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20/06/2024 | FRANCE | N°23NC01362

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 20 juin 2024, 23NC01362


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision par laquelle la ministre des armées a implicitement rejeté sa demande d'indemnisation concernant les circonstances du décès de son père lors de la guerre d'Algérie ; d'enjoindre au ministre de faire une offre indemnitaire permettant de réparer son préjudice, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 eur

os à verser à son avocat, Me Lévi-Cyferman, au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision par laquelle la ministre des armées a implicitement rejeté sa demande d'indemnisation concernant les circonstances du décès de son père lors de la guerre d'Algérie ; d'enjoindre au ministre de faire une offre indemnitaire permettant de réparer son préjudice, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, Me Lévi-Cyferman, au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par une ordonnance n° 2003265 du 1er juin 2022, le vice-président du tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande sur le fondement de l'article R. 222-1, 7°) du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2023, M. B..., représenté par Me Levy-Cyferman demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de condamner le ministre des armées à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice ;

3°) d'enjoindre au ministre des armées de calculer ses droits au titre de son capital décès, de l'aide à l'éducation et à la famille ;

4°) de mettre à la charge du ministre des armées le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le premier juge, sa demande comprenait des moyens tirés de ce que l'Etat a commis une faute en ne diligentant pas une enquête afin de savoir exactement les circonstances du décès de son père ;

- en ne diligentant pas une enquête et en ne procédant pas à une autopsie, l'Etat a commis une faute ;

- cette faute lui a causé un préjudice moral et matériel important : il est demeuré meurtri par l'absence de réponses des autorités malgré ses demandes, il n'a pas eu la reconnaissance par l'Etat de sa qualité de pupille de la nation, il a vécu dans la misère, n'a pu obtenir les indemnités auxquelles il avait droit dont seule l'administration ou une expertise peut en évaluer le montant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable faute de chiffrage du préjudice et, à titre subsidiaire, qu'aucune faute n'est démontrée.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public ;

- et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. ( ...). "

2. Dans sa demande de première instance, M. B... demandait au tribunal d'annuler la décision par laquelle la ministre des armées a implicitement rejeté sa demande d'indemnisation concernant les circonstances du décès de son père lors de la guerre d'Algérie, que soit constatée l'existence d'une faute de la ministre des armées et qu'il soit enjoint à l'administration de faire une offre indemnitaire. Il invoquait la faute de l'Etat à ne pas avoir diligenté une enquête à la suite du décès de son père le 27 décembre 1956 en Algérie. Dès lors qu'il ressort de la motivation de l'ordonnance contestée que le premier juge a admis que la demande de M. B... pouvait être regardée comme contenant des conclusions à fin de condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité, il ne pouvait, au regard de la faute invoquée, considérer qu'elle ne contenait " aucun moyen de nature à venir au soutien de ses conclusions ".

3. C'est par suite à tort que le premier juge, qui a méconnu sa compétence, a rejeté la demande de M. B... sur le fondement des dispositions du 7°) de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. M. B... est par suite fondé à demander l'annulation de cette ordonnance entachée d'irrégularité.

4. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nancy.

5. En demandant l'annulation du rejet implicite de sa demande indemnitaire auprès de la ministre des armées, à ce que soit constatée une faute et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de calculer la somme au versement de laquelle il prétend avoir droit, M. B... doit être regardé comme présentant exclusivement des conclusions indemnitaires tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des fautes commises tirées d'une part du défaut d'enquête sur le décès de son père le 27 décembre 1956 en Algérie dans des circonstances qu'il estime troublantes et d'autre part de l'absence d'autopsie.

6. Toutefois, dès lors que M. B... n'invoque aucun texte, ni aucun principe qui aurait dû contraindre l'administration à réaliser une enquête sur les circonstances du décès de son père et une autopsie, aucune faute n'est, en l'état de l'instruction, caractérisée. Aussi, et pour regrettable que soit le silence de l'administration aux interrogations du requérant, le défaut de faute caractérisée de l'administration fait obstacle à toute indemnisation.

7. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Nancy et les conclusions d'appel tendant au bénéfice d'une provision et des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être que rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2003265 du 1er juin 2022 du vice-président du tribunal administratif de Nancy est annulée.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Nancy et les conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : V. Ghisu-Deparis

L'assesseure la plus ancienne,

Signé : S. RoussauxLa greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 23NC01362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01362
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ANNIE LEVI-CYFERMAN - LAURENT CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23nc01362 ?
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