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20/06/2024 | FRANCE | N°23NC01610

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 20 juin 2024, 23NC01610


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme F... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023, par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, l'a obligée à justifier des diligences dans la préparation de son départ aux services de gendarmerie et a fixé le pays de destination.





Par un jugement n° 2300972 du 18 avril 2023, le tr

ibunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé la décision du 12 janvier 2023 portant obligation à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023, par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, l'a obligée à justifier des diligences dans la préparation de son départ aux services de gendarmerie et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2300972 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé la décision du 12 janvier 2023 portant obligation à Mme D... de se présenter aux services de gendarmerie de Mulhouse pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ, d'autre part, rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 mai et 29 décembre 2023, Mme D..., représentée par Me Galland, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 avril 2023 en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 12 janvier 2023 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire en application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, subsidiairement, de l'article L. 435-1 du même code, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en méconnaissance des articles L. 5 et R. 611-1 du code de justice administrative, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté, les premiers juges se sont fondés sur un mémoire en défense du préfet qui n'a pas été soumis au contradictoire ;

- le principe du contradictoire a été méconnu dans la mesure où, les premiers juges, pour écarter le moyen tiré de l'erreur de fait, ont pris en considération des pièces et écritures produites tardivement par l'administration ;

s'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- la décision est entachée d'une erreur de fait sur la nature de la relation avec le conjoint de sa mère ;

- en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- en méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas sa situation à titre exceptionnel ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante dominicaine née le 22 février 2004, est entrée en France le 1er février 2022, selon ses déclarations, munie d'un passeport revêtu d'un visa d'une durée de quatre-vingt-dix jours. Le 21 mars 2022, Mme D... a sollicité son admission au séjour en se prévalant de son état de santé. Par une décision du 19 septembre 2022, le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer le titre sollicité. Le 21 novembre 2022, Mme D... a sollicité son admission au séjour en se prévalant de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 12 janvier 2023, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer le titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé la décision du 12 janvier 2023 portant obligation à Mme D... de se présenter aux services de gendarmerie de Mulhouse pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ, d'autre part, rejeté le surplus de la demande tendant à l'annulation des autres décisions contenues dans l'arrêté du 12 janvier 2023. Mme D... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le préfet du Haut-Rhin a présenté un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2023 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg, postérieurement à la clôture d'instruction, et qui n'a pas été communiqué.

4. D'une part, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté, les premiers juges se sont fondés sur un arrêté du 12 janvier 2022 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture par lequel le préfet du Haut-Rhin avait délégué sa signature. Aux termes de cet arrêté, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation à Mme B... A..., adjointe au chef du service de l'immigration et de l'intégration, en cas d'absence ou d'empêchement de M. E... C..., directeur de la réglementation, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions dévolues à ce service, à l'exception de certaines catégories d'actes. Dans la mesure où un arrêté de délégation de signature constitue un acte règlementaire, les premiers juges pouvaient se fonder sur un tel arrêté, au demeurant non produit par le préfet dans son mémoire en défense, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté. Par ailleurs, il appartenait à Mme D... de contester que le directeur de la règlementation n'était pas absent ou empêché.

5. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que, pour écarter le moyen tiré de l'erreur de fait qui aurait été commise par le préfet du Haut-Rhin sur la nature des liens noués avec le conjoint de la mère de Mme D..., les premiers juges se soient fondés sur des éléments produits par le préfet du Haut-Rhin et non communiqués par la juridiction.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., célibataire et sans enfant, était présente sur le territoire français moins d'une année à la date de la décision contestée. En outre, Mme D..., âgée de dix-neuf ans, n'établit pas avoir entretenu une relation ancienne et stable avec sa mère, qui a quitté la République dominicaine en 2014, résidant régulièrement en France, et dont les demandes de regroupement familial n'ont pas abouti en 2020 et 2021. Par ailleurs, Mme D... ne justifie pas que son état de santé nécessiterait spécifiquement la présence quotidienne de sa mère. Enfin, elle ne justifie d'aucun autre lien privé ou familial intense et stable sur le territoire français. Par suite, malgré la demande d'adoption simple de l'époux, de nationalité française, de la mère de l'intéressée, compte tenu de la brièveté de sa présence en France, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En deuxième lieu, compte tenu des motifs qui viennent d'être exposés, la circonstance que le préfet du Haut-Rhin ait entaché sa décision d'une erreur de fait sur la nature de la relation entre l'époux de la mère de l'intéressée et Mme D..., est, eu égard à l'absence de méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire".

11. Il ressort des pièces du dossier que par un avis du 19 juillet 2022, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), a estimé que l'état de santé de Mme D... nécessitait une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Aucun des éléments médicaux, et notamment celui produit pour la première fois à hauteur d'appel, ne permet de remettre en cause le sens de l'avis du collège des médecins de l'OFII. Par suite, et pour les mêmes motifs qu'exposés au point 8 du présent arrêt, Mme D... ne peut pas être regardée comme justifiant de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1, notamment au regard de son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. Pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu le droit au respect de la vie privée et familiale de Mme D.... Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 23NC01610


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01610
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GALLAND YANNICK & KIEFFER EMMANUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23nc01610 ?
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