont il estime avoir fait l'objet et qu'il porterait plainte pour diffamation à l'encontre des agents ayant rédigé des comptes-rendus à son égard.

13. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le 8 mars 2019, alors qu'il revenait d'une intervention, M. Lexa a interpellé le chef de centre devant des élèves et des enseignants en visite au centre de Piennes, en manifestant son mécontentement et en mettant en cause une consigne que ce dernier aurait transmise la veille aux responsables d'équipes. Le témoignage produit par M. Lexa émanant d'une collègue et indiquant de manière peu circonstanciée que l'enseignante présente sur les lieux n'aurait constaté aucune altercation lors de la visite du 8 mars 2019, mais n'aurait pas souhaité témoigner pour éviter des soucis avec sa hiérarchie, ne permet pas de remettre en cause de manière suffisamment probante la matérialité de ces agissements par ailleurs corroborée par deux témoignages d'agents présents sur les lieux au moment des faits.

14. L'ensemble des faits reprochés à M. Lexa doivent être regardés comme suffisamment établis. Ces faits sont fautifs et constituent notamment un manquement aux obligations d'obéissance hiérarchique et d'exemplarité qui s'imposent aux sapeurs-pompiers, et sont de nature à justifier une sanction. Eu égard à la répétition de ces comportements entre août 2018 et mars 2019 et malgré les rappels à l'ordre dont il a fait l'objet de la part de hiérarchie, M. Lexa n'a pas modifié sa conduite et n'a pas donné suite aux propositions qui lui ont été faites, notamment la procédure de médiation. En conséquence ces faits constituent des manquements graves aux obligations professionnelles du sapeur-pompier volontaire. Par suite, en prononçant en raison de ces fautes la résiliation de l'engagement de M. Lexa, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle n'a pas pris une sanction disproportionnée.

15. En dernier lieu, la circonstance que le président du conseil d'administration du SDIS de Meurthe-et-Moselle n'aurait pris aucune sanction à l'encontre du chef du centre de secours de Piennes est sans incidence sur la légalité de la décision de résiliation du contrat d'engagement de M. Lexa et ne saurait traduire, dans les circonstances de l'espèce, un comportement discriminatoire de l'administration à l'encontre du requérant.

En ce qui concerne la demande indemnitaire :

16. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ".

17. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser l'existence de tels agissements. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au regard de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

18. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui.

19. M. Lexa soutient être victime d'agissements de harcèlement moral dès lors qu'il a fait l'objet d'une mesure de suspension, qu'il n'a obtenu aucune réponse à ses demandes d'explications lors des entretiens auxquels il a été convoqué, que ses supérieurs se sont immiscés dans sa vie privée et professionnelle, que lui-même et les personnels le soutenant ont fait l'objet de tentatives d'intimidation et qu'il a été mis à l'écart.

20. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. Lexa a été mis à l'écart en raison de son comportement fautif caractérisé par des refus d'obéissance hiérarchique et des manquements répétés à son devoir d'exemplarité de nature à perturber gravement le fonctionnement du centre de secours de Piennes. A cet égard, M. Lexa a été convoqué à cinq reprises par sa hiérarchie entre septembre 2018 et mars 2019. Si ce dernier soutient ne pas avoir eu d'explication sur ses demandes relatives à ces entretiens, il résulte de l'instruction que ces convocations étaient justifiées par les difficultés répétées causées par le comportement et la manière de servir du requérant. Il ne résulte pas de l'instruction qu'aucune explication ni aucune remarque sur son comportement ne lui aurait été adressée au cours de ces entretiens qui ont, au contraire, donné lieu à plusieurs rappels à l'ordre et avertissements adressés à M. Lexa. Ensuite, par un courriel du 7 janvier 2019, le responsable management des chefs de centre a invité M. Lexa à formuler ses questions et inquiétudes par écrit et sous couvert de son chef de centre afin d'éviter " toutes représailles du commandement de groupement et une expédition radicale de la part du DDSIS ". Si les termes employés dans ce courrier sont maladroits, ils ne sauraient toutefois, eu égard au comportement de l'intéressé depuis août 2019 et à la circonstance qu'il avait déjà fait l'objet de plusieurs rappels à l'ordre, être regardés comme une tentative d'intimidation. Par ailleurs, en se bornant à produire un échange de courriels du 12 février 2019, par lequel M. Lexa reproche au responsable management des chefs de centre d'avoir affirmé, au cours d'un entretien du 5 février, qu'il avait diligenté une enquête et qu'il rencontrait " des problèmes à son travail ", le requérant n'établit pas être victime de tentatives d'immixtion dans sa vie privée et professionnelle. Enfin, s'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la " lettre de soutien à l'adjudant-chef Lexa " signée par plusieurs agents du centre de secours de Piennes, le chef de centre a adressé un SMS à l'ensemble de ces agents leur indiquant notamment que toute personne signant cette lettre " peut s'exposer à une sanction ", un tel message ne saurait être regardé dans les circonstances de l'espèce comme une tentative d'intimidation de nature à nuire à M. Lexa.

21. En conséquence, les éléments avancés par M. Lexa ne sont pas de nature à faire présumer l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral et, par suite, le SDIS de Meurthe-et-Moselle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

22. Il résulte de ce qui précède que M. Lexa n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. Lexa demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. Lexa la somme que demande le SDIS de Meurthe-et-Moselle sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. Lexa est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Lexa et au service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2024.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne à la préfète de Meurthe-et-Moselle, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 21NC03335 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03335
Date de la décision : 27/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SELARL BAZIN ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-27;21nc03335 ?
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