Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2201680 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés le 6 mars 2023 et le 27 juillet 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. C..., représenté par Me Roussel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 8 décembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande de première instance est tardive ;
- aucun moyen soulevé par M. C... n'est fondé.
Par un courrier du 30 avril 2024, les parties ont été avisées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen, tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour contestée est entachée d'une méconnaissance du champ d'application de la loi dès lors que la situation de l'appelant est régie par la convention franco sénégalaise du 1er août 1995, et que la cour envisageait de procéder à une substitution de base légale, la demande de titre de séjour relevant de l'article 9 de la convention franco sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Dakar le 1er août 1995 et non de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré, produite pour M. C..., a été enregistrée le 6 juin 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant sénégalais né le 2 janvier 1992, est entré en France le 12 septembre 2018 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour " étudiant " qui a été renouvelé régulièrement jusqu'en septembre 2021. Le 13 août 2021, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 8 décembre 2021, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 3 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, par un arrêté du 6 septembre 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation à Mme B... A..., adjointe au chef du service de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer les arrêtés et décisions relevant des attributions dévolues à cette direction, dont la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée, signée par Mme A..., aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté.
3. En deuxième lieu, la décision attaquée vise notamment les considérations de droit dont le préfet a entendu faire application. Elle expose les éléments de sa situation universitaire et familiale sur lesquels s'est fondé le préfet pour refuser le renouvellement de sa carte de séjour en qualité d'étudiant. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait demandé son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet n'a pas examiné d'office le droit au séjour de M. C... sur le fondement de ces dispositions. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 9 de la convention du 1er août 1995 susvisée : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation qui ne peut être assuré dans le pays d'origine, sur le territoire de l'autre Etat doivent, pour obtenir le visa de long séjour prévu à l'article 4, présenter une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage. Ils doivent en outre justifier de moyens d'existence suffisants, tels qu'ils figurent en annexe. Les intéressés reçoivent, le cas échéant, un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite des études ou du stage, ainsi que de la possession de moyens d'existence suffisants ". Aux termes de l'article 13 de la même convention : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux Etats sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ".
6. Il résulte des stipulations précitées de l'article 13 de la convention du 1er août 1995 susvisée que l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants sénégalais désireux de poursuivre leurs études supérieures en France, dont la situation est régie par l'article 9 de cette convention. Par suite, le refus de titre de séjour ne pouvait légalement être pris sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaissait, à cet égard, le champ d'application de la loi. Toutefois, les dispositions de l'article 9 de la convention peuvent être substituées à la base légale erronée initialement retenue par le préfet dès lors que ce dernier dispose du même pouvoir d'appréciation sur le fondement des deux textes et que cette substitution de base légale ne prive M. C... d'aucune garantie.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour... ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour... ".
8. Il résulte de ces dispositions qu'une obligation de quitter le territoire français qui trouve son fondement légal dans le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne doit pas faire l'objet d'une motivation distincte du refus de titre de séjour, lequel était en l'espèce suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la mesure d'éloignement doit être écarté.
9. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est célibataire, sans enfant et n'établit pas qu'il aurait des liens personnels et familiaux stables et intenses en France, ni qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de son existence. Ainsi, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet du Haut-Rhin, en adoptant la décision en litige, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure d'éloignement a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Haut-Rhin, que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 8 décembre 2021, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Sa requête ne peut donc qu'être rejetée dans toutes ses conclusions.
D EC I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : A. Samson-DyeL'assesseur le plus ancien,
Signé : E. MeisseLa greffière,
Signé : S. Blaise
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière :
S. Blaise
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N° 23NC00751