Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse B... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2200181 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 février 2023, Mme B... D..., représentée par Me Berry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin en date du 27 octobre 2021 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et entretemps de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 233-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son époux dispose d'un droit au séjour sur le fondement des articles L. 233-1 et L. 234-1 du même code ; elle a de surcroît la qualité de parent d'un enfant italien scolarisé en France, ce qui justifie qu'elle bénéficie d'un droit au séjour sur le fondement de décisions de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur de droit en examinant sa situation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'ont reconnu les premiers juges ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- cette mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision désignant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 ;
- la directive n° 2004/38/CE du Parlement et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2021-530 du 29 avril 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... D..., ressortissante algérienne née en 1981, est entrée en France le 2 août 2018, sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités italiennes. Elle a sollicité le 4 février 2020 son admission au séjour en se prévalant de la présence en France de son époux, de nationalité italienne, et de leur fils. Par un arrêté du 27 octobre 2021, la préfète du Bas-Rhin a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination. Mme B... D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...) ". Aux termes de l'article L. 233-2 de ce code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois (...) ". Aux termes de l'article R. 233-7 du même code : " Les citoyens de l'Union européenne mentionnés au 1° de l'article L. 233-1 conservent leur droit au séjour en qualité de travailleur salarié ou de non-salarié dans les situations suivantes : 1° Ils ont été frappés d'une incapacité de travail temporaire résultant d'une maladie ou d'un accident ; 2° Ils se trouvent en chômage involontaire dûment constaté après avoir exercé leur activité professionnelle pendant plus d'un an et sont inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi ; 3° Ils entreprennent une formation professionnelle devant être en lien avec l'activité professionnelle antérieure à moins d'avoir été mis involontairement au chômage. / Ils conservent au même titre leur droit de séjour pendant six mois s'ils sont involontairement privés d'emploi dans les douze premiers mois qui suivent le début de leur activité professionnelle et sont inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi. ".
3. Il n'est pas contesté qu'ainsi que l'a estimé le tribunal aux points 3 et 4 du jugement attaqué, le conjoint italien de la requérante ne dispose pas de ressources suffisantes et ne relève pas du 2° de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est également constant qu'il n'exerçait pas d'activité professionnelle en France à la date de l'arrêté litigieux.
4. La requérante soutient que son époux conservait son droit au séjour sur le fondement de l'article R. 233-7, en faisant valoir qu'il a été involontairement privé d'emploi en raison de son état de santé. Cependant, il est constant qu'il n'a obtenu la nationalité italienne qu'à compter de 2016, de sorte qu'il ne saurait revendiquer l'existence d'un droit au séjour susceptible d'être maintenu qu'à partir de cette date. Il ne ressort pas des documents produits qu'il aurait, depuis lors, exercé une activité professionnelle en France. Enfin, si les pièces du dossier établissent l'existence d'un accident du travail en 2006 et d'une opération chirurgicale en 2002, elles ne démontrent pas que le conjoint de la requérante était frappé, postérieurement à l'acquisition de la nationalité italienne, d'une incapacité de travail temporaire résultant d'une maladie ou d'un accident. Il suit de là que Mme B... D... n'est pas fondée à soutenir que son époux bénéficiait d'un droit au séjour, sur le fondement du 1° de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui aurait été maintenu sur le fondement de l'article R. 233-7 du même code.
5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 234-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne mentionnés à l'article L. 233-1 qui ont résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquièrent un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français. /Les ressortissants de pays tiers, membres de famille, acquièrent également un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français à condition qu'ils aient résidé en France de manière légale et ininterrompue pendant les cinq années précédentes avec le citoyen de l'Union européenne mentionné au premier alinéa. Une carte de séjour d'une durée de validité de dix ans renouvelable de plein droit leur est délivrée ".
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le conjoint de la requérante aurait, depuis qu'il a acquis la nationalité italienne, résidé en France de manière légale et ininterrompue pendant une période de cinq ans, alors qu'il est constant qu'il n'est devenu italien qu'en 2016 et que les pièces du dossier ne comportent aucun élément attestant de la réalité de sa présence en France entre 2009 et 2017. Mme B... D... n'est donc pas fondée à soutenir que son époux bénéficiait d'un droit au séjour permanent sur le territoire français.
7. En outre, aux termes de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union, dont les dispositions se sont substituées à celles de l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 : " Les enfants d'un ressortissant d'un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre État membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire. / Les États membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne à la lumière de l'exigence du respect de la vie familiale prévu à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans les deux arrêts de sa Grande chambre du 23 février 2010, C-310/08 Ibrahim et C-480/08 Texeira, que les enfants d'un citoyen de l'Union européenne qui se sont installés dans un Etat membre alors que leur parent exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant dans cet État membre sont en droit d'y séjourner afin d'y poursuivre des cours d'enseignement général et que le parent qui a effectivement la garde de ses enfants, quelle que soit sa nationalité, est en droit de séjourner avec eux de manière à faciliter l'exercice de ce droit, sans que ce droit soit soumis à la condition qu'ils disposent de ressources suffisantes et d'une assurance maladie complète dans cet Etat.
8. La requérante soutient que son fils, de nationalité italienne, scolarisé à l'école maternelle, justifie d'un droit au séjour en France, et en déduit que son conjoint et elle-même ont de ce fait également vocation à y résider. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le père de l'enfant y aurait exercé un droit au séjour en qualité de travailleur migrant, depuis qu'il a acquis la qualité de citoyen de l'Union européenne, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, il n'a exercé aucune activité professionnelle sur le territoire national depuis qu'il est devenu italien.
9. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir d'un droit au séjour en qualité de conjoint ou de parent d'un citoyen de l'Union européenne.
10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'il y a lieu d'adopter les motifs circonstanciés, retenus à bon droit par le tribunal aux points 12, 14, 16 et 18 du jugement attaqué pour écarter les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, de ce que le refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, invoqué contre l'obligation de quitter le territoire français. Il y a également lieu, par adoption des motifs retenus au point 13 du jugement attaqué, de procéder à la substitution de base légale qu'avait sollicitée la préfète du Bas-Rhin devant les premiers juges, et de substituer le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 au fondement erroné initialement retenu dans le refus de titre de séjour, à savoir l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte que la requérante ne saurait utilement se prévaloir de l'erreur de droit entachant ce fondement initial.
11. En troisième lieu, dès lors que l'illégalité du refus de titre de séjour n'est pas établie, Mme B... D... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. De même, la requérante ne saurait exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement, qui n'est pas démontrée, au soutien de ses conclusions tenant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... D... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin en date du 27 octobre 2021, ni à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Sa requête ne peut, dès lors, qu'être rejetée, dans toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Mme C... A... épouse B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : A. Samson-DyeL'assesseur le plus ancien,
Signé : E. MeisseLa greffière,
Signé : S. Blaise
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière :
S. Blaise
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N° 23NC00455