Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022, par lequel le préfet du Doubs a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office à l'expiration de ce délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de retour sur le territoire national durant trois ans.
Par un jugement n° 2201112 du 7 juillet 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ce recours.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mars 2023, Mme B... A..., représentée par Me Dravigny, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 7 juillet 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance d'une attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a désigné le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxes au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le préfet du Doubs n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- l'arrêté du 30 juin 2022 méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté du 30 juin 2022 méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'illégalité de refus de titre de séjour prive l'obligation de quitter le territoire français de base légale ;
- la durée de trois ans de l'interdiction de retour sur le territoire français est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Mme A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 27 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante ivoirienne née le 1er janvier 1982, est entrée en France selon ses dires le 3 avril 2019. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 30 août 2019 sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 31 janvier 2020 la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA. L'OFPRA et la CNDA ont rejeté respectivement les 7 juillet 2020 et 4 novembre 2020 ses demandes de réexamen. Par un arrêté du 22 février 2021, le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Par un jugement du 13 juin 2022, confirmé le 25 mai 2022 par la cour, le tribunal administratif de Besançon a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 22 février 2021. L'intéressée a déposé une seconde demande de réexamen. Par un arrêté du 30 juin 2022 le préfet du Doubs a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office à l'expiration de ce délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de retour sur le territoire national durant trois ans. Par un jugement du 7 juillet 2022 dont Mme A... relève appel, la magistrate désignée le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ce recours.
2. En premier lieu, Mme A... soutient que le préfet du Doubs n'a pas procédé à un examen préalable et circonstancié de sa situation, au motif que celui-ci n'aurait pas pris en compte la circonstance que ses deux filles mineures aient également saisi la Cour nationale du droit d'asile d'une demande de réexamen. Toutefois, il ressort des termes de l'arrêté que le préfet qui n'avait pas à reprendre tous les éléments de la situation personnelle de l'appelante, a pris en considération la durée de sa présence en France et la circonstance qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire en dépit d'une précédente mesure d'éloignement. Dès lors, contrairement à ce que soutient Mme A..., le moyen tiré de l'absence d'examen particulier ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
4. Mme A..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par les autorités en charge de l'asile notamment les 30 août 2019, 31 janvier 2020, 7 juillet 2020 et 4 novembre 2020 soutient que ses filles mineures sont exposées à un risque de mutilation génitale féminine. Toutefois, elle ne produit à l'appui de ses allégations aucune précision ni aucun justificatif, susceptible d'établir qu'elle ou ses filles mineures sont exposées à des risques en cas de retour dans son pays. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
5. Il résulte en troisième lieu de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
7. La présence en France de Mme A... est récente, elle n'a pas développé de lien particulièrement stable ou intense sur le territoire français et l'intéressée s'est soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet du Doubs a édicté à l'encontre de l'intéressée une interdiction de retour d'une période de trois ans, durée maximale prévue par les dispositions précitées alors que c'est la première fois que l'appelante fait l'objet d'une telle mesure et que le préfet du Doubs reconnaît lui-même que l'intéressée ne représente pas une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, l'autorité compétente s'est livrée à une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'espèce en interdisant à Mme A... de revenir sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en tant qu'elle est dirigée contre la décision portant interdiction de retour en France pendant trois ans.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de justice :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme A... en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 qui ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2201112 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon du 7 juillet 2022 est annulé uniquement en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande dirigées contre la décision du préfet du Doubs du 30 juin 2022 portant interdiction de retour en France pendant trois ans.
Article 2 : La décision du préfet du Doubs du 30 juin 2022 portant interdiction de retour en France pendant trois ans est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Dravigny.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Sibileau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2024.
Le rapporteur,
Signé : J.-B. SibileauLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 23NC00944