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04/06/2024 | FRANCE | N°23NC02118

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 04 juin 2024, 23NC02118


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.



Par un jugement n° 2202972 du 27 février 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa

demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 28 juin 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2202972 du 27 février 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juin 2023, M. B... A..., représenté par Me Opyrchal, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 27 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne peut être exécutée en raison de la fermeture de l'espace aérien entre les Etats membres de l'Union européenne et la Russie ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La procédure a été communiquée au préfet de la Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., se déclarant de nationalité russe, né en 1998, est entré, en France, en 2016. L'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté, le 28 avril 2017, la demande d'asile, qu'il avait déposée l'année de sa majorité, ainsi que sa demande de réexamen. Le préfet de la Marne a alors pris à son encontre une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. L'intéressé a sollicité, le 8 septembre 2021, son admission exceptionnelle au séjour qui a été refusée par un arrêté du préfet de la Marne du 23 novembre 2021, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une interdiction de retour sur le territoire français de 12 mois. A la suite d'une vérification du droit au séjour de M. A... sur le territoire français, le préfet de la Marne a, par un arrêté du 20 décembre 2022, fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français sans délai et pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 12 mois. M. A... fait appel du jugement du 27 février 2023, par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

3. Il ressort des motifs de l'arrêté en litige que le préfet a pris une mesure d'éloignement à l'encontre de M. A... sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le requérant se prévaut de la fermeture de l'espace aérien entre la Russie, pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné, et les Etats membres de l'Union européenne, cette circonstance relative à l'exécution de la décision est, par elle-même, sans incidence sur sa légalité.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Si M. A... est présent en France depuis 2017, il n'établit pas, notamment par les attestations qu'il a produites, y avoir tissé des liens intenses et stables en dehors de ses parents, qui font tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement. Quant à la relation avec une ressortissante française, celle-ci était récente à la date de la décision en litige. Dans ces conditions, en dépit de ses efforts pour l'apprentissage de la langue française et de son insertion professionnelle, le préfet n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

6. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. En se bornant à mentionner la guerre entre la Russie et l'Ukraine, M. A... n'établit pas encourir des risques personnels alors que le conflit n'atteint pas l'intégralité du territoire russe. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. Pour les mêmes motifs ceux exposés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie de l'arrêt sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUX

Le président,

Signé : C. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC02118 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02118
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : OPYRCHAL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;23nc02118 ?
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