Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 avril 2022 par lequel le préfet du Doubs a décidé de la remettre aux autorités italiennes, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Doubs l'a assignée à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2200695 du 29 avril 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon l'a admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Bertin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Doubs du 22 avril 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision à intervenir et, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande d'admission provisoire au séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de A... une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 et de l'article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- doivent en priorité être examinés les moyens permettant l'annulation des décisions contestées et l'enregistrement de sa demande d'asile ;
- l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes méconnaît les règlements (UE) n° 603/2013 et n° 604/2013 du 26 juin 2013 au regard de l'erreur de fait et de droit entachant la saisine des autorités italiennes ;
- la brochure B et la brochure Eurodac ont été remises à l'intéressée le lendemain de sa demande, de sorte que le droit à l'information garanti par les dispositions combinées des articles 4 et 20 du règlement n° 604/2013 et de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 n'a pas été respecté ;
- la fiche d'empreinte ne respecte pas les dimensions fixées par l'annexe 1 de ce règlement, ce qui l'a privée d'une garantie ;
- le défaut de saisine des autorités italiennes au titre de l'échange d'information méconnaît l'article 34 du règlement n° 604/2013 ainsi que les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet s'est cru en situation de compétence liée ;
- la décision de transfert est insuffisamment motivée ;
- l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes méconnaît les articles 4, 19 et 51 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les articles 3 et 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que l'article 53-1 de la Constitution ;
- la mesure d'assignation à résidence est dépourvue de base légale en raison de ce qui précède.
Par un mémoire, enregistré le 3 août 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.
Par un courrier du 19 décembre 2022, les parties ont été avisées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité de la requête, les conclusions en annulation étant dépourvues d'objet en raison de l'expiration du délai d'exécution du transfert de 6 mois défini à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par un courrier, enregistré le 20 décembre 2022, le préfet du Doubs a présenté ses observations sur le moyen susceptible d'être relevé d'office.
Il indique que le transfert litigieux a été exécuté le 10 mai 2022.
Par un courrier, enregistré le 27 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Bertin, a présenté ses observations sur le moyen susceptible d'être relevé d'office.
Elle soutient que ni l'écoulement du délai de six mois imparti pour le transfert, ni l'exécution de ce transfert ne font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions d'annulation et qu'elle n'entend pas se désister.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution du 4 octobre 1958 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 767/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante ivoirienne née en 1986, a sollicité son admission au titre du droit d'asile en septembre 2021 auprès des services du préfet de police de Paris. La consultation du fichier Eurodac a révélé que les empreintes digitales de Mme B... avaient été relevées le 25 juillet 2021 en Italie alors que l'intéressée avait franchi irrégulièrement la frontière de cet A... en venant d'un A... tiers à l'Union européenne. Les autorités italiennes, saisies par le préfet du Doubs d'une demande de prise en charge de Mme B..., ont implicitement accepté la requête du préfet. Par deux arrêtés du 22 avril 2022, le préfet du Doubs a décidé de la remettre aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours dans le département du Doubs. Mme B... relève appel du jugement par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
2. En premier lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de A... membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul A..., parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet A..., dit A... membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun A... membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si A... membre responsable est différent de A... membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet A..., qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre A... membre, elle peut être transférée vers cet A..., à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement. En application de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un étranger qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre A... doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
3. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre A... membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
4. La décision de transfert contestée vise le règlement (UE) n° 604/2013, et en particulier ses articles 3, 13.1 et 26, ainsi que l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne la nationalité ivoirienne de l'intéressée, le dépôt en France d'une demande d'asile par Mme B..., la circonstance que la comparaison de ses empreintes digitales dans le fichier Eurodac a fait apparaître qu'elle avait été identifiée en Italie le 25 juillet 2021, l'absence de justification de ce qu'elle aurait quitté depuis le territoire des Etats membres pendant une durée au moins égale à trois mois, et l'accord implicite donné par les autorités italiennes, le 12 décembre 2021, à sa prise en charge. Cette décision précise les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, ainsi, suffisamment motivée, alors même qu'elle ne vise pas l'intégralité des textes ayant vocation à s'appliquer avant l'édiction d'une mesure de transfert. Elle indique en outre que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de Mme B... ne relève pas des dérogations prévues par l'articles 3-2 du règlement n° 604/2013 et ne justifie pas l'application de l'article 17 de ce règlement, avant de se référer à sa vie privée et familiale en France et au fait que les autorités italiennes ont également accepté de reprendre en charge sa fille. Il ne ressort ni de la rédaction de cet arrêté, ni des autres pièces du dossier, que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour prendre l'arrêté de transfert contesté. Les moyens tirés du défaut de motivation et de ce que le préfet se serait cru en situation de compétence liée doivent donc être écartés.
5. En deuxième lieu, la requérante fait valoir que l'arrêté de transfert est entaché d'un vice de procédure dès lors que la saisine des autorités italiennes est entachée d'erreur de fait et de droit. Toutefois, la circonstance que le courriel de saisine adressé par les autorités françaises à leurs homologues italiennes mentionne une demande de protection internationale de Mme B... présentée en France le 22 septembre 2021, alors que l'entretien individuel évoque une demande d'asile en France le 23 septembre 2021, est par elle-même sans incidence sur la régularité de la procédure. Si le courrier de saisine évoque comme fondement l'article 8 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, alors que cet article concerne les mineurs non accompagnés, ce qui n'est pas le cas de Mme B..., ce document indique également que l'Italie est sollicitée sur le fondement de l'article 13-1 de ce règlement, après avoir rappelé que les empreintes de l'intéressée ont été recueillies en Italie et la date de ce recueil d'empreinte, et que la demande de transfert concerne également sa fille mineure. Il n'y a, dès lors, aucune ambiguïté quant au fondement de la saisine.
6. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " Dans le cas de personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont relevées. (...) 3. Une brochure commune, dans laquelle figurent au moins les informations visées au paragraphe 1 du présent article et celles visées à l'article 4, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 est réalisée conformément à la procédure visée à l'article 44, paragraphe 2, dudit règlement. ". L'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'ensuit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles le préfet transfère un demandeur d'asile aux autorités compétentes de A... qui s'est reconnu responsable de l'examen de sa demande.
7. D'autre part, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. /3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement n°603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu délivrer les deux brochures d'information dites " A " (J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande d'asile ') et " B " (Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie '), ainsi que le guide du demandeur d'asile. Si la brochure A et le guide du demandeur d'asile lui ont été délivrés le 22 septembre 2023, lorsqu'elle s'est présentée pour demander l'asile, la brochure B lui a été remise le lendemain, lors de l'entretien à la préfecture. Ces documents constituent la brochure commune visée au paragraphe 3 de l'article 4 du règlement précité et contiennent l'intégralité des informations prévues au paragraphe 1 de cet article. Il ressort des mentions du résumé de l'entretien individuel signé par Mme B... que les trois brochures lui ont été remises en langue française et ont été traduites en langue bambara, langue que l'intéressée a déclaré comprendre. Bien qu'elles n'aient pas toutes été remises le même jour, ces brochures ont néanmoins été remises en temps utile avant qu'intervienne la décision de transfert litigieuse, et au plus tard lors de l'entretien. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, en raison de la date de remise des brochures, ne peut qu'être écarté.
9. En quatrième lieu, il ressort des documents produits par le préfet que les empreintes des dix doigts de l'intéressée ont été relevées, dans des conditions qui en permettaient l'exploitation. La circonstance que la fiche d'empreinte ne respecterait pas les dimensions définies par l'annexe 1 du règlement UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ne saurait avoir, par elle-même, une incidence sur la légalité de la mesure de transfert, dès lors qu'elle a été sans incidence sur le caractère exploitable des empreintes et donc sur le sens de la décision, et que les dimensions de la grille ne présentent pas le caractère d'une garantie pour l'intéressé.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 34 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Chaque État membre communique à tout État membre qui en fait la demande les données à caractère personnel concernant le demandeur qui sont adéquates, pertinentes et raisonnables pour : a) la détermination de A... membre responsable ; b) l'examen de la demande de protection internationale ; c) la mise en œuvre de toute obligation découlant du présent règlement (...) 3. En outre, et pour autant que cela soit nécessaire pour l'examen de la demande de protection internationale, l'État membre responsable peut demander à un autre État membre de lui communiquer les motifs invoqués par le demandeur à l'appui de sa demande et, le cas échéant, les motifs de la décision prise en ce qui le concerne. L'autre État membre peut refuser de donner suite à la requête qui lui est présentée si la communication de ces informations est de nature à porter atteinte à ses intérêts essentiels ou à la protection des libertés et des droits fondamentaux de la personne concernée ou d'autrui. En tout état de cause, la communication de ces renseignements est subordonnée au consentement écrit du demandeur d'une protection internationale, obtenu par l'État membre requérant. Dans ce cas, le demandeur doit avoir connaissance des informations spécifiques pour lesquelles il donne son consentement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'exercice du partage d'informations entre Etats membres est facultatif et, s'agissant de la communication des motifs des décisions édictées par ces derniers, subordonnée à leur nécessité pour l'examen de la demande de protection internationale. En l'espèce il n'est nullement justifié de la nécessité d'un échange d'informations avec les autorités italiennes permettant de s'assurer que l'intéressée ne sera pas renvoyée en Côte d'Ivoire avec sa fille en cas de transfert. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article 53-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 : " La République peut conclure avec les États européens qui sont liés par des engagements identiques aux siens en matière d'asile et de protection des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, des accords déterminant leurs compétences respectives pour l'examen des demandes d'asile qui leur sont présentées. Toutefois, même si la demande n'entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ". Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) (...) 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. La faculté ainsi laissée à chaque A... membre, par le 1° de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Cette possibilité doit en particulier être mise en œuvre lorsqu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé courra, dans le pays de destination, un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Les dispositions précitées doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un A... autre que la France, que cet A... a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet A... membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet A... membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.
14. Par les termes de son arrêt n° 29217/12 du 4 novembre 2014, la cour européenne des droits de l'homme a relevé que les capacités d'accueil de l'Italie étaient alors localement défaillantes, sans qu'il s'agisse pour autant d'une défaillance systémique. La cour a considéré que cette situation n'empêchait pas l'adoption de décisions de transfert, mais obligeait le pays qui envisageait une procédure de remise, lorsqu'elle porte sur une personne particulièrement vulnérable, notamment s'agissant d'une famille avec de jeunes enfants, de s'assurer au préalable, avant toute exécution matérielle, auprès des autorités italiennes qu'à leur arrivée en Italie, les personnes concernées seront notamment accueillies dans des structures et dans des conditions adaptées à l'âge des enfants et que l'unité de la cellule familiale sera préservée.
15. Il ne résulte pas des pièces du dossier qu'il existait, à la date de l'arrêté litigieux, une indisponibilité des installations d'accueil et plus largement une défaillance systémique des autorités italiennes dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile transférés. Il ne ressort par ailleurs pas des autres éléments versés au dossier que les conditions matérielles d'accueil seraient caractérisées par des carences structurelles d'une ampleur telle qu'il y aurait lieu de conclure d'emblée, et quelles que soient les circonstances, à l'existence de risques suffisamment réels et concrets, pour l'ensemble des demandeurs de protection internationale, indépendamment de leur situation personnelle, d'être systématiquement exposés à une situation de dénuement matériel extrême qui porterait atteinte à leur santé physique ou mentale ou les mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, prohibé par l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il ne ressort enfin pas des pièces du dossier que le renvoi de la requérante et de sa fille, alors âgée de neuf ans, vers l'Italie en exécution d'une décision de transfert pour le traitement de leur demande d'asile dans ce pays, en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, entraînerait un risque sérieux qu'elles soient exposées à un défaut d'instruction de leur demande d'asile et à des traitements indignes de ce type en violation des règles du droit européen de l'asile. Ainsi, les documents produits par la requérante à l'appui de ses affirmations, qui concernent la situation générale en Italie, ne permettent pas de tenir compte pour établir que la requérante serait, en raison de sa propre situation, exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités de ce pays dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un A... membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas non plus établi, au regard de l'âge de la fille de la requérante, et alors que ni la requérante ni sa fille ne souffrent de pathologies nécessitant un suivi ou des traitements particuliers, qu'elles devraient être regardées comme des personnes particulièrement vulnérables, au sens de ce qui est précisé au point 14, de sorte que la requérante n'est pas fondée à soutenir que les autorités françaises auraient dû prendre des mesures particulières avant l'exécution du transfert. La requérante ne se prévaut enfin d'aucune attache en France. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté. Les moyens tirés de ce que l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes méconnaît, en raison des conditions d'accueil en Italie, les articles 4, 19 et 51 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 3 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que l'article 53-1 de la Constitution, doivent également être écartés.
16. En dernier lieu, l'illégalité de la décision de transfert n'étant pas démontrée, Mme B... n'est pas fondée à exciper d'une telle illégalité au soutien de ses conclusions contestant l'assignation à résidence.
17. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêtés du préfet du Doubs du 22 avril 2022, ni à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Sa requête ne peut, dès lors, qu'être rejetée, dans toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : A. Samson-DyeL'assesseur le plus ancien,
Signé : E. Meisse
La greffière,
Signé : S. Blaise
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière :
S. Blaise
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N° 22NC03118