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06/06/2024 | FRANCE | N°21NC00930

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 06 juin 2024, 21NC00930


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. G... D..., agissant pour son compte et pour celui de son fils mineur E... D..., M. B... D..., M. I... A... et Mme H... F..., épouse A..., ont demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier à leur verser la somme totale de 393 618,09 euros en réparation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux qu'ils estiment avoir subis du fait du décès de Mme C... A..., épouse D..., survenu le 8 juin 2015 lors de son ho

spitalisation au sein de cet établissement public de santé.



Par un jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D..., agissant pour son compte et pour celui de son fils mineur E... D..., M. B... D..., M. I... A... et Mme H... F..., épouse A..., ont demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier à leur verser la somme totale de 393 618,09 euros en réparation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux qu'ils estiment avoir subis du fait du décès de Mme C... A..., épouse D..., survenu le 8 juin 2015 lors de son hospitalisation au sein de cet établissement public de santé.

Par un jugement n° 1801381 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Besançon a condamné le centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier à verser à M. G... D..., agissant pour son compte et pour celui de son fils mineur E..., les sommes respectives de 118 224,09 euros et de 82 640,03 euros, à M. B... D... la somme de 61 545,15 euros et à M. et Mme A... la somme de 7 000 euros chacun.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars et 3 juin 2021, le centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier, représenté par Me Le Prado, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801381 du tribunal administratif de Besançon du 26 janvier 2021 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées en première instance par les consorts D... et par les époux A....

Il soutient que :

- le jugement de première instance est insuffisamment motivé au regard des moyens dont le tribunal a été saisi ;

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté sa fin de non-recevoir au motif que les stipulations de l'article 7 de la convention de mise à disposition des agents du centre hospitalier spécialisé Saint-Ylie Jura de Dôle, qui prévoient que cet établissement assume la responsabilité civile du personnel médical et infirmier, étaient sans influence sur les conditions d'engagement de sa responsabilité ;

- aucun défaut de surveillance, susceptible d'engager sa responsabilité, ne peut lui être reproché ;

- subsidiairement, le montant de l'indemnisation allouée aux demandeurs est excessif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2021, M. G... D..., agissant pour son compte et pour celui de son fils mineur E... D..., M. B... D..., M. I... A... et Mme H... F..., épouse A..., représentés par Me Héritier, concluent au rejet de la requête et à la condamnation du centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier aux dépens et à la mise à sa charge d'une somme globale de 2 000 euros à leur verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les stipulations de la convention de mise à disposition des agents du centre hospitalier spécialisé Saint-Ylie Jura de Dôle ne leur sont pas opposables et sont donc sans incidence sur les conditions d'engagement de la responsabilité du centre hospitalier de Jura Sud de Lons-le-Saunier ;

- il appartient au centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier, s'il s'y croit fondé, d'appeler en la cause le centre hospitalier spécialisé Saint-Ylie Jura de Dôle ;

- le centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier a commis une faute en ne faisant pas le nécessaire pour mettre en place une procédure d'hospitalisation sous contrainte de Mme D... ;

- cette mauvaise organisation du service est constitutive d'une faute, qui engage la responsabilité de cet établissement ;

- il y a lieu de confirmer le jugement de première instance en tant qu'il a condamné le centre hospitalier de Jura Sud de Lons-le-Saunier à verser à M. G... D..., agissant pour son compte et pour celui de son fils mineur E... D..., les sommes respectives de 118 224,09 euros et de 82 640,03 euros, à M. B... D... la somme de 61 545,15 euros et à M. et Mme A... la somme de 7 000 euros chacun.

Par un mémoire, enregistré le 20 mars 2024, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône, représentée par Me Fort, conclut à la condamnation du centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier à lui verser les sommes de 3 400 euros au titre de ses débours, avec intérêts au taux légal à compter de sa première demande, et de 1 133,33 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et à la mise à sa charge d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que sa créance est constituée par le capital décès d'un montant de 3 400 euros versé au conjoint de Mme D....

La requête a été régulièrement communiquée au centre hospitalier Saint-Ylie Jura de Dôle, qui n'a pas présenté de mémoire dans la présente instance.

Par un courrier du 25 mars 2024, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que, en ne mettant pas en cause la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône, le tribunal administratif de Besançon a entaché son jugement d'irrégularité.

Des observations en réponse au courrier du 25 mars 2024, présentées pour les consorts D... et les époux A..., par Me Héritier, ont été reçues le 27 mars 2024 et communiquées le même jour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2024 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse,

- et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Née le 16 décembre 1974 et présentant une dépression, pour le traitement de laquelle elle était suivie par son médecin traitant depuis deux ans et soignée par antidépresseurs, Mme C... A..., épouse D..., a été prise en charge au sein du centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier du 11 au 15 mai 2015, à la suite d'un épisode dépressif majeur et d'idées suicidaires, survenus dans un contexte de séparation d'avec son époux depuis quelques semaines. Après modification de son traitement antidépresseur et amélioration de son état, elle a été transférée, à l'issue de son hospitalisation, dans un établissement privé de soins psychiatriques. Le 6 juin 2015, soit dix jours seulement après son retour au domicile, elle a, de nouveau, été conduite aux urgences du centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier en raison d'une intoxication médicamenteuse volontaire avec prise d'alcool et suspicion de pendaison. Le lendemain, à 13h32, l'intéressée a eu un entretien avec le médecin psychiatre de l'établissement public de santé, qui préconisait une hospitalisation sous contrainte et envisageait de la transférer vers le centre hospitalier spécialisé Saint-Ylie Jura de Dôle. Le 8 juin 2015, à 7h30, Mme D..., qui s'était opposée à un tel transfert, a été retrouvée morte dans sa chambre d'hôpital. Elle est décédée par pendaison au moyen d'un câble d'antenne de télévision attaché à la barre murale de sa salle de bains. Estimant que la prise en charge de son épouse par le centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier avait été fautive, M. G... D... a, le 4 mars 2016, saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Franche-Comté, qui a procédé, le 23 mars 2016, à la désignation d'un expert en psychiatrie. Conformément aux conclusions du rapport d'expertise, établi le 18 juillet 2016 et remis le 25 juillet suivant, cette commission, par un avis du 13 septembre 2016, a rejeté la demande de règlement amiable de M. D... au motif que le décès de la victime n'était pas la conséquence d'un défaut de surveillance imputable au service public hospitalier. Leur demande d'indemnisation, formée par un courrier du 19 mars 2018, reçu le lendemain, ayant été rejetée le 13 juin 2018, M. G... D..., agissant pour son compte et pour celui de son fils E... D..., né le 11 avril 2006, M. B... D..., son fils aîné né le 29 septembre 2000, M. I... A... et Mme H... F..., épouse A..., ses parents, ont saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier à leur verser la somme totale de 393 618,09 euros en réparation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux qu'ils estiment avoir subis du fait du décès de leur épouse, mère et fille. L'établissement public de santé mis en cause relève appel du jugement n° 1801381 du 26 janvier 2021, en ce qu'il accorde respectivement aux consorts D... et aux époux A... des indemnisations de 262 409,27 euros et de 14 000 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur l'ensemble des arguments développés par les parties, auraient insuffisamment répondu aux moyens dont ils étaient saisis. Par suite, le moyen du centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier tiré de ce que le jugement de première instance serait entaché d'irrégularité en raison d'un défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier :

3. En premier lieu, le centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier fait valoir que, en application des stipulations de l'article 7 d'une convention relative à la prise en charge des personnes admises aux urgences psychiatriques et à la psychiatrie de liaison au centre hospitalier de Lons-le-Saunier, qu'il a conclue le 19 mai 2011 avec le centre hospitalier spécialisé Saint-Ylie Jura de Dôle, un praticien hospitalier et du personnel infirmier ont été mis à disposition auprès de son service d'accueil et d'urgences psychiatriques par cet établissement, lequel en assure la responsabilité, tant en ce qui concerne la responsabilité civile que la garantie des accidents du travail. Toutefois, il résulte de l'instruction que les consorts D... et les époux A... recherchent, non pas la responsabilité civile du personnel médical et infirmier concerné, mais celle du centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier en raison d'une défaillance dans l'organisation et le fonctionnement du service dont il a la charge. Par suite et alors qu'il n'est pas démontré que le défaut de surveillance à l'origine du suicide de Mme D... serait imputable à un ou plusieurs agents du centre hospitalier spécialisé Saint-Ylie Jura de Dôle, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les demandeurs avaient correctement dirigé leur action indemnitaire.

4. En second lieu, aux termes du premier alinéa du premier paragraphe de l'article L. 1142-1 du même code : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 6111-1 du code de la santé publique : " Les établissements de santé publics (...) assurent, dans les conditions prévues au présent code, en tenant compte de la singularité et des aspects psychologiques des personnes, le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades (...). ".

5. Pour établir l'existence d'une faute dans l'organisation du service hospitalier au titre du défaut de surveillance d'un patient atteint d'une pathologie psychiatrique, le juge doit notamment tenir compte, lorsque l'état de santé de ce patient fait courir le risque qu'il commette un acte agressif à son égard ou à l'égard d'autrui, non seulement de la pathologie en cause et du caractère effectivement prévisible d'un tel passage à l'acte, mais également du régime d'hospitalisation, libre ou sous contrainte, ainsi que des mesures que devait prendre le service, compte tenu de ses caractéristiques et des moyens dont il disposait.

6. Si le rapport d'expertise du 18 juillet 2016 et l'avis de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Franche-Comté du 13 septembre 2016 ont estimé que la prise en charge de Mme D... n'avait pas été fautive, il résulte de l'instruction que l'intéressée a été conduite aux urgences du centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier, le 6 juin 2015, en raison d'une intoxication médicamenteuse volontaire avec prise d'alcool et suspicion de pendaison et qu'elle avait déjà été hospitalisée dans ce même établissement, du 11 au 15 mai 2015, en raison d'un épisode dépressif majeur avec des idées suicidaires. Compte tenu de la dégradation de son état de santé, le médecin psychiatre du service a préconisé, dès le 7 juin 2015, une hospitalisation sous contrainte, avec surveillance rapprochée et soins psychiatriques intensifs. Si Mme D... s'est opposée à son transfert vers le centre hospitalier spécialisé Saint-Ylie Jura de Dôle, il résulte du rapport d'expertise qu'une discussion avec la famille sur ce point aurait dû avoir lieu le lendemain. Dans ces conditions, compte tenu du risque très important de suicide par pendaison de la patiente, qui avait été clairement identifié par le centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier, les circonstances que la victime ait pu, dans sa propre chambre ou dans une chambre voisine, se procurer un câble d'antenne de télévision suffisamment long, puis se pendre à partir de la barre murale de sa salle de bains révèlent un défaut de surveillance constitutif d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier. Par suite, alors même que Mme D... se trouvait alors en hospitalisation libre, que la porte de sa chambre était dotée d'un hublot, que la " quasi-totalité " des câbles avaient été retirée et que des visites régulières ont été effectuées par le personnel soignant dans la soirée et la nuit qui ont précédé son suicide, constaté le 8 juin 2015 à 7h30, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la responsabilité du centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier était engagée sur ce fondement.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

7. En premier lieu, le préjudice économique subi, du fait du décès d'un patient, par les ayants droit appartenant au foyer de celui-ci, est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à l'entretien de chacun d'eux, en tenant compte, d'une part et si la demande en est faite, de l'évolution générale des salaires et de leurs augmentations liées à l'ancienneté et aux chances de promotion de la victime jusqu'à l'âge auquel elle aurait été admise à la retraite, d'autre part, du montant, évalué à la date du décès, de leurs propres revenus éventuels, à moins que l'exercice de l'activité professionnelle dont ils proviennent ne soit la conséquence de cet événement, et, enfin, des prestations à caractère indemnitaire susceptibles d'avoir été perçues par les membres survivants du foyer en compensation du préjudice économique qu'ils subissent. En outre, l'indemnité allouée aux enfants de la victime décédée est déterminée en tenant compte de la perte de la fraction des revenus de leur parent décédé qui aurait été consacrée à leur entretien jusqu'à ce qu'ils aient atteint au plus l'âge de vingt-cinq ans.

8. D'une part, il est constant que, à la date du décès de Mme D..., celle-ci était séparée de son conjoint depuis quelques mois. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé aurait subi un préjudice économique du fait de ce décès, alors que la part de l'entretien des enfants à la charge du foyer qui aurait été celle pesant sur Mme D... si elle n'était pas décédée constitue un préjudice pour ces enfants. Par suite, le centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier est fondé à soutenir que M. G... D..., agissant en son nom propre, ne peut prétendre à être indemnisé pour ce chef de préjudice.

9. D'autre part, il résulte de l'instruction que les revenus annuels du foyer de Mme D... s'élevaient pour l'année précédant celle de son décès à la somme totale de 47 375 euros. Il convient de déduire de ce montant, compte tenu de la présence au sein de ce foyer de deux enfants mineurs, 15 % pour la part de consommation personnelle de Mme D.... Les revenus annuels de référence s'élèvent ainsi à 40 268,75 euros. M. G... D..., qui verse aux débats ses avis d'imposition sur le revenu au titre des années 2016 à 2022, justifie, pour la période postérieure à ce décès, d'un revenu annuel moyen de 23 755,86 euros. La perte de revenus du foyer s'élève donc à 16 512,89 euros par an, soit, sur la base d'un taux de répartition de 20 % par enfant mineur, un préjudice économique annuel de 3 302,57 euros pour chacun des fils de la victime. Toutefois, M. G... D... ayant, en conséquence du décès de son épouse, perçu une somme de 576 euros de sa mutuelle et un capital décès de 3 400 euros de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône, la perte de revenus du foyer doit être évaluée à 12 536,89 euros au titre de la première année. Pour cette année, le préjudice économique de chaque enfant s'élève donc à 2 507,37 euros. Compte tenu de l'âge des enfants au moment du décès de leur mère le 8 juin 2015 et de l'âge d'autonomie de vingt-cinq ans retenu à bon droit par les premiers juges, le préjudice économique des années suivantes doit être indemnisé, s'agissant de M. B... D..., né le 29 septembre 2000, pour une durée 9 ans et 113 jours, ce qui correspond à la somme de 30 753,37 euros et, s'agissant de M. E... D..., né le 11 avril 2006, pour une durée de 14 ans et 314 jours, correspondant à la somme de 49 077,24 euros. Il en résulte qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier à verser à M. B... D... la somme de 33 260,75 euros et à M. E... D... la somme de 51 584,62 euros.

10. En deuxième lieu, comme il a été dit ci-dessus, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône a versé à M. G... D... un capital décès s'élevant à 3 400 euros en conséquence du décès de Mme D.... Par suite, le centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier doit rembourser ce montant à la caisse.

11. En troisième lieu, le jugement de première instance doit être confirmé en tant qu'il a condamné le centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier à verser à M. G... D... la somme de 6 777,09 euros en réparation des frais d'obsèques de son épouse qu'il a supportés.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

12. En premier lieu, en l'absence de contestation des parties sur ce point, il y a lieu de confirmer le jugement de première instance en tant qu'il a évalué le préjudice d'affection de M. B... D... et de M. E... D... à la somme de 25 000 euros chacun, ainsi que celui des époux A... à la somme de 7 000 euros chacun.

13. En second lieu, M. G... D... étant séparé de son épouse depuis plusieurs mois à la date du décès de celle-ci, il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'affection en lui allouant la somme de 10 000 euros.

14. Il résulte de tout ce qui précède, en premier lieu, que les sommes de 61 545,15 euros et de 82 640,03 euros allouées par les premiers juges à M. B... D... et à M. E... D..., doivent être ramenées respectivement, à 58 260,75 euros et à 76 584,62 euros, que, en deuxième lieu, la somme de 118 224,09 euros allouée à M. G... D... doit être ramenée à 16 777,09 euros, dont il y a lieu de déduire 2 385,60 euros correspondant à la part de la somme de 3 976 euros qui n'est pas prise en compte en déduction du préjudice économique de ses enfants, l'indemnité due à M. G... D... s'élevant ainsi à 14 391,49 euros, et que, en troisième lieu, le centre hospitalier Jura Sud doit être condamné à verser à la caisse primaire d'assurance-maladie de la Haute-Saône la somme de 3 400 euros au titre de ses débours. Cette somme sera, comme le demande la caisse, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2024, date d'enregistrement de son mémoire au greffe de la cour.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :

15. Aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2024 : " Les montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 118 € et 1 191 € au titre des remboursements effectués au cours de l'année 2023. ".

16. En application de ces dispositions, il y a lieu d'allouer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône la somme de 1 191 euros à ce titre.

Sur les dépens :

17. La présente instance n'ayant pas généré de dépens, les conclusions présentées par les consorts D... et les époux A... en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code ce justice administrative doivent être rejetées.

Sur les frais de justice :

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les consorts D... et les époux A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier le versement à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les sommes de 118 224,09 euros, de 61 545,15 euros et de 82 640,03 euros allouées par les premiers juges respectivement à M. G... D..., à M. B... D... et à M. E... D... sont ramenées à 14 391,49 euros, à 58 260,75 euros et à 76 584,62 euros.

Article 2 : Le centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône la somme de 3 400 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2024, au titre de ses débours et celle de 1 191 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 3 : Le jugement n° 1801381 du tribunal administratif de Besançon du 26 janvier 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier versera à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par les consorts D... et les époux A... en application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Jura Sud de Lons-le-Saunier, à M. G... D..., représentant unique en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, au centre hospitalier Saint-Ylie Jura de Dôle et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 21NC00930 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00930
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SCP BERTHAT - SCHIHIN - DUCHANOY - HERITIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;21nc00930 ?
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