Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2023 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours et enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros, pour chacun d'eux, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 2300189 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté de la préfète de l'Aube du 11 janvier 2023 et enjoint à la préfète de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 juin 2023 sous le n° 23NC02103 la préfète de l'Aube, représentée par Me Ancelet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif ;
Elle soutient qu'elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6§5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire enregistré le 20 décembre 2023 M. A..., représenté par Me Cappelletti conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il fait valoir que les moyens de la requête de la préfète de l'Aube ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Peton, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né en 2003, est entré régulièrement en France en décembre 2018 sous couvert d'un visa court séjour valable jusqu'au 4 janvier 2019. Il s'est irrégulièrement maintenu sur le territoire français à l'expiration de son visa. Le 12 septembre 2022, M. A... a déposé une demande certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Par arrêté du 11 janvier 2023, la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. La préfète de l'Aube relève appel du jugement du 23 mai 2023, par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté.
Sur le motif retenu par le tribunal :
2. Pour annuler l'arrêté du 11 janvier 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a estimé que la décision en litige portait au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise.
3. Aux termes de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France à l'âge de 15 ans et était présent sur le territoire français depuis quatre ans à la date de l'arrêté en litige. Après avoir poursuivi un parcours scolaire au collège, il a intégré une filière professionnelle au lycée en spécialité maintenance des véhicules et était inscrit en terminale pour l'année 2022/2023. M. A... réside chez sa mère. Cette dernière titulaire d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dispose d'un logement de type T4 et héberge également la sœur de M. A.... Par ailleurs, il n'apparaît pas que l'intéressé ait conservé des attaches dans son pays d'origine. A cet égard, ses parents ont divorcé en 2010 et si un droit de visite a été accordé par le tribunal d'Oran au père de M. A... il ne ressort pas des pièces du dossier que ce droit a été exercé. Dans ces conditions, le requérant doit être regardé comme ayant établi sa vie privée et familiale en France et la préfète n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige ne méconnaissait pas l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Aube n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté du 11 janvier 2023.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Cappelletti, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Cappelletti de la somme de 1 000 euros.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la préfète de l'Aube est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Cappelletti une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Cappelletti et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2024.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 23NC02103