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20/06/2024 | FRANCE | N°23NC00621

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 20 juin 2024, 23NC00621


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a implicitement refusé de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour, ainsi que la décision du 13 août 2021 par laquelle il a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2103428 du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



Procédure devant l

a cour :



Par une requête, enregistrée le 26 février 2023, M. A... B..., représenté par Me Jeannot, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a implicitement refusé de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour, ainsi que la décision du 13 août 2021 par laquelle il a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2103428 du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 février 2023, M. A... B..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 13 août 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai, et de lui remettre immédiatement une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait, d'erreur de droit en l'absence d'examen global de sa situation et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit, en l'absence d'examen sérieux de sa demande, et d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il n'a pas été procédé à un examen suffisant de sa situation ;

- le préfet a entaché sa décision d'erreur de droit en lui opposant l'absence de visa de long séjour, qui n'était pas exigible ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2023, le préfet de

Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé, en renvoyant à ses écritures de première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 3 mai 2002, serait entré en France au cours du mois de janvier 2018, selon ses déclarations. Par un jugement du 20 mars 2018, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Nancy a ordonné son placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance. Par un courrier reçu par les services de la préfecture de

Meurthe-et-Moselle le 12 février 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par une décision du 13 août 2021, le préfet de

Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nancy l'annulation, d'une part, de la décision implicite lui refusant la délivrance d'un récépissé de titre de séjour et, d'autre part, de la décision du 13 août 2021. Par un jugement du 8 juillet 2022, le tribunal a rejeté la demande de M. B.... Ce dernier doit être regardé comme ne relevant appel de ce jugement qu'en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision expresse, sans contester le rejet de ses conclusions s'agissant de la décision implicite.

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des termes du refus de titre de séjour litigieux, qu'il n'aurait pas été procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de M. B..., au regard des fondements qu'il pouvait être regardé comme ayant invoqués dans sa demande de titre de séjour. Le moyen tiré de l'absence d'un tel examen doit donc être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française ".

4. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

5. Il ressort des termes de la décision préfectorale en litige que, pour refuser de délivrer le titre sollicité, le préfet de Meurthe-et-Moselle estime, tout d'abord, que le caractère réel et sérieux de la formation entreprise en France n'est pas établi, puis fait référence aux rapports éducatifs transmis et enfin mentionne le fait que M. B... conserve des relations avec des membres de sa famille dans son pays d'origine, où résident son père, sa mère et deux sœurs. Dans ces conditions, le préfet de Meurthe-et-Moselle doit être regardé comme ayant procédé à une appréciation globale de la situation de M. B... pour refuser de lui délivrer le titre sollicité sur le fondement des dispositions citées au point 3. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.

6. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été scolarisé en première année de CAP " opérateur logistique ", au titre de l'année 2018/2019, qu'il a suivie avec assiduité et au cours de laquelle il a obtenu de bons résultats scolaires. M. B... s'est ensuite réorienté, au titre de l'année 2019/2020, vers une première professionnelle " réalisation de produits imprimés et multimédias " à l'issue de laquelle il a redoublé. Au cours de l'année 2020/2021, les professeurs ont notamment relevé de très nombreux retards et absences ainsi qu'un manque d'investissement de M. B.... Si le requérant établit avoir éprouvé des difficultés de nature psychologique lors de cette période, les éléments produits par l'intéressé, en particulier l'attestation d'un psychologue clinicien, au demeurant peu circonstanciée, ne sont pas de nature à justifier les très nombreuses absences et le manque d'investissement constaté dans sa scolarité. Dans ces conditions, c'est sans se fonder sur des faits matériellement inexacts que le préfet a pu estimer qu'il n'était pas justifié du caractère sérieux du suivi par M. B... de sa formation. Dès lors et dans la mesure où l'intéressé ne conteste pas conserver des liens avec ses parents demeurant en Côte d'Ivoire, alors même que les avis de la structure d'accueil ne pointent pas de difficulté en terme d'intégration, le refus de titre de séjour n'est pas entaché d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision préfectorale en litige, ni des autres pièces du dossier, que M. B... avait sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet n'a pas davantage examiné la situation de l'intéressé sur ce fondement de sa propre initiative. Par suite, les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour serait entaché d'erreur de droit et d'appréciation au regard de ces dispositions sont inopérants.

8. En quatrième lieu, le préfet indique, dans le refus de titre de séjour litigieux, pour justifier, parmi d'autres considérations, son abstention de mettre en œuvre son pouvoir de régularisation, que M. B... n'établit pas être dans l'incapacité de solliciter un visa adapté à sa situation auprès des autorités consulaires françaises dans son pays d'origine, ni même être dans l'impossibilité d'y poursuivre ses études. Le préfet ne saurait être regardé comme ayant, ce faisant, opposé un motif tiré du défaut de visa, pour rejeter la demande de titre de séjour de M. B.... Ce dernier n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'erreur de droit en lui opposant l'absence de visa de long séjour, alors qu'un tel visa n'était pas exigible.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...)". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./ L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République.".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... ne vit en France que depuis trois ans à la date du refus de titre de séjour litigieux. Il ne justifie pas avoir noué sur le territoire national de liens d'une particulière intensité. Il est célibataire, sans enfant et conserve des attaches dans son pays d'origine, où résident notamment ses parents. Par suite, le refus de titre de séjour contesté ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le refus de titre de séjour ne méconnaît donc pas les stipulations et dispositions citées au point précédent.

11. En sixième lieu, au regard des circonstances de fait rappelées aux points 6 et 10, le refus de régulariser la situation de M. B... n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 13 août 2021, ni à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Sa requête ne peut, dès lors, qu'être rejetée, dans toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeL'assesseur le plus ancien,

Signé : E. MeisseLa greffière,

Signé : S. Blaise

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

S. Blaise

2

N° 23NC00621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00621
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23nc00621 ?
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