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20/06/2024 | FRANCE | N°23NC00866

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 20 juin 2024, 23NC00866


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... épouse B... et M. D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, par deux recours distincts, d'annuler, chacun en ce qui le concerne, les arrêtés du 9 novembre 2021 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par deux jugements n° 2201369 et n° 2201390 du 26 avril 2022, le

tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.



Procédure devant la cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... épouse B... et M. D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg, par deux recours distincts, d'annuler, chacun en ce qui le concerne, les arrêtés du 9 novembre 2021 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par deux jugements n° 2201369 et n° 2201390 du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête, enregistrée le 16 mars 2023 sous le n° 23NC00866, M. D..., représenté par Me Rommelaere, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement le concernant ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 9 novembre 2021 le concernant ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement au besoin sous une astreinte, subsidiairement de réexaminer sa situation, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros TTC en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il avait vocation à se voir délivrer un titre de séjour de plein droit en application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

II) Par une requête, enregistrée le 16 mars 2023 sous le n° 23NC00871, Mme C... épouse B..., représentée par Me Rommelaere, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement la concernant ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 9 novembre 2021 la concernant ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement au besoin sous une astreinte, subsidiairement de réexaminer sa situation, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros TTC en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; c'est à tort que les premiers juges ont fait reposer sur elle la charge de la preuve de l'indisponibilité des traitements ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- la préfète du Bas-Rhin s'est estimée liée par l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'elle avait vocation à se voir délivrer un titre de séjour de plein droit en application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Des pièces complémentaires, demandées auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dans l'instance n° 23NC00871, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, ont été produites le 26 avril 2024

Ces pièces ont été communiquées à Mme B... le 26 avril 2024.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire en défense, dans les deux instances.

M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par des décisions du 6 février 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré, produite pour l'OFII, a été enregistrée le 23 mai 2024 dans l'instance n° 23NC00871.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... C... épouse B... et son conjoint, M. E... B..., ressortissants géorgiens nés respectivement le 7 août 1981 et le 6 novembre 1979, sont entrés en France à deux dates différentes, au cours de l'année 2018, pour y solliciter l'asile. La demande d'asile de Mme B... a été rejetée par une décision du 19 avril 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis par une décision du 10 décembre 2019 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Elle a ensuite sollicité un titre de séjour sur le fondement de son état de santé et s'est vu délivrer des autorisations provisoires de séjour. M. B..., pour sa part, a vu sa demande d'asile clôturée par l'OFPRA le 3 juin 2019 et il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français par arrêté du 12 juillet 2019. Les intéressés ont présenté des demandes de titre de séjour au cours de l'année 2021. Par deux arrêtés du 9 novembre 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, en raison des liens que présentent les questions à juger, M. et Mme B... font appel des jugements par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes que chacun d'entre eux avait présentées pour contester l'arrêté le concernant.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...). ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, eu égard à son offre de soins et aux caractéristiques de son système de santé. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'effectivité du bénéfice d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Dans son avis du 23 avril 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque. Il ne ressort pas de la rédaction de l'arrêté la concernant, ni des pièces du dossier que la préfète se serait crue tenir de suivre cet avis.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été atteinte d'un lymphome à grandes cellules, pour lequel elle a bénéficié d'un traitement incluant des séances de chimiothérapie en 2019 et 2020. Il n'est pas établi qu'elle recevrait encore des soins au titre de cette maladie, autres qu'une surveillance, à la date de l'arrêté litigieux. Elle présente également des pathologies ostéoarticulaires, ayant donné lieu à des chirurgies rachidiennes dans son pays d'origine. Elle se trouve de plus en situation d'obésité morbide, de sorte qu'une chirurgie bariatrique est envisagée, et elle est, en outre, suivie par un psychiatre. Si son médecin généraliste indique que le maintien de ses soins ne serait pas garanti dans son pays d'origine, ces certificats sont insuffisamment précis pour tenir pour établi qu'un traitement approprié à l'état de santé qu'elle présente à la date de l'arrêté litigieux, qui n'est pas nécessairement identique à celui dont elle bénéficie en France, ne pourrait lui être effectivement prodigué en Géorgie. Mme B... produit par ailleurs un courrier de l'agence géorgienne de régulation pour les activités médicales et pharmaceutiques faisant état de ce que plusieurs médicaments qui lui sont prescrits ne sont pas enregistrés au sein du marché pharmaceutique géorgien. Toutefois, devant les premiers juges, la préfète du Bas-Rhin a indiqué que les différents médicaments correspondaient à des classes pharmaceutiques présentes en Géorgie, sans que la requérante ne démontre que les médicaments qui y sont effectivement disponibles seraient inadaptés à sa situation. Par ailleurs, la note de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés n'est pas non plus de nature à remettre en cause le bien-fondé de l'appréciation du collège de médecins de l'OFII sur la disponibilité effective des traitements qui lui sont nécessaires dans ce pays. Il suit de là que, faute d'éléments suffisants pour mettre en cause le bien-fondé de l'avis du collège de médecins de l'OFII, les traitements appropriés à l'état de santé de Mme B... doivent être regardés comme lui étant effectivement accessibles dans son pays d'origine. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que la requérante serait exposée à des traitements inhumains et dégradants prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Géorgie, en raison de son état de santé, invoqué à l'encontre du refus de titre de séjour, ne peut, dans ces conditions, et en tout état de cause, qu'être écarté.

6. Compte tenu de ce qui précède, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a vocation à bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, pour en déduire que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur de droit. Mme B... n'est pas davantage fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du même code, dès lors que ces disposition font seulement obstacle à ce que fasse l'objet d'une telle mesure l'" étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ", ce qui n'est pas le cas de la requérante, ainsi qu'il a été dit.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

8. Il ressort des pièces du dossier que les requérants ne résident en France que depuis trois ans à la date des arrêtés contestés. Si Mme B... a obtenu des autorisations provisoires de séjour en raison de son état de santé, ce dernier ne justifie plus, à la date des décisions en litige, qu'elle bénéficie d'un droit au séjour en France, ainsi qu'il a été dit. Les requérants ne justifient donc d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que la cellule familiale qu'ils constituent avec leurs enfants puisse se reconstituer hors de France, et en particulier en Géorgie, alors notamment que le fils aîné des requérants, qui est majeur, fait également l'objet d'une mesure d'éloignement, édictée par un arrêté du 25 septembre 2021. Ni les refus de titre de séjour, ni les obligations de quitter le territoire opposées à M. et Mme B... ne portent une atteinte disproportionnée au droit de ces derniers au respect de leur vie privée et familiale. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour opposé à M. B... ne méconnaît pas les dispositions de de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'ayant droit à un titre de séjour sur ce fondement, il ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme doit également être écarté. Enfin, au regard des circonstances de fait ainsi rappelées, les refus de titre de séjour et les mesures d'éloignement ne sont pas entachés d'erreur manifeste d'appréciation.

9. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

10. Les obligations de quitter le territoire français contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants mineurs A... et Mme B... de ces derniers. Dès lors, au regard des circonstances de fait rappelées au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'est pas fondé.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. "

12. Si M. B... invoque ces dispositions pour contester le refus de titre de séjour dont il fait l'objet, il se borne à se prévaloir de sa durée de présence en France, de la situation médicale de son épouse et de la scolarisation de ses enfants, sans apporter d'éléments établissant une insertion particulièrement caractérisée. Aucune des circonstances évoquées n'est de nature à établir que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou serait justifiée par des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le refus de titre de séjour n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

13. En cinquième et dernier lieu, aucun des moyens invoqués à l'encontre des refus de titre de séjour n'étant fondé, le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français devraient être annulées en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté. De même, l'illégalité des mesures d'éloignement n'étant pas établie, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de renvoi, doit également être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés de la préfète du Bas-Rhin en date du 9 novembre 2021, ni à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs demandes. Leurs requêtes ne peuvent dès lors qu'être rejetées, dans toutes leurs conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes A... et Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... épouse B..., à M. D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeL'assesseur le plus ancien,

Signé : E. MeisseLa greffière,

Signé : S. Blaise

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

S. Blaise

2

Nos 23NC00866, 23NC00871


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00866
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ROMMELAERE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23nc00866 ?
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