Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2021 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2200173 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 février 2023, Mme B..., représentée par Me Bocher-Allanet demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2021 du préfet du Jura ;
3°) d'enjoindre au préfet du Jura de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut, la mention " salarié ", dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Jura lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, dans l'attente du réexamen de sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu à certains de ses moyens ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'un vice de procédure en application du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien dès lors que sa promesse d'embauche n'a pas été présentée aux services du ministre chargé de l'emploi mais à la plateforme de la main d'œuvre étrangère de Bobigny relevant du ministre de l'intérieur ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur l'instruction du 28 novembre 2012 pour lui opposer une condition minimale de 6 mois de durée de contrat et en se croyant en situation de compétence liée au regard de ces dispositions, ainsi que par rapport à l'avis de la plateforme du 28 octobre 2021 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;
- elle méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision de refus de séjour ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2023, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 12 janvier 1985, est entrée régulièrement en France le 17 juillet 2016 sous couvert d'un visa de court séjour valable du 6 juillet au 4 août 2016 et a ensuite séjourné irrégulièrement sur le territoire national. Le 17 septembre 2021, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement, notamment, de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 8 novembre 2021, le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Mme B... relève appel du jugement du 7 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté litigieux :
2. Aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française / (...) ".
3. Pour rejeter la demande de certificat de résidence présentée par Mme B... notamment sur le fondement du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien, qu'il qualifie de " demande d'admission exceptionnelle au séjour ", le préfet indique, après avoir d'ailleurs cité les dispositions du c) de cet article, que la plateforme interrégionale de la main d'œuvre étrangère a émis un avis défavorable, le 28 octobre 2021, sur la demande de Mme B... tenant à la délivrance d'une autorisation de travail, au motif que ce contrat était inférieur à une durée de six mois et donc contraire aux dispositions de l'instruction du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission de séjour, et en déduit que Mme B... ne remplit pas les conditions du b) de l'article 7. Toutefois, ainsi que le fait valoir Mme B..., la circulaire du 28 novembre 2012, dépourvue de caractère impératif, ne pouvait fonder, par elle-même, un refus d'autorisation de travail, comme un refus de certificat de résidence demandé sur le fondement des stipulations citées au point 2. La requérante est donc fondée à soutenir que ce motif est entaché d'erreur de droit, de sorte que le préfet ne pouvait légalement se fonder sur cette circonstance pour refuser de lui délivrer le certificat de résidence sollicité sur le fondement du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien.
4. Mme B... est donc fondée à demander l'annulation du refus de certificat de résidence, et des autres mesures édictées à son encontre par l'arrêté du 8 novembre 2021, par voie de conséquence, et à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Au regard du motif d'annulation, le présent arrêt n'implique pas qu'un titre de séjour soit délivré à Mme B..., mais seulement que sa situation soit réexaminée. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Jura de statuer à nouveau sur sa demande de certificat de résidence, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer immédiatement, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bocher-Allanet, conseil de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette avocate d'une somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2200173 du tribunal administratif de Besançon du 7 avril 2022 et l'arrêté du préfet du Jura du 8 novembre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Jura de réexaminer la situation de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bocher-Allanet, avocate de Mme B..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bocher-Allanet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Bocher-Allanet et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Jura
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : A. Samson-DyeL'assesseur le plus ancien,
Signé : E. Meisse
La greffière,
Signé : S. Blaise
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière :
S. Blaise
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N° 23NC00586