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20/06/2024 | FRANCE | N°21NC02135

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 20 juin 2024, 21NC02135


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Profil Armor a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, avant dire droit, d'ordonner une expertise, d'autre part, d'annuler la décision du 19 février 2019 par laquelle l'Eurométropole de Strasbourg a résilié le lot n° 29 du marché de construction du pôle d'administration publique de Strasbourg et du pôle de compétence en propriété intellectuelle (PAPS-PCPI) et d'enjoindre à l'Eurométropole de Strasbourg de reprendre leurs relations contractuel

les. Enfin, la société Profil Armor a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Profil Armor a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, avant dire droit, d'ordonner une expertise, d'autre part, d'annuler la décision du 19 février 2019 par laquelle l'Eurométropole de Strasbourg a résilié le lot n° 29 du marché de construction du pôle d'administration publique de Strasbourg et du pôle de compétence en propriété intellectuelle (PAPS-PCPI) et d'enjoindre à l'Eurométropole de Strasbourg de reprendre leurs relations contractuelles. Enfin, la société Profil Armor a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Eurométropole de Strasbourg à lui verser une somme de 425 938,24 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1903108 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande et a mis à la charge de la société Profil Armor une somme de 1 500 euros à verser à l'Eurométropole de Strasbourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet 2021 et 29 février 2024, la société Profil Armor, représentée par Me Metais-Mouries de la Selarl ACM, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 mai 2021 ;

2°) avant dire droit, de diligenter une expertise ;

3°) d'annuler la décision du 19 février 2019 par laquelle l'Eurométropole de Strasbourg a résilié le lot n° 29 " habillages textiles " du marché de construction du pôle d'administration publique de Strasbourg et du pôle de compétence en propriété intellectuelle (PAPS-PCPI) ;

4°) d'ordonner la reprise des relations contractuelles ;

5°) de condamner l'Eurométropole de Strasbourg à lui verser la somme de 425 938,24 euros correspondant aux situations n° 3 et n° 4 et à son préjudice ;

6°) de mettre à la charge de l'Eurométropole de Strasbourg la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement souffre d'une insuffisante motivation ;

- la décision de résiliation, qui n'a pas été signée par le président de l'Eurométropole de Strasbourg, a été prise par une autorité incompétente ;

en ce qui concerne l'annulation de la décision de résiliation :

- la décision de résiliation est irrégulière et injustifiée ;

- sa demande d'annulation d'une décision de résiliation est recevable ;

- elle justifie de l'utilité de la désignation d'un expert judiciaire afin que soient établis la réalité des retards et leur imputabilité ainsi que l'origine et les conséquences des modifications de travaux qui lui ont été imposés ; l'expert aura pour mission également de déterminer et chiffrer les préjudices subis ; en conséquence, la décision de résiliation encourt l'annulation ;

- elle n'a commis aucune faute et apportait déjà toutes les justifications dans son mémoire en réclamation du 1er février 2019 ;

- les conditions d'exécution du marché qui ont présenté des difficultés insurmontables révèlent des fautes commises tant par la maîtrise d'œuvre que par le maître d'ouvrage ;

- la maîtrise d'œuvre n'a pas réalisé sa mission EXE et de synthèse rendant impossible la restitution des plans PAC ; le maître d'œuvre a demandé beaucoup de modifications d'ouvrage ; aucun retard ne lui est pas imputable ; le maître d'ouvrage, qui n'a pas exécuté sa mission de direction et de contrôle sur le maître d'œuvre, a commis une faute ;

- le retard global du chantier ne lui est pas imputable ;

- les retards d'exécution sont imputables à la maîtrise d'œuvre ;

- les non-conformités qui lui sont reprochées ne sont pas avérées ou pas imputables ; l'existence d'une faute est contestable ;

- elle n'a pas commis de faute justifiant par sa gravité la résiliation du marché ; la sanction est disproportionnée ;

en ce qui concerne la reprise des relations contractuelles :

- dès lors que la résiliation est irrégulière, elle est fondée à réclamer la reprise des relations contractuelles ;

en ce qui concerne la demande indemnitaire :

- la somme de 425 938,24 euros, correspondant à ses situations n° 3 et n° 4, ne lui a pas été réglée ; la somme réclamée correspond à des fournitures qui ont été réglées et livrées par la société Profil Armor ; la résiliation est consécutive d'une carence du maître d'ouvrage dans ses pouvoirs de direction et de contrôle.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 juillet 2022, 18 mars et 18 avril 2024, l'Eurométropole de Strasbourg, représentée par Me Olszak de la Selas Olszak et Lévy, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Profil Armor le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;

- les conclusions tendant à l'annulation de la décision de résiliation sont par nature irrecevables et la société Profil Armor ne conteste pas le motif d'irrecevabilité retenu par les premiers juges ;

- les premiers juges, dont les motifs ne sont pas contestés par la société Profil Armor, ont prononcé à bon droit un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles ;

- la décision de résiliation étant régulière et justifiée, les conclusions indemnitaires étaient prématurées et donc irrecevables ; en tout état de cause, les demandes indemnitaires ne sont pas fondées ;

- la demande d'expertise doit être rejetée.

Un mémoire enregistré le 6 mai 2024, présenté pour la société Profil Armor, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Serra, représentant l'Eurométropole de Strasbourg.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 4 janvier 2018, l'Eurométropole de Strasbourg (EMS) a attribué à la société Profil Armor le lot n° 29 " habillages textiles - réalisation de faux - plafonds textiles non démontables " du marché public de travaux relatif à la construction du pôle d'administration publique de Strasbourg et du pôle de compétence en propriété intellectuelle (PAPS-PCPI). Par une décision du 19 février 2019, l'EMS a prononcé la résiliation de ce marché aux frais et risques de son titulaire et a, postérieurement, passé un marché de substitution avec un groupement d'entreprises dont la société Meunier était le mandataire non solidaire. La société Profil Armor a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, l'annulation de cette décision du 19 février 2019, d'autre part, d'enjoindre à l'EMS de procéder à la reprise des relations contractuelles et, enfin, de condamner l'EMS à lui verser une indemnité de 425 938,24 euros TTC correspondant aux travaux qui seraient contractuellement dus. Par un jugement du 20 mai 2021, dont la société Profil Armor relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué dans son ensemble :

2. Il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de Strasbourg a expressément répondu, de manière suffisamment détaillée et circonstanciée, aux moyens soulevés en première instance par la société Profil Armor. Par suite, la société Profil Armor n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé et, pour ce motif, entaché d'irrégularité.

En ce qui concerne les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles :

3. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles.

4. Lorsqu'un tribunal administratif a rejeté une demande tendant à la reprise des relations contractuelles et que, postérieurement à son jugement, soit le terme du contrat est atteint soit le contrat a épuisé ses effets avant la saisine du juge d'appel ou pendant l'instance d'appel, la cour saisie doit constater que le contrat n'est plus susceptible d'être exécuté et que le litige n'a pas ou n'a plus d'objet.

5. Le lot n° 29 du marché attribué à la société Profil Armor, dont l'acte d'engagement signé le 4 janvier 2018 prévoyait une durée d'exécution de 20 mois, a été résilié le 19 janvier 2019 aux frais et risques. Il est constant que le marché de substitution a été attribué à la société Meunier mandataire non solidaire d'un groupement auquel appartenaient également les SARL Azimut, Interlignes Deco, et ETS Fassler Jean-Claude. Il résulte de l'instruction que le 29 janvier 2020 le marché de substitution a fait l'objet d'une décision de réception avec et sous réserves de travaux énumérés et dont le délai d'exécution a été fixé au 14 février 2020. A la suite d'une première mesure d'instruction diligentée par le tribunal administratif de Strasbourg, l'EMS a indiqué que le maître d'œuvre n'avait, au

30 juillet 2020, procédé qu'à une levée partielle des réserves émises. Enfin, à la suite d'une demande en ce sens de la cour, l'EMS a justifié que les dernières réserves du marché de substitution ont été définitivement levées le 15 mai 2023.

6. Il ne résulte pas de l'instruction et n'est établi par aucune des parties à l'instance que les réserves restantes au 30 juillet 2020 seraient relatives à des non-façons. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que les réserves existantes au 30 juillet 2020, postérieures à l'introduction de la demande de première instance, porteraient sur des malfaçons qui auraient été commises par la société Profil Armor lors de l'exécution du contrat initial et ne résulteraient pas de malfaçons commises lors de l'exécution du contrat de substitution. Ainsi, dans ces conditions, le marché dont la société Profil Armor était titulaire devait être regardé comme ayant épuisé l'intégralité de ses effets au plus tard le 30 juillet 2020, soit à une date antérieure à laquelle le tribunal administratif de Strasbourg a statué. Dès lors, ce n'est pas à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la société Profil Armor tendant à la reprise des relations contractuelles.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision de résiliation :

7. Les parties à un contrat administratif ne peuvent pas, en principe, demander au juge l'annulation d'une mesure d'exécution de ce contrat. Il ressort du dossier de première instance que la société Profil Armor a demandé aux premiers juges, d'une part, l'annulation de la décision de résiliation, d'autre part, la reprise des relations contractuelles. Par suite, les conclusions de la société Profil Armor, que les premiers juges n'étaient pas tenus de requalifier dès lors qu'ils étaient saisis en parallèle de conclusions tendant à la reprise de relations contractuelles, tendant à l'annulation de la décision de résiliation étaient irrecevables. Dès lors, la société Profil Armor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de résiliation comme irrecevables.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

8. Sous réserve que le contentieux soit lié, le cocontractant dont le marché a été résilié à ses frais et risques peut saisir le juge du contrat afin de faire constater l'irrégularité ou le caractère infondé de cette résiliation et de demander, de ce fait, le règlement des sommes qui lui sont dues, sans attendre le règlement définitif du nouveau marché après, le cas échéant, que le juge du contrat a obtenu des parties les éléments permettant d'établir le décompte général du marché résilié.

9. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevables et prématurées les conclusions indemnitaires de la société Profil Armor au motif qu'elle n'établissait pas que la décision de résiliation était irrégulière ou injustifiée. En se bornant, à hauteur d'appel, à soutenir qu'elle est fondée à demander la rémunération des situations n° 3 bis et 4 bis lors du règlement du marché, sans contester, à l'appui de ses conclusions indemnitaires, le caractère irrégulier ou injustifié de la décision de résiliation, la société Profil Armor ne saurait être regardée comme contestant le motif d'irrecevabilité retenu par les premiers juges pour rejeter ses conclusions indemnitaires dont il n'appartient pas à la cour de se saisir d'office.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée, que la société Profil Armor n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles et, d'autre part, rejeté le surplus de ses demandes.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EMS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Profil Armor demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Profil Armor le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'EMS et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Profil Armor est rejetée.

Article 2 : La société Profil Armor versera à l'Eurométropole de Strasbourg une somme de

2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Profil Armor et à l'Eurométropole de Strasbourg.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 21NC02135


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02135
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SELAS OLSZAK LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;21nc02135 ?
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