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06/06/2024 | FRANCE | N°22NC00796

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 06 juin 2024, 22NC00796


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif C... d'annuler la décision implicite par laquelle la rectrice de l'académie C... a rejeté sa demande indemnitaire préalable et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 12 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de notification du jugement.



Par un jugement n° 2004841 du 20 janvier 2022, le tribu

nal administratif C... a rejeté ses demandes.



Procédure devant la cour :



Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif C... d'annuler la décision implicite par laquelle la rectrice de l'académie C... a rejeté sa demande indemnitaire préalable et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 12 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de notification du jugement.

Par un jugement n° 2004841 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif C... a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mars 2022, Mme A..., représentée par Me Bizzarri, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 janvier 2022 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 12 000 euros en réparation des préjudices qu'elle aurait subis, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de notification du présent arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A... soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'est pas démontré que la minute de ce jugement a été signé en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- les services de rectorat ne peuvent transmettre son expertise médicale à son médecin traitant hors de toute procédure, sans que la confidentialité de l'envoi soit assurée ; cette illégalité constitue une faute dans la protection du secret médical de l'agent ;

- l'absence de consultation de la commission de réforme préalablement à l'adoption de la décision du 11 juillet 2019 refusant de reconnaitre l'imputabilité au service lui a causé un préjudice moral en ce qu'elle a été choquée du traitement qui lui était réservé par l'administration ;

- elle a perdu une chance de faire valoir ses droits lors de cette commission afin de voir l'imputabilité au service reconnue ; son préjudice moral s'élève de ce fait à 5 000 euros ;

- la circonstance qu'un compte-rendu d'inspection la concernant figure dans le dossier d'un autre agent méconnait les règles de confidentialité et est donc illégale ; ce fait lui a causé un préjudice moral.

Par un mémoire enregistré le 8 mars 2024, le recteur conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... la somme de 171 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions indemnitaires ne sont pas assorties de précision suffisantes pour apprécier la matérialité du préjudice, son caractère direct et certain, ni le quantum de la réparation et sont, par suite, irrecevables ;

- les moyens invoqués par Mme A... doivent être rejetés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'en application des articles R. 811-10-4 du code de justice administrative et D. 222-35 du code de l'éducation, seul le ministre de l'éducation nationale est compétent pour défendre dans les recours en matière indemnitaire et présenter des conclusions reconventionnelles.

Par un mémoire enregistré le 22 mars 2024, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut à la compétence du recteur et sa mise hors de cause ou, à titre subsidiaire, à la reprise des conclusions reconventionnelles présentées par le recteur de l'académie C....

Il soutient que dans la mesure où le litige résulte de l'activité de ses services, le recteur est compétent en vertu de l'article D. 222-35 du code de l'éducation pour défendre dans un recours de plein contentieux indemnitaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Professeure certifiée d'économie-gestion, Mme A... a été affectée à compter du 1er septembre 2019 au lycée Louis Pasteur C.... Par un courrier du 25 mai 2020, elle a adressé une demande indemnitaire préalable à l'administration afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices dont elle s'estime victime. Mme A... relève appel du jugement du 20 janvier 2022 du tribunal administratif C... qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la rectrice de l'académie C... a rejeté sa demande indemnitaire préalable et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 12 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de notification du jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifié à Mme A... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne le respect du secret médical :

3. Aux termes des dispositions de l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983, aujourd'hui codifiés aux articles L. 121-6 et L. 121-7 du code de la fonction publique : " Les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le code pénal. / Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. En dehors des cas expressément prévus par la réglementation en vigueur, notamment en matière de liberté d'accès aux documents administratifs, les fonctionnaires ne peuvent être déliés de cette obligation de discrétion professionnelle que par décision expresse de l'autorité dont ils dépendent ".

4. Mme A... soutient que les services du rectorat ont transmis l'expertise réalisée à la suite de sa demande d'imputabilité au service d'un accident du 28 mars 2019 à son médecin traitant sans qu'une procédure l'y autorise et sans que la confidentialité de l'envoi soit assurée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante elle-même a sollicité la communication de l'expertise réalisée dans le cadre d'une demande de reconnaissance d'imputabilité au service et alors qu'aucune disposition législative ou règlementaire applicable aux agents publics n'encadre la communication de cette expertise, celle-ci ayant été transmise dans un pli fermé à son médecin traitant. En outre, Mme A... n'apporte aucun élément de nature à établir que des informations soumises au secret médical auraient été diffusées à des tiers, ni que l'agent du rectorat chargé de la gestion de sa carrière aurait manqué à son devoir de secret ou de discrétion professionnels en procédant à l'envoi de ces informations à son médecin traitant. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du rectorat en raison de la méconnaissance du secret médical.

En ce qui concerne l'irrégularité de la procédure ayant conduit à l'adoption de la décision du 11 juillet 2019 :

5. Aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires alors en vigueur : " La commission de réforme est consultée notamment sur : (...) / 1. L'application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ". L'article 47-6 du décret dispose : " La commission de réforme est consultée : / 1° Lorsqu'une faute personnelle ou toute autre circonstance particulière est potentiellement de nature à détacher l'accident du service ".

6. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision du 11 juillet 2019 refusant l'imputabilité d'un " accident de service " de l'accident du 28 mars 2019 pour troubles anxiodépressifs réactionnels que l'administration n'a pas, en méconnaissance des disposition précitées, saisi la commission de réforme avant de rejeter la demande de Mme A... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet " accident ". Cette décision est devenue définitive en l'absence de contestation de celle-ci par l'intéressée. Si la requérante soutient qu'elle aurait " été particulièrement choquée " que l'administration l'ait privée de cette garantie, elle n'apporte aucun élément de nature à démontrer la réalité du préjudice moral qu'elle estime avoir subi. Elle ne fait état d'aucun élément que l'absence de saisine de cette commission l'aurait empêché de faire valoir devant celle-ci. Dans ces conditions, elle n'établit pas avoir perdu une chance de faire reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 28 mars 2019

En ce qui concerne la méconnaissance des règles de confidentialité :

7. L'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 alors en vigueur dispose que : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. / Il ne peut être fait état dans le dossier d'un fonctionnaire, de même que dans tout document administratif, des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l'intéressé ".

8. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de tensions au sein de l'équipe enseignante en économie-gestion au lycée Jean-Monnet, deux inspecteurs pédagogiques régionaux sont venus le 28 mars 2019 réaliser une évaluation en accompagnement et ont rédigé à l'issue de cette visite une note intitulée " rapport d'accompagnement de l'équipe pédagogique économie-gestion au lycée Jean Monnet C... " qui comprend notamment plusieurs entretiens avec des membres de l'équipe éducative et des élèves et le compte-rendu des visites d'inspection de la requérante et de l'un de ses collègues. Mme A... soutient sans être contestée que cette note a été intégrée, sans être anonymisée, à son dossier administratif et au dossier du collègue également inspecté à cette occasion. Toutefois, cette note la concerne ainsi que son collègue, c'est donc à bon droit que l'administration l'a insérée intégralement dans son dossier sans qu'il ait été nécessaire de l'anonymiser. En tout état de cause, Mme A... n'apporte aucun élément quant à la réalité du préjudice moral qu'elle aurait subi en raison de la présence de ce compte-rendu d'inspection dans le dossier administratif de son collègue. Par suite, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée à cet égard.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif C... a rejeté ses demandes.

Sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme A... une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme réclamée par la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 22NC00796


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00796
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : BERARD JEMOLI SANTELLI BURKATZKI BIZZARRI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;22nc00796 ?
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