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18/06/2024 | FRANCE | N°23NC01973

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 18 juin 2024, 23NC01973


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 4 février 2022 par lequel le préfet des Ardennes lui a ordonné de se dessaisir de toutes les armes de toute catégorie, en sa possession, dans un délai de trois mois à compter de sa notification, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur son recours hiérarchique et d'enjoindre au préfet des Ardennes de supprimer son inscript

ion au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes.





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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 4 février 2022 par lequel le préfet des Ardennes lui a ordonné de se dessaisir de toutes les armes de toute catégorie, en sa possession, dans un délai de trois mois à compter de sa notification, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur son recours hiérarchique et d'enjoindre au préfet des Ardennes de supprimer son inscription au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes.

Par un jugement n° 2201048 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 juin 2023 et 22 juin 2023, M. C..., représenté par Me Mavel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2201048 du 9 mai 2023 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 février 2022 par lequel le préfet des Ardennes lui a ordonné de se dessaisir de toutes les armes de toute catégorie, en sa possession, dans un délai de trois mois à compter de sa notification, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur son recours hiérarchique adressé le 4 mars 2022 ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de supprimer son inscription au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes (FINADIA) ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les frais engagés en première instance ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les frais engagés en procédure d'appel.

Il soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé car il ne précise pas en quoi son comportement laisse actuellement craindre une utilisation dangereuse des armes ;

- l'arrêté en litige a été pris par un auteur incompétent ;

- il est insuffisamment motivé en fait ; le préfet n'a pas visé un seul des deux fondements, à savoir l'article L. 312-7 et l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure, qui permettent une mesure de dessaisissement d'armes ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation dans l'appréciation de sa dangerosité, notamment au regard de l'instruction ministérielle NOR INSTA 1910979J du 25 avril 2019 portant orientations pour la prise de décision en matière de dessaisissement ou de remise d'armes :

. il n'a jamais été condamné pénalement pour les faits qui ont fait l'objet d'un signalement ;

. il pratique la chasse depuis ses 16 ans et il encadre les mineurs en sa qualité " d'accompagnateur de chasse " et ne présente aucun danger d'utilisation de ses armes contre lui-même ou contre autrui ;

. son comportement général est irréprochable, comme en témoignent toutes les attestations produites ;

. l'arrêté préfectoral litigieux est disproportionné entre l'atteinte portée au droit de propriété et le motif d'intérêt général qui le justifierait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2024, le préfet des Ardennes conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 4 février 2022, le préfet des Ardennes a prononcé à l'encontre de M. C... le " dessaisissement d'armes, de munitions et de leurs éléments au titre de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure ". M. C... a formé un recours hiérarchique contre cet arrêté préfectoral et une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur son recours. M. C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de cet arrêté du 4 février 2022 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours préalable. M. C... relève appel du jugement du 9 mai 2023 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. C... fait valoir que les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur jugement en ne précisant pas en quoi son comportement laisse actuellement craindre une utilisation dangereuse des armes. Il ressort cependant des termes de ce jugement et plus particulièrement du point 4, que les faits de violence dont s'est rendu coupable le requérant, eu égard à leur nature et à leur caractère récent, permettent de regarder le comportement de l'intéressé, dans les circonstances de l'espèce, comme incompatible avec la détention d'une arme. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué n'est en conséquence pas fondé.

Sur le bien-fondé du jugement litigieux :

3. En premier lieu, l'arrêté en litige a été signé par Mme B... A..., directrice des services du cabinet, qui bénéficiait par arrêté du 25 janvier 2022 du préfet des Ardennes régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 26 janvier 2022 d'une délégation afin de signer tous les actes relevant des attributions du cabinet, lequel comprend un service des sécurités dont un bureau de la sécurité intérieure, ainsi qu'il ressort de l'arrêté du 15 décembre 2020 portant organisation des services de la préfecture des Ardennes, publié au recueil le 18 décembre 2020, et visé dans l'arrêté du 25 janvier 2022. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ".

5. L'arrêté attaqué qui s'intitule " arrêté préfectoral n° 2022-53 ordonnant le dessaisissement d'armes, de munitions et de leurs éléments au titre de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure " vise notamment les articles L. 312-11, R. 312-67 et R. 312-74 à R. 312-76 du code de la sécurité intérieure, rappelle les faits de violence commis par le requérant en 2017 et 2019 ainsi que les appels téléphoniques malveillants commis en 2018 et mentionne que le comportement de M. C... est incompatible avec la détention d'une arme. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté n'a pas visé le fondement sur lequel la mesure de dessaisissement d'armes a été prise et serait par suite, insuffisamment motivé.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme, de munitions et de leurs éléments de toute catégorie de s'en dessaisir. Le dessaisissement consiste soit à vendre l'arme les munitions et leurs éléments à une personne titulaire de l'autorisation, mentionnée à l'article L. 2332-1 du code de la défense, ou à un tiers remplissant les conditions légales d'acquisition et de détention, soit à la remettre à l'Etat. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités du dessaisissement. Sauf urgence, la procédure est contradictoire. Le représentant de l'Etat dans le département fixe le délai au terme duquel le détenteur doit s'être dessaisi de son arme, de ses munitions et de leurs éléments. Toutefois, lorsque l'interdiction d'acquisition et de détention des armes, des munitions et de leurs éléments est prise en application des articles L. 312-3 et L. 312-3-2, les dispositions relatives au respect de la procédure contradictoire prévues au troisième alinéa du présent article ne sont pas applicables. ". Aux termes de l'article L. 312-13 du même code : " Il est interdit aux personnes ayant fait l'objet de la procédure prévue à la présente sous-section d'acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments de toute catégorie. (...) ". Aux termes de l'article L 312-16 du même code : " Un fichier national automatisé nominatif recense : 1° Les personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes, de munitions et de leurs éléments en application des articles L. 312-10 et L. 312-13 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 312-67 du même code : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme ou de ses éléments dans les conditions prévues aux articles L. 312-7 ou L.312-11 lorsque: (...) 3° Il résulte de l'enquête diligentée par le préfet que le comportement du demandeur ou du déclarant est incompatible avec la détention d'une arme ; (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'enquête administrative diligentée par le préfet à la suite de l'acquisition d'une nouvelle arme par M. C... que celui-ci est connu pour des faits de violence commis en 2017 et 2019 ainsi que pour des appels téléphoniques malveillants en 2018. Si M. C... n'a pas fait l'objet d'une condamnation pénale pour les faits de violence commis en 2017 et 2019, ils ont néanmoins entraîné une incapacité de travail n'excédant pas huit jours, ne sont pas anciens à la date de l'arrêté litigieux et ne présentent pas un caractère isolé. Par ailleurs, quand bien même le requérant produit de nombreuses attestations démontrant un bon comportement général et fait valoir qu'il encadre des mineurs en sa qualité d'accompagnateur de chasse, ces faits de violence commis à deux reprises, pour lesquels le requérant ne donne aucun élément précis sur leurs circonstances, traduisent un comportement laissant craindre une utilisation des armes dangereuse pour lui-même ou pour autrui. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en retenant que le comportement de M. C... était incompatible avec la détention d'une arme et en ordonnant à ce dernier de se dessaisir de toutes les armes en sa possession. Le préfet était tenu, par voie de conséquence, de procéder à son inscription au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes (FINADIA) et de lui interdire d'acquérir et de détenir des armes de toute catégorie. Par suite, le moyen tiré du caractère disproportionné de la mesure de police doit en tout état de cause être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral du 4 février 2022, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige, tant en première instance qu'en appel, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La rapporteure,

Signé : S. Roussaux La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy.

2

N° 23NC01973


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01973
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : MAVEL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;23nc01973 ?
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