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20/06/2024 | FRANCE | N°23NC01861

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 20 juin 2024, 23NC01861


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 21 mai 2023 par lequel le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2301559 du 30 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a

rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 9 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 21 mai 2023 par lequel le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2301559 du 30 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2023, M. B... A..., représenté par Me Lebon-Mamoudy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 21 mai 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il disposait d'un droit au séjour en vertu de l'article 6-5 de l'accord

franco-algérien ;

- la mesure d'éloignement est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant refus de délai de départ volontaire et désignation du pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'interdiction de retour est illégale dès lors qu'il justifie de circonstances particulières justifiant qu'en l'espèce, une telle mesure ne soit pas édictée ;

- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation, son comportement ne constitue pas une atteinte actuelle et suffisamment grave à l'ordre public justifiant une interdiction de retour ;

- cette mesure porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

La procédure a été communiquée au préfet de la Loire, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 5 novembre 1991, serait entré en France au cours de l'année 2017, selon ses déclarations. Par un arrêté du préfet de la Loire du 18 mai 2022, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Son recours contre cette décision a été rejeté par un jugement du 5 juillet 2022 du tribunal administratif de Lyon, puis par une ordonnance de la cour administrative de Lyon du 9 mai 2023. A la suite d'un placement en garde à vue, le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant son pays de destination et en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, par un arrêté du 21 mai 2023. Placé en rétention administrative, M. A... a demandé l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

3. M. A... se prévaut de la durée de sa présence en France, où il a bénéficié d'un titre de séjour valable du 3 décembre 2020 au 2 décembre 2021, de son mariage avec une ressortissante française dont il est désormais séparé, de la présence en France de son frère et de ses deux sœurs, en situation régulière. Il invoque également son intégration professionnelle, puisqu'il a travaillé entre décembre 2019 et septembre 2022, ainsi que le fait qu'il bénéficie d'un domicile stable.

4. Toutefois, si le divorce de l'intéressé n'a pas été prononcé, il est constant qu'il est séparé de sa compagne depuis juin 2021. Le requérant n'a pas d'enfant et il ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a passé la majeure partie de son existence. De plus, M. A... a été condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violences envers sa conjointe par un jugement du tribunal correctionnel de Saint-Etienne du 3 mai 2021, puis à quatre mois d'emprisonnement, par un jugement du même tribunal, le 11 février 2022, pour des faits de harcèlement envers sa conjointe, ce dernier jugement ayant révoqué le sursis qui assortissait la précédente condamnation. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au regard de ces circonstances, le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il remplit les conditions lui permettant de bénéficier d'un titre de séjour de plein droit, sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. De même, compte tenu des éléments de fait qui ont été rappelés, la mesure d'éloignement n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

5. En deuxième lieu, aucun des moyens invoqués à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire n'étant fondé, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision pour contester les décisions portant refus de délai de départ volontaire et désignation du pays de renvoi.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français.". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

7. Le requérant ne justifie pas de circonstances susceptibles d'être qualifiées d'humanitaires, au sens des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de nature à justifier qu'il ne fasse pas l'objet d'une interdiction de retour alors même qu'il a été légalement privé de délai de départ volontaire.

8. A supposer même que M. A... se soit effectivement maintenu sur le territoire français depuis le mois de mai 2017, ainsi qu'il le prétend, et si des membres de sa fratrie résident régulièrement en France, il s'est maintenu sur le territoire national en dépit d'une précédente obligation de quitter le territoire français édictée le 18 mai 2022 et sa présence représente une menace pour l'ordre public, au regard des faits délictuels mentionnés au point 4, qui présentent un caractère récent à la date de l'arrêté contesté. La fixation de la durée de l'interdiction de retour n'est donc pas entachée d'erreur d'appréciation au regard des critères énoncés aux dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Par ailleurs, au regard des circonstances de fait précédemment rappelées, l'interdiction de retour ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A..., que ce soit dans son principe ou dans sa durée. Elle ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire en date du 21 mai 2023, ni à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Sa requête ne peut, dès lors, qu'être rejetée, dans toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeL'assesseur le plus ancien,

Signé : E. Meisse

La greffière,

Signé : S. Blaise

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

S. Blaise

2

N° 23NC01861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01861
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : LEBON-MAMOUDY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23nc01861 ?
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