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20/06/2024 | FRANCE | N°23NC00599

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 20 juin 2024, 23NC00599


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2022 par lequel le préfet du Territoire de Belfort a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sous trente jours le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et l'a assigné à résidence dans le département du Territoire de Belfort pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugeme

nt n° 2200184 du 10 février 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besanç...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2022 par lequel le préfet du Territoire de Belfort a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sous trente jours le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et l'a assigné à résidence dans le département du Territoire de Belfort pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2200184 du 10 février 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a, d'une part, annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de destination, la décision fixant un délai de départ volontaire ainsi que la décision portant assignation à résidence contenues dans l'arrêté du 27 janvier 2022 et, d'autre part, renvoyé à une formation collégiale du tribunal administratif de Besançon les conclusions de la demande tendant à l'annulation de la décision du 27 janvier 2022 par laquelle le préfet du Territoire de Belfort a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A....

Par un jugement n° 2200184 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 janvier 2022 par laquelle le préfet du Territoire de Belfort a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2023, M. A..., représenté par Me Dravigny demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 5 avril 2022 ;

2°) d'annuler la décision du préfet du Territoire de Belfort du 27 janvier 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros hors taxe sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet, en se bornant à faire référence à l'avis défavorable du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), s'est cru lié par celui-ci ;

- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, qui l'a privé d'une garantie, dès lors que la délibération du collège de l'OFII n'a pas été prise à l'issue d'une réunion, d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle, ou d'une délibération à distance respectant les dispositions de l'ordonnance du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des autorités administratives ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'interruption de son traitement, qui n'est pas disponible dans son pays d'origine, aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé et qu'il ne pourra y bénéficier d'un suivi neurologique régulier et rigoureux et d'un suivi quotidien par une infirmière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2023, le préfet du Territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant mauritanien né le 10 décembre 1970, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 8 septembre 2019 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 17 mai 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 16 septembre 2021. Le 19 mars 2021, M. A... a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 janvier 2022, le préfet du Territoire de Belfort a refusé de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter sous trente jours le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département du Territoire de Belfort. Par un jugement du 10 février 2022 devenu définitif, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé les décisions par lesquelles le préfet lui a fait obligation de quitter sous trente jours le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département du Territoire de Belfort. M. A... relève appel du jugement du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical (...) est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) ". L'article R. 425-13 de ce code dispose que : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

3. Les dispositions citées au point 2, issues de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France et de ses textes d'application, ont modifié l'état du droit antérieur pour instituer une procédure particulière aux termes de laquelle le préfet statue sur la demande de titre de séjour présentée par l'étranger malade au vu de l'avis rendu par trois médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui se prononcent en répondant par l'affirmative ou par la négative aux questions figurant à l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu d'un rapport médical relatif à l'état de santé du demandeur établi par un autre médecin de l'office, lequel peut le convoquer pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Cet avis commun, rendu par trois médecins et non plus un seul, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis.

4. Il suit de là que le moyen tiré du vice de procédure selon lequel il ne ressort pas des pièces du dossier que les trois membres du collège des médecins de l'OFII auraient échangé entre eux avant de rendre leur avis le 28 mai 2021, doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Territoire de Belfort, qui s'est approprié les termes de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII, s'est estimé lié par l'appréciation portée par ces médecins. Dès lors, il n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence et le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

6. En troisième et dernier lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. L'avis du collège des médecins de l'OFII du 28 mai 2021 indique que M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et s'y rendre sans risque. Même s'il ressort des pièces du dossier que M. A... a souffert d'un accident vasculaire cérébral, survenu en décembre 2020, et qu'il bénéficie à ce titre d'un suivi neurologique régulier, ainsi que de l'intervention infirmière à domicile pour lui administrer son traitement et de soins kinésithérapiques, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un traitement approprié à son état de santé, qui n'est pas nécessairement identique à celui dont il bénéficie en France, ne serait pas effectivement disponible dans son pays d'origine. Par suite, M. A... n'apportant pas d'éléments suffisants pour remettre en cause le bien-fondé de l'avis émis le 28 mai 2021, le refus de titre de séjour contesté ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande contestant ce refus de titre de séjour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Territoire de Belfort

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeL'assesseur le plus ancien,

Signé : E. MeisseLa greffière,

Signé : S. Blaise

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

S. Blaise

2

N° 23NC00599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00599
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23nc00599 ?
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