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04/06/2024 | FRANCE | N°21NC01342

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 04 juin 2024, 21NC01342


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société CNA Insurance Compagny Limited a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le titre exécutoire émis par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à son encontre le 14 décembre 2018 pour un montant de 18 688,45 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.



L'ONIAM, par des conclusions reconventionnelles, a demandé au tribunal, en

cas d'annulation du titre exécutoire, de condamner la société CNA Insurance Compagny Limited à lu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CNA Insurance Compagny Limited a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le titre exécutoire émis par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à son encontre le 14 décembre 2018 pour un montant de 18 688,45 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

L'ONIAM, par des conclusions reconventionnelles, a demandé au tribunal, en cas d'annulation du titre exécutoire, de condamner la société CNA Insurance Compagny Limited à lui verser la somme de 18 688,45 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2019 et de la capitalisation des intérêts, ainsi que la somme de 2 803,26 euros au titre de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, et à lui rembourser les frais d'expertise.

Par un jugement n° 1905253 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ce titre exécutoire, mis à la charge de l'ONIAM la somme de 1 500 euros à verser à la société CNA Insurance Compagny Limited au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mai 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Welsch, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 février 2021 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de première instance de la société CNA Insurance Compagny Limited et de condamner cette société, en cas d'annulation du titre exécutoire pour un motif de forme, à lui verser la somme de 18 688,45 euros ;

3°) à titre reconventionnel, de condamner la société CNA Insurance Compagny Limited à lui verser les intérêts au taux légal sur la somme de 18 688,45 euros à compter du 9 janvier 2019, avec la capitalisation à compter du 10 janvier 2020, de la condamner également à lui verser la somme de 2 803,26 euros au titre de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et à lui rembourser les frais d'expertise ;

4°) à titre subsidiaire, de décharger partiellement la société CNA Insurance Compagny Limited et la condamner à lui verser une somme qui ne saurait être inférieure à 3 100 euros et de faire droit à ses demandes reconventionnelles au titre des frais d'expertise, des intérêts et de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ;

5°) de mettre à la charge de la société CNA Insurance Compagny la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) de mettre en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin.

Il soutient que :

- la créance subrogatoire est fondée en raison des manquements commis par les Hôpitaux civils de Colmar qui ont participé au dommage de la victime ;

- le montant de la créance est justifiée par l'indemnité versée à la victime sur la base du référentiel ONIAM ;

- quand bien même les manquements des Hôpitaux civils de Colmar n'auraient que partiellement contribué au dommage, la décharge de la créance devrait n'être que partielle ; les souffrances endurées de la victime imputables aux Hôpitaux civils de Colmar sont évaluées à 3 100 euros ;

- l'ordre de recouvrer la créance subrogatoire était signé ;

- il serait de bonne administration de la justice de mettre en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin ;

- il est fondé à solliciter reconventionnellement la fixation de sa créance et la condamnation de l'assureur à la lui rembourser en cas d'annulation du titre exécutoire ;

- il est fondé à solliciter le versement de la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique compte tenu des manquements des hôpitaux civils de Colmar ;

- les frais d'honoraires des experts sont à mettre à la charge des Hôpitaux civils de Colmar.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2021, la société CNA Insurance Compagny Limited, représentée par Me Cariou, conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident, la décharge de la somme de 18 688,45 euros et, enfin, que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'ONIAM en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le titre exécutoire est illégale en raison de l'incompétence de son signataire ; la créance indemnitaire ne peut être recouvrée par titre exécutoire ; le législateur a exclu le recours au titre exécutoire pour le recouvrement d'une créance subrogatoire ; le recours au titre exécutoire priverait la caisse primaire d'assurance maladie de se prévaloir de sa créance ; l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation ne peut fonder la créance subrogatoire ;

- le titre exécutoire n'est pas motivé ;

- le titre ne mentionne pas les bases de la liquidation en violation de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 et n'est pas justifié par le protocole transactionnel ; le référentiel de l'ONIAM ne peut servir de justification de la créance ;

- le titre exécutoire n'est pas signé par le directeur de l'ONIAM ;

- l'ONIAM, subrogé dans les droits de la victime, ne peut qu'agir devant une juridiction en émettant un titre exécutoire, il a commis un détournement de procédure ;

- la créance n'est pas certaine compte tenu de la contestation de la responsabilité des hôpitaux civils de Colmar ; elle n'est pas davantage liquide ni exigible ;

- la négligence des Hôpitaux civils de Colmar a seulement aggravé les souffrances endurées par la victime ; seule la somme de 3 100 euros au titre de ces souffrances peut être imputée au centre hospitalier ;

- aucune pénalité ne peut être mise à sa charge compte tenu de la contrariété entre l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation et le rapport d'expertise.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Ronez, représentant la société CNA Insurance Company Limited.

Considérant ce qui suit :

1. Le 17 mai 2016, Mme A... a été hospitalisée aux Hôpitaux civils de Colmar pour y subir une néphrectomie gauche sous cœlioscopie. L'intéressée a été autorisée à rentrer au domicile le 21 mai suivant, malgré la mise en évidence, la veille, d'un hématome rétropéritonéal. Dans la nuit du 21 au 22 mai 2016, en raison d'importantes douleurs abdominales, elle a appelé le service des urgences qui lui a seulement prescrit du Dafalgan. Le 23 mai 2016, son médecin traitant, constatant un ventre noir et un teint pâle, l'a adressée au service des urgences qui a relevé la présence d'un hématome rétropéritonéal qui a nécessité une reprise chirurgicale. Mme A... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) d'Alsace, qui a fait diligenter une expertise dont le rapport a été déposé le 15 février 2018. Par un avis du 15 mars 2018, la CRCI d'Alsace a estimé que la réparation des préjudices de Mme A... incombait à l'assureur des Hôpitaux civils de Colmar pour l'ensemble des préjudices et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) pour 50 % des souffrances endurées. La société CNA Insurance Compagny Limited, assureur des Hôpitaux civils de Colmar, a informé Mme A... de son refus de l'indemniser. Par un protocole d'indemnisation transactionnelle conclu le 2 août 2018, l'ONIAM a versé à Mme A... la somme de 3 100 euros correspondant à 50 % des souffrances endurées, puis par un second protocole transactionnel conclu le 2 décembre 2018, l'office s'est substitué à l'assureur des Hôpitaux civils de Colmar et a versé à Mme A... la somme de 18 688,45 euros en réparation des autres préjudices et de l'autre moitié du préjudice lié aux souffrances. Subrogé dans les droits de la victime, l'ONIAM a émis le 14 décembre 2018 un titre exécutoire pour ce montant à l'encontre de la société CNA Insurance Compagny Limited. Par un jugement du 25 février 2021, dont l'ONIAM fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ce titre exécutoire pour un motif de forme et rejeté les conclusions à fin de décharge ainsi que les conclusions reconventionnelles de l'ONIAM.

Sur la régularité du jugement :

2. Lorsqu'il a versé une indemnité à la victime en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, il appartient à l'ONIAM, s'il a connaissance du versement à cette victime de prestations mentionnées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, d'informer les tiers payeurs concernés afin de leur permettre de faire valoir leurs droits auprès du tiers responsable, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances. Il incombe également à l'office d'informer les tiers payeurs, le cas échéant, de l'émission d'un titre exécutoire à l'encontre du débiteur de l'indemnité ainsi que des décisions de justice rendues sur le recours formé par le débiteur contre ce titre. En revanche, il ne résulte ni de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que les tiers payeurs ayant servi des prestations à la victime en raison de l'accident devraient être appelés en la cause lorsque le débiteur saisit le juge administratif d'une opposition au titre exécutoire. Par suite, en n'appelant pas à l'instance la caisse primaire d'assurance maladie à laquelle est affiliée la victime dans les droits de laquelle l'ONIAM a été subrogé, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une irrégularité.

Sur le bien-fondé du titre exécutoire :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique : " Lorsque la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales estime qu'un dommage relevant du premier alinéa de l'article L. 1142-8 engage la responsabilité d'un professionnel de santé, d'un établissement de santé, d'un service de santé ou d'un organisme mentionné à l'article L. 1142-1 ou d'un producteur d'un produit de santé mentionné à l'article L. 1142-2, l'assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis dans la limite des plafonds de garantie des contrats d'assurance ". Aux termes de l'article L. 1142-15 de ce code : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré ou la couverture d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 est épuisée ou expirée, l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur. / (...) / L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances. / L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l'article L. 426-1 du même code. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. / En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. / Lorsque l'office transige avec la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article, cette transaction est opposable à l'assureur ou, le cas échéant, au fonds institué au même article L. 426-1 du code des assurances ou au responsable des dommages sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime lui reste acquis ".

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1142-22 du code de la santé publique : " L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est un établissement public à caractère administratif de l'Etat, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Il est chargé de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, dans les conditions définies au II de l'article L. 1142-1, à l'article L. 1142-1-1 et à l'article L. 1142-17, des dommages occasionnés par la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale ainsi que des indemnisations qui lui incombent, le cas échéant, en application des articles L. 1142-15, L. 1142-18, L. 1142-24-7 et L. 1142-24-16 ". Aux termes de l'article L. 1142-23 de ce code : " L'office est soumis à un régime administratif, budgétaire, financier et comptable défini par décret. / (...) / Les recettes de l'office sont constituées par : (...) 4° Le produit des recours subrogatoires mentionnés aux articles L. 1221-14, L. 1142-15, L. 1142-17, L. 1142-24-7, L. 1142-24-16, L. 1142-24-17, L. 3131-4, L. 3111-9 et L. 3122-4 ; (...) ".

5. Aux termes de l'article R. 1142-53 de ce code, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) " est soumis aux dispositions des titres Ier et III du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ".

6. Lorsque l'ONIAM a émis un titre exécutoire en vue du recouvrement de la somme versée à la victime en application de l'article L. 1142-15, le recours du débiteur tendant à la décharge de la somme ainsi mise à sa charge invite le juge administratif à se prononcer sur la responsabilité du débiteur à l'égard de la victime aux droits de laquelle l'office est subrogé, ainsi que sur le montant de son préjudice. Lorsqu'il procède à cette évaluation, le juge n'est pas lié par le contenu de la transaction intervenue entre l'ONIAM et la victime.

En ce qui concerne la responsabilité des Hôpitaux civils de Colmar :

7. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

8. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 15 février 2018, que la néphrectomie gauche sous coelioscopie subie par Mme A..., le 17 mai 2016, aux Hôpitaux civils de Colmar a été réalisée dans les règles de l'art. Le rapport d'expertise indique que l'hémorragie dont elle a été victime est la conséquence d'un aléa thérapeutique consécutif à la perforation de petits vaisseaux par un trocart lors de cette intervention. Les experts ont également retenu une négligence des Hôpitaux civils de Colmar qui ont, d'une part, laissé Mme A... quitter l'hôpital le 21 mai 2016, alors qu'une échographie avait mis en évidence le 20 mai 2016 un hématome rétropéritonéal et, d'autre part, prescrit à l'intéressée du Dafalgan, sans l'avoir examinée au préalable ou orientée vers les urgences pour un tel examen, lorsqu'elle a appelé le service des urgences de cet établissement dans la nuit du 21 au 22 mai 2016. Dans un courriel du 24 février 2018, envoyé en réponse à une demande de la CRCI d'Alsace, les experts ont précisé que le dommage subi par Mme A... était lié à la complication hémorragique et que les négligences commises par les Hôpitaux civils de Colmar n'avaient entraîné aucune perte de chance pour la patiente d'éviter les préjudices définitifs.

9. L'ONIAM fait valoir que la CRCI d'Alsace a estimé, dans son avis du 15 mars 2018, que la réparation de l'ensemble des préjudices de Mme A... incombait à l'assureur des Hôpitaux civils de Colmar, à l'exception de 50 % des souffrances endurées indemnisables par l'ONIAM. Toutefois, le rapport d'expertise mentionne que seule une partie des souffrances sont en lien avec les négligences de l'établissement de santé. En outre, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, dans leur courriel du 24 février 2018, les experts ont exclu tout lien entre les autres préjudices et les négligences des Hôpitaux civils de Colmar. Par suite, les manquements des Hôpitaux civils de Colmar sont constitutifs d'une faute de nature à engager leur responsabilité à l'égard de Mme A... seulement pour les souffrances résultant de ces manquements.

En ce qui concerne le montant de la créance :

10. L'ONIAM sollicite la condamnation de la société CNA Insurance Compagny Limited à lui rembourser la somme de 18 688,45 euros correspondant à l'indemnisation qu'il a versée à Mme A..., dans le cadre d'un protocole transactionnel, en réparation de 50 % des souffrances qu'elle a endurées et de l'intégralité de ses autres préjudices. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé précédemment, les négligences des Hôpitaux civils de Colmar, qui ont entrainé un retard de trois jours dans la reprise chirurgicale, n'ont contribué qu'à une partie des souffrances supportées par Mme A.... La quote-part des souffrances imputables à ces négligences peut être estimée, au vu du rapport d'expertise, à 50 %. Ce chef de préjudice, coté à 4 sur une échelle de 7 par les experts, peut être évalué à la somme globale de 6 200 euros. Par suite, compte tenu de la part de ce préjudice imputable aux manquements des Hôpitaux civils de Colmar, la créance mise à la charge de la société CNA Insurance Compagny Limited ne peut excéder la somme de 3 100 euros, laquelle est, dans cette mesure, contrairement à ce que soutient l'intimée, certaine, liquide et exigible.

En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de pouvoir et de procédure :

11. Il résulte de l'article R. 1142-53 du code de la santé publique que l'ONIAM peut émettre un titre exécutoire en vue du recouvrement de toute créance dont le fondement se trouve dans les dispositions d'une loi, d'un règlement ou d'une décision de justice, ou dans les obligations contractuelles ou quasi-délictuelles du débiteur. Il s'ensuit que l'intimée n'est pas fondée à soutenir qu'en émettant un titre exécutoire à son encontre, l'ONIAM a commis un détournement de pouvoir ou de procédure.

Sur la régularité du titre exécutoire :

12. D'une part, aux termes de l'article R. 1142-52 du code de la santé publique : " Le directeur (...) / est ordonnateur des recettes et des dépenses (...) / Le directeur peut déléguer sa signature à ses collaborateurs dans les conditions prévues par le règlement intérieur de l'office ". Aux termes de l'article 11 du décret du 7 novembre 2012, applicable par renvoi des dispositions citées ci-dessus de l'article R. 1142-53 du code de la santé : " Les ordonnateurs constatent les droits et les obligations, liquident les recettes et émettent les ordres de recouvrer. (...) ". Aux termes de l'article 192 du même décret : " L'ordre de recouvrer émis dans les conditions prévues à l'article 28 est adressé aux redevables sous pli simple ou, le cas échéant, par voie électronique, soit par l'ordonnateur, soit par l'agent comptable. (...) ".

13. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) / Toute décision prise par l'une des autorités mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".

14. Il résulte de ces dispositions que les titres exécutoires émis par l'ONIAM, établissement public administratif de l'Etat, doivent être signés et comporter les prénom, nom et qualité de leur auteur. Il ressort des pièces du dossier que l'avis des sommes à payer qui a été adressé à la société CNA Insurance Compagny Limited ne comportait pas la signature du directeur de l'office dont seule l'identité était mentionnée. L'ONIAM ne peut utilement se prévaloir de l'ordre à recouvrer, produit au cours de l'instance, qui comporte la signature et l'identité du directeur des ressources humaines dès lors qu'aucune disposition ne dispense son directeur ou la personne délégataire de signer l'exemplaire du titre exécutoire adressé au redevable. De surcroît, la copie transmise au redevable aurait dû comporter l'identité du directeur des ressources humaines, qui, ayant signé l'ordre à recouvrer, doit être regardé comme l'auteur du titre exécutoire.

15. Il s'ensuit que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé le titre exécutoire.

Sur les demandes reconventionnelles de l'ONIAM :

En ce qui concerne les conclusions à fin de condamnation de la société CNA Insurance Compagny Limited :

16. Lorsqu'il cherche à recouvrer les sommes versées aux victimes en application de la transaction conclue avec ces dernières, l'ONIAM peut soit émettre un titre exécutoire à l'encontre de la personne responsable du dommage, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances, soit saisir la juridiction compétente d'une requête à cette fin. Toutefois, l'office n'est pas recevable à saisir le juge d'une requête tendant à la condamnation du débiteur au remboursement de l'indemnité versée à la victime lorsqu'il a, préalablement à cette saisine, émis un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme en litige.

17. Il résulte de ce qui précède que les conclusions reconventionnelles de l'ONIAM tendant à la condamnation de la société CNA Insurance Compagny Limited à lui rembourser les sommes versées à la victime et pour lesquelles il a émis un titre exécutoire sont irrecevables, comme l'a relevé le tribunal, même si ce titre exécutoire est annulé, et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

En ce qui concerne la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique :

18. Les dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique prévoient en particulier qu'en cas de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'ONIAM une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue. La pénalité ne peut donc être déterminée par le juge qu'au vu d'un montant régulièrement mis à la charge de l'assureur et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce. Si l'annulation d'un titre exécutoire en raison de son irrégularité n'implique pas nécessairement l'extinction de la créance litigieuse au regard de la possibilité de régularisation par l'administration, la circonstance qu'un titre exécutoire émis par l'ONIAM pour le recouvrement des sommes versées aux victimes a été annulé ne permet pas, en l'absence de somme mise à la charge du débiteur, que la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique puisse être infligée à l'assureur. Les conclusions de l'ONIAM tendant à la condamnation de la société CNA Insurance Compagny Limited à lui verser la pénalité de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ne peuvent donc qu'être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions de l'ONIAM tendant au bénéfice des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts :

19. Il a été exposé au point 17 que les conclusions de l'ONIAM tendant à la condamnation de la société CNA Insurance Compagny Limited à lui verser la somme de 18 688,45 euros sont irrecevables. Par voie de conséquence, les conclusions de l'office tendant au bénéfice des intérêts légaux sur cette même somme et de la capitalisation des intérêts ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les frais d'expertise :

20. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " (...) l'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise ".

21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société CNA Insurance Compagny Limited les frais que l'ONIAM soutient avoir exposés au titre de l'expertise réalisée dans le cadre de la CCI.

Sur les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer :

22. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre.

23. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 9 à 11 que la société CNA Insurance Compagny Limited est seulement fondée à obtenir la décharge de l'obligation de payer à concurrence de la différence entre la somme de 18 688,45 euros et celle de 3 100 euros, que l'ONIAM est fondé à lui réclamer, soit la somme de 15 588, 45 euros.

Sur les frais de l'instance :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société CNA Insurance Compagny Limited, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'ONIAM au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros à verser à la société CNA Insurance Compagny Limited, au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.

Article 2 : La société CNA Insurance Compagny Limited est déchargée de l'obligation de payer la somme réclamée à hauteur de 15 588, 45 euros.

Article 3 : L'ONIAM versera à la société CNA Insurance Compagny Limited la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de l'appel incident de la société CNA Insurance Compagny Limited est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la société CNA Insurance Compagny Limited et à la caisse primaire d'assurance maladie

du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUXLe président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 21NC01342 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01342
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SCP NORMAND ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;21nc01342 ?
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