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20/06/2024 | FRANCE | N°23NC00950

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 20 juin 2024, 23NC00950


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler une décision du 31 octobre 2019 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour " salarié ", ainsi qu'une décision implicite de rejet du 21 juillet 2019.



Par un jugement n° 2004794 du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregi

strée le 27 mars 2023, M. B..., représenté par Me Cissé, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler une décision du 31 octobre 2019 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour " salarié ", ainsi qu'une décision implicite de rejet du 21 juillet 2019.

Par un jugement n° 2004794 du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2023, M. B..., représenté par Me Cissé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Moselle du 27 septembre 2019 portant refus de titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour dans les délais, respectivement, d'un mois et de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- en vertu de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni la situation de l'emploi, ni l'adéquation de son profil à cet emploi ne pouvaient lui être opposées, dès lors que le poste qu'il occupe correspond à un métier en tension ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023, modifiée par une décision du 16 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes du 1er août 1995 ;

- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié relatif à la gestion concertée des flux migratoires, et l'avenant à cet accord, signé le 25 février 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 26 février 1979, est entré en France au cours de l'année 2012. Il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, renouvelé jusqu'au 4 novembre 2019. Le 21 mars 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, dans le cadre d'un changement de statut. Il a demandé, devant le tribunal administratif de Strasbourg, l'annulation, d'une part, d'une décision du préfet de la Moselle en date du 31 octobre 2019, ainsi que, d'autre part, de la décision implicite, née en selon lui le 21 juillet 2019, qui aurait rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour. Par un jugement du 6 avril 2022, le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre le courriel du 31 octobre 2019, qu'il a qualifié d'acte ne faisant pas grief. Le tribunal a par ailleurs estimé que la décision implicite de rejet avait été substituée par une décision expresse du préfet de la Moselle en date du 27 septembre 2019, qui avait été produite par l'administration devant les premiers juges, et regardé les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite comme dirigées contre cette décision expresse. M. A... relève appel à ce jugement, en tant qu'il porte sur la contestation de cette décision du 27 septembre 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Si le requérant conteste le caractère suffisant de la motivation du jugement, à la suite d'un moyen contestant la motivation de la décision préfectorale, il ne formule aucune critique précise à l'encontre de la rédaction adoptée par les premiers juges. Le moyen n'est ainsi pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur la légalité du refus de séjour litigieux :

4. En premier lieu, la décision du 27 septembre 2019 comporte un exposé suffisant des circonstances de fait qui en constituent le fondement, contrairement à ce que soutient M. A..., La circonstance qu'elle ferait application d'un critère inopposable en l'espèce est sans incidence sur la motivation formelle de cette décision. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour, tel qu'il est articulé devant la cour, n'est donc pas fondé.

5. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Or, si les dispositions de l'article L. 313-14 du même code permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour "vie privée et familiale" à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à cette règle ni imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article.

6. Le refus de titre de séjour contesté ne se prononce pas au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... s'était prévalu de ces dispositions dans sa demande de titre de séjour, le courrier du 21 mars 2019 ne pouvant être regardé comme invoquant ces dispositions. Il suit de là que M. A... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". / La carte de séjour est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. Lors du renouvellement suivant, s'il est toujours privé d'emploi, il est statué sur son droit au séjour pour une durée équivalente à celle des droits qu'il a acquis à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du code du travail ; 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire " ; / L'étranger se voit délivrer l'une des cartes prévues aux 1° ou 2° du présent article sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement de l'article L. 5221-2 du code du travail lorsque sa demande concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives./ La carte de séjour prévue aux 1° ou 2° du présent article est délivrée, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi, à l'étudiant étranger qui, ayant obtenu un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, souhaite exercer un emploi salarié et présente un contrat de travail, à durée indéterminée ou à durée déterminée, en relation ".

8. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants sénégalais, s'appliquent les stipulations de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ainsi que celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008. Aux termes de l'article 6 de la convention du 1er août 1995 : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre Etat une activité professionnelle (...) doivent être munis du visa de long séjour prévu à l'article 4 (...) ". Aux termes du deuxième alinéa du paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, dans sa rédaction issue de l'article 3 de l'avenant du 25 février 2008, entré en vigueur le 1er août 2009 : " La carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention "travailleur temporaire" sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV ". Cette annexe IV mentionne notamment les emplois d'opérateur de transformation des viandes.

9. Il résulte des stipulations citées au point précédent que la situation des ressortissants sénégalais désireux d'obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " pour exercer une activité salariée est régie par les stipulations de l'article 6 de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal et par celles du paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais, et non par les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de ces dernières dispositions.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du préfet de la Moselle en date du 27 septembre 2019, ni à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Sa requête ne peut, dès lors, qu'être rejetée, dans toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeL'assesseur le plus ancien,

Signé : E. Meisse

La greffière,

Signé : S. Blaise

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

S. Blaise

2

N° 23NC00950


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00950
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : CISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23nc00950 ?
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