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06/06/2024 | FRANCE | N°23NC01673

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 06 juin 2024, 23NC01673


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 23 février 2021 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement no 2101795 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 30 mai, 9 août et 7 septembr

e 2023, Mme B..., représentée par Me Chaib, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2022 ;


...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 23 février 2021 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement no 2101795 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 30 mai, 9 août et 7 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Chaib, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 23 février 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur d'appréciation quant à l'accessibilité en Arménie du traitement nécessité par son état de santé ;

- ils ont entaché leur jugement d'une erreur manifeste d'appréciation dans la prise en compte des éléments non médicaux de sa situation ;

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

- la décision en litige est entachée d'incompétence de son signataire ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur de droit, le préfet n'ayant pas examiné si le refus de titre de séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privé ou familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense, enregistré les 12 juillet et 16 août 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante arménienne née en 1947, est entrée sur le territoire français le 1er octobre 2006 selon ses déclarations, en compagnie de sa fille. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de la Commission de recours des réfugiés du 4 août 2008. Elle s'est en revanche vu délivrer, le 5 octobre 2009, une carte de séjour " vie privée et familiale " en raison de son état de santé, renouvelée jusqu'au 25 août 2020. Par une décision du 23 février 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a toutefois refusé d'en prononcer le renouvellement. Mme B... relève appel du jugement du 7 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 23 février 2021 :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la décision en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) ; 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme B..., le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur l'avis du 12 janvier 2021 par lequel le collège des médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est suivie depuis son arrivée en France en 2006 pour un état cardiologique précaire caractérisé par une hypertension artérielle, une fibrillation auriculaire permanente et une cardiopathie dilatée hypokinétique. Elle a dû subir un double pontage coronarien en 2008 et se faire poser quatre stents entre 2013 et 2014. Elle est par ailleurs suivie régulièrement par un pneumologue à raison d'une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) de stade II de Gold, d'une dyspnée d'effort de stade III et d'un syndrome d'apnées du sommeil traité par pression positive continue. S'il ressort des pièces produites par les parties que les nombreux médicaments prescrits à Mme B... existent en Arménie sous une forme ou une autre, il est en revanche constant que l'intéressée, qui s'est vu attribuer l'allocation aux adultes handicapés à compter du 1er mars 2022 compte tenu d'un taux d'incapacité de plus de 80 %, par une décision certes postérieure à la décision en litige mais qui est relative à un état antérieur identique, nécessite une présence et des soins quotidiens, que lui dispense sa fille chez qui elle réside. Il n'est d'ailleurs pas contesté que la requérante, qui était âgée de 74 ans à la date de la décision en litige, n'a jamais été séparée de sa fille avec laquelle elle est entrée en 2006 sur le territoire français, tandis qu'elle ne dispose plus d'attaches dans son pays d'origine, qu'elle indique avoir quitté en 1997. Dans les conditions particulières de l'espèce, Mme B... doit être regardée comme ne pouvant pas avoir un accès effectif au traitement approprié à ses pathologies dans son pays d'origine. Par suite, elle est fondée à soutenir que le refus de renouveler son titre de séjour est entaché d'erreur d'appréciation et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à en demander l'annulation.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 février 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Compte tenu des motifs de l'annulation retenus, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'autorité préfectorale procède au renouvellement de la carte de séjour " vie privée et familiale " dont Mme B... disposait en raison de son état de santé. Il y a lieu de prescrire à la préfète de Meurthe-et-Moselle d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais de l'instance :

7. Mme B... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocate peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Chaib, avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Chaib de la somme de 1 500 euros au titre des frais que la requérante aurait exposés dans la présente instance si elle n'avait pas été admise à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement no 2101795 du tribunal administratif de Nancy du 7 juillet 2022 est annulé.

Article 2 : La décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 23 février 2021 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de Meurthe-et-Moselle de renouveler le titre de séjour " vie privée et familiale " de Mme B..., dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Chaib la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Chaib et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

Signé : H. BrodierLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 23NC01673


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01673
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CHAIB

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;23nc01673 ?
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