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04/06/2024 | FRANCE | N°23NC01355

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 04 juin 2024, 23NC01355


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 3 avril 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a son assignation à résidence dans le département de la Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2301025 du 14 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistré le 2 mai 2023, M. C... B..., représenté par la SCP Tertio Avocat, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 3 avril 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a son assignation à résidence dans le département de la Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2301025 du 14 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré le 2 mai 2023, M. C... B..., représenté par la SCP Tertio Avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2301025 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy du 14 avril 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 3 avril 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige du 3 avril 2023 a été pris par une autorité incompétente ;

- cet arrêté est entaché d'un vice de procédure, dès lors que son droit d'être entendu, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par les principes généraux du droit de l'Union européenne, n'a pas été respecté ;

- il est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;

- l'assignation à résidence prononcée à son encontre porte une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et de venir et à son droit à mener une vie familiale normale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... est un ressortissant géorgien, né le 11 juillet 1959. Il a déclaré être entré en France le 1er avril 2004, à l'âge de quarante-quatre ans, sous couvert de son passeport en cours de validité. Le 12 octobre 2004, il a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 17 août 2005, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 14 septembre 2006. Une décision de l'office du 14 novembre 2007 a également refusé de faire droit au réexamen de cette demande d'asile sollicité par le requérant. Par les arrêtés des 1er mars 2007, 17 septembre 2007, 29 janvier 2010 et 1er août 2018, l'autorité préfectorale compétente a pris à son encontre des mesures d'éloignement à laquelle l'intéressé n'a pas déféré malgré le rejet des recours formés devant le tribunal administratif, puis la cour administrative d'appel. Au cours de son séjour en France, M. B... a fait l'objet de nombreuses condamnations, dont certaines assorties de peines de prison, notamment pour des faits de vol, d'extorsion de fonds, de port d'arme prohibée ou de filouterie de carburant. Le 17 février 2023, le requérant a, une nouvelle fois, été placé en garde à vue par les agents de la sécurité publique de Nancy pour des faits de conduite automobile sans permis, de port d'arme de catégorie D et d'infraction à la législation des étrangers. Par un arrêté du 18 février 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant deux ans. Par un arrêté du même jour, il a prononcé son assignation à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. Par un jugement n° 2300559 et 2300561 du 28 février 2023, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Nancy a annulé ce dernier arrêté en tant qu'il a astreint M. B..., qui a indiqué résider au 114, rue Pierre et Marie Curie à Neuves-Maisons, à se maintenir quotidiennement, de 06h00 à 09h00, au 104, rue Pierre et Marie Curie à Neuves-Maisons et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par un arrêté du 3 avril 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle a renouvelé son assignation à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement n° 2301025 du 14 avril 2023 qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige du 3 avril 2023 a été signé, pour le préfet, par M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle. Or, par un arrêté du 8 août 2022, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs n° 63, le préfet de Meurthe-et-Moselle a consenti à M. A... une délégation de signature à l'effet de signer notamment les arrêtés ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des arrêtés de conflit. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".

4. D'une part, M. B... ne saurait utilement invoquer une méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui s'adresse exclusivement, ainsi qu'il résulte des dispositions en cause, aux institutions, organes et organismes de l'Union. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

5. D'autre part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense et qu'il implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

5. Toutefois, toute irrégularité dans l'exercice du droit de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

6. En se bornant à soutenir qu'il aurait pu faire valoir auprès de l'administration l'état de dépendance dans laquelle se trouve sa mère en raison de son état de santé, M. B... ne démontre pas que la méconnaissance de son droit d'être entendu aurait eu pour effet, eu égard à l'ensemble des circonstances de droit et de fait de l'espèce, de le priver de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que la procédure administrative le concernant aurait pu aboutir à un résultat différent. Par suite et alors que, en tout état de cause, l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations lors de son audition par les services de police de Nancy le 17 février 2023, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté

9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, spécialement du procès-verbal d'audition du 17 février 2023 et de la notice de renseignements du 3 avril 2023, que M. B... a indiqué être né le 11 juillet 1959 à Tbilissi en Géorgie. S'il fait valoir qu'il serait hébergé par un ami au 114, rue Pierre et Marie Curie à Neuves-Maisons, il résulte de la facture d'électricité communiquée par ses soins à l'administration que cette adresse correspond au lieu de facturation et qu'elle est distincte de celle correspondant au lieu de consommation, située 13, quai de la Haute-Moselle dans cette même commune. Le préfet de Meurthe-et-Moselle soutient, sans être contredit, que le requérant a admis, dans le cadre d'un contrôle des services de gendarmerie, y résider avec son frère. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige comporterait des erreurs relativement à ses lieux de naissance et de domiciliation, ni, à plus forte raison, que ces erreurs révèleraient un défaut d'examen particulier de sa situation. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut d'un tel examen.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Aux termes de l'article L 732-3 du même code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. / Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée. ". Aux termes de l'article R. 733-1 du même code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside. ".

11. En se bornant à faire valoir qu'il vit maritalement avec sa compagne, également de nationalité géorgienne, et qu'il souffre d'une pathologie nécessitant des soins et un suivi régulier en France, M. B... ne démontre pas en quoi les conditions de son assignation à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle porteraient une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et de venir et à son droit à une vie familiale normale. Par suite, ces deux moyens doivent être écartés.

12. En sixième et dernier lieu, pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, il y a lieu d'écarter ce dernier moyen.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 3 avril 2023, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC01355 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01355
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : BOUVIER JAQUET ROYER PEREIRA BARBOSA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;23nc01355 ?
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