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06/06/2024 | FRANCE | N°23NC00937

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 06 juin 2024, 23NC00937


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office.



Par un jugement n° 2202435 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce recours.<

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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 26 mars 2023, Mme A... B......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office.

Par un jugement n° 2202435 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 mars 2023, Mme A... B..., représentée par Me Aras, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

s'agissant du refus de titre de séjour :

- l'arrêté du 9 décembre 2021 méconnaît les articles L. 423-1 et L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 décembre 2021 méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour ;

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français.

Par une ordonnance du 13 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 juillet 2023.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 27 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante turque née le 1er juillet 1987, est entrée en France le 14 mai 2014 sous couvert d'un visa long séjour " regroupement familial " en raison de son mariage avec un ressortissant français en 2013. Elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de conjointe de Français, régulièrement renouvelé et valable jusqu'au 14 juin 2021. Elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 1er juin 2021. La préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 9 décembre 2021, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 6 juillet 2022 dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le recours formé contre cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 9 décembre 2021 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Aux termes de l'article L. 423-3 du même code : " (...) Le renouvellement de la carte est subordonné au maintien du lien conjugal et de la communauté de vie avec le conjoint qui doit avoir conservé la nationalité française. ". Aux termes de l'article L. 423-5 du même code : " (...) En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies. Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, l'existence de violences conjugales ayant conduit à la rupture de la vie commune du demandeur avec son conjoint de nationalité française.

3. Il ressort des pièces du dossier que le 19 mai 2021, Mme B... a effectué une déposition de main courante pour des faits de différends entre époux. Elle produit également une attestation d'un médecin généraliste indiquant qu'elle déclare avoir été chassée du domicile conjugal après avoir été victime de violences psychiques voire physiques. L'intéressée allègue également avoir subi contre son gré une interruption volontaire de grossesse. Toutefois, Mme B... ne produit à l'appui de ses déclarations que des documents retranscrivant ses déclarations sans toutefois établir ainsi la matérialité des faits dont elle se prévaut à l'appui de sa demande. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait fait une inexacte application des dispositions précitées.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

5. Mme B... soutient avoir résidé en France pendant sept ans et avoir inévitablement construit des relations et tissé des liens sociaux en France. Elle allègue également avoir suivi des cours de français et suivre depuis le 29 novembre 2021 une formation pouvant déboucher sur un emploi. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la vie commune avec un ressortissant français a cessé, qu'elle n'établit pas l'intensité de ses liens en France, qu'elle n'a pas d'enfant en France et n'a pas non plus d'emploi. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, l'arrêté litigieux du 9 décembre 2021 n'a pas porté au droit de l'appelante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, la préfète du Bas-Rhin n'a ni méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

7. Ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise sur le fondement de décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français illégales. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme B... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme B... la somme réclamée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC00937


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00937
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ARAS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;23nc00937 ?
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