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20/06/2024 | FRANCE | N°23NC00540

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 20 juin 2024, 23NC00540


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2202758 du 26 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la c

our :



Par une requête, enregistrée le 17 février 2023, Mme C... A..., représentée par Me Mengus, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202758 du 26 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2023, Mme C... A..., représentée par Me Mengus, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin en date du 7 février 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui remettre entretemps un récépissé de demande de titre de séjour, avec autorisation de travail ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 640 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- l'arrêté litigieux omet de préciser qu'elle a écrit à la préfecture à deux reprises, la préfète a incorrectement apprécié la régularité de son séjour, ce qui entache la légalité externe de la décision ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ; il n'a pas été tenu compte de la circulaire du 30 octobre 2004 ;

- l'administration aurait dû la convoquer avant de rejeter sa demande et lui remettre un récépissé de demande de titre de séjour ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît la circulaire du 28 novembre 2012 ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 27 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., ressortissante de la République du Congo, née le 1er décembre 1972, est entrée en France, selon ses déclarations le 7 août 2012, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour, pour y solliciter le statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 14 mars 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par une décision du 19 novembre 2014 de la Cour nationale du droit d'asile. Elle a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, en date du 29 août 2016. Le 2 mars 2021, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 février 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux

articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que Mme A... se maintient en France depuis 2012. Elle a conclu, le 12 janvier 2021, un pacte civil de solidarité (PACS) avec un compatriote, M. B.... Ce dernier, qui réside en France sous couvert d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale ", établit être le père de plusieurs enfants nés sur le territoire français, dont trois enfants nés en 2008, 2011 et 2012 de sa relation avec une femme née en Algérie, et un enfant né en 2014 d'une autre union. Si la déclaration faite auprès de la caisse d'allocation familiale à l'occasion de la déclaration du PACS, mentionnant une relation de couple depuis novembre 2019, ne suffit pas à établir l'existence d'une vie commune à compter de cette date, pas plus que les transferts financiers réalisés entre les intéressés à partir de février 2020, l'existence d'une vie commune avant le PACS est, en revanche, établie par l'attestation d'assurance de responsabilité civile du 11 septembre 2020, qui mentionne les noms des deux intéressés parmi les bénéficiaires. Au regard de la durée du séjour en France de Mme A... et de sa relation conjugale précédemment mentionnée, le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les dispositions et stipulations citées au point précédent. La requérante est donc fondée à demander l'annulation de ce refus de titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, celle de l'obligation de quitter le territoire français sous trente jours et de la décision fixant le pays de renvoi. Elle est également fondée soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, la délivrance à Mme A... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer immédiatement, dans l'attente de ce titre, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant expressément à travailler.

Sur les frais liés à l'instance :

5. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Mengus, conseil de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette avocate d'une somme de 1 000 euros TTC.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2202758 du 26 juillet 2022 et l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 7 février 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant expressément à travailler.

Article 3 : L'Etat versera à Me Mengus, avocate de Mme A..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Mengus renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à Me Mengus et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeL'assesseur le plus ancien,

Signé : E. Meisse

La greffière,

Signé : S. Blaise

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

S. Blaise

2

N° 23NC00540


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00540
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : MENGUS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23nc00540 ?
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