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28/05/2024 | FRANCE | N°23NC02728

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 28 mai 2024, 23NC02728


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 8 décembre 2020 par laquelle le directeur opérationnel de La Poste Lorraine a prononcé sa radiation des cadres.





Par un jugement n° 2100374 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision, a enjoint à La Poste de replacer Mme B... dans une position statutaire réglementaire et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compte

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 8 décembre 2020 par laquelle le directeur opérationnel de La Poste Lorraine a prononcé sa radiation des cadres.

Par un jugement n° 2100374 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision, a enjoint à La Poste de replacer Mme B... dans une position statutaire réglementaire et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de La Poste la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistré le 16 août 2023 et le 25 avril 2024, La Poste, représentée par Me Bellanger, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100374 du 22 juin 2023 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car il n'est pas établi que la minute soit signée ;

- le tribunal a fait une interprétation erronée de l'instruction CORP-DRHG-2017-154 du 13 octobre 2017 qui n'impose pas une obligation, ni un engagement complémentaire de La Poste, de réintégrer l'agent dans le périmètre géographique souhaité par celui-ci ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré qu'elle devait proposer à Mme B... le poste de responsable d'exploitation situé à Saint-Max :

. alors que dans son courrier du 27 septembre 2018, Mme B... a souhaité sa réintégration dans son " corps de métier " qui est celui de la branche " services-courrier-colis ", de " préférence à proximité de son domicile ", l'emploi localisé à Saint-Max qui relevait de la branche " réseau " ne correspondait pas à son corps de métier ni à sa branche de rattachement ;

. en tout état de cause, elle n'a manifesté son intérêt pour ce poste, qui n'était pas vacant mais juste " offert au recrutement ", qu'après avoir refusé quatre postes, de sorte que La Poste n'était pas tenue de lui proposer ce poste ;

. l'accord de Mme B... manifesté dans son courrier du 30 juin 2020 d'occuper un poste relevant d'autres branches que la sienne, dont la réception n'est au demeurant pas établie, est tardif car une quatrième proposition de poste avait déjà été effectuée par lettre du 16 juillet 2020 ;

- il appartenait à Mme B... d'attaquer l'illégalité supposée du refus de réintégration qui lui a été opposée le 19 octobre 2018 sur le poste de chargée de mission ressources humaines (RH) de niveau III.3 à Nancy, ce qu'elle n'a pas fait ; elle n'est donc, par suite, pas fondée à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision de licenciement ;

- l'auteur de l'acte était bien compétent contrairement aux allégations de Mme B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Tadic, conclut au rejet de la requête et à ce que La Poste soit condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par La Poste ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Cortes, représentant La Poste et de Me Tadic, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Madame B..., agent titulaire de niveau III.3 à La Poste, a bénéficié du 8 octobre 2016 au 7 octobre 2018 d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. Le 18 juin 2018, elle a sollicité sa réintégration à l'issue de sa disponibilité et a précisé dans un second courrier daté du 27 septembre 2018, qu'elle souhaitait une affectation proche de son domicile, à Ludres. Par courrier du 2 octobre 2018, la directrice des ressources humaines opérationnelles Lorraine Sud a proposé à Mme B..., dans le cadre de sa réintégration à la suite de sa disponibilité, un poste de chargée de mission ressources humaines (RH) de niveau III.3 à Nancy. Ce courrier indique que la réintégration ne pourra intervenir qu'après son acceptation et l'avis favorable du recruteur. Le même jour le médecin agréé l'a déclarée apte à la reprise de ses fonctions. Mme B... a accepté par coupon réponse sa réintégration sur ce poste. Par un courriel du 19 octobre 2018, sa candidature au poste de chargée de mission ressources humaines (RH) de niveau III.3 à Nancy a été refusée aux motifs suivants : " malgré l'expérience et les qualités que vous possédez, nous sommes au regret de vous informer que votre candidature n'a pas été retenue. Sachez que cette décision ne remet nullement en cause l'ensemble de vos compétences mais est davantage en rapport avec l'adéquation de votre candidature et les exigences de ce poste ". En réponse à ce courriel, Mme B... a fait part à La Poste, dès le 8 octobre 2018, de son interrogation quant au refus qui lui a été opposé alors que sa réintégration après disponibilité est un droit. Si un poste de responsable d'équipe de niveau III.2 à Metz lui a été proposé le 24 octobre 2018, elle l'a refusé au motif qu'il était d'un niveau inférieur à son grade. Faute de trouver un poste proche de son domicile et dans la filière RH dont elle était issue, des postes lui ont été proposés en fin d'année 2019 sur le territoire de la direction exécutive (DEX). Une première proposition de poste d'organisateur à Thionville lui a été adressée le 18 décembre 2019 qui a été refusée. Une deuxième offre, pour un poste d'organisateur à Strasbourg, lui a été proposée le 28 janvier 2020 mais elle l'a rejetée. Par courrier du 7 février 2020, Mme B... a été informée que le recruteur n'avait pas émis un avis favorable à sa réintégration en 2018 sur le poste de chargé de mission RH de niveau III.3 à Nancy au motif que le 2 octobre 2018 un nouveau maillage territorial des centres de services des ressources humaines (CSRH) a été annoncé modifiant leur nombre, les CSRH spécialisés se rattachant aux généralistes entrainant la suppression du CSRH de Nancy. Par courrier du 25 juin 2020, une troisième offre de poste d'organisateur courrier à Strasbourg a été proposée à Mme B..., qui l'a refusée. Par courrier du 30 juin 2020, Mme B... a fait état aux services de La Poste de l'entretien qu'elle a eu dans lequel ont été évoqués plusieurs postes plus proches de son domicile dont un à un niveau inférieur à Heillecourt qu'elle était prête à accepter. Une quatrième offre de poste de niveau III.3 à Mulhouse lui a été proposée en juillet 2020, qu'elle a refusée. Par courrier du 22 juillet 2020, Mme B... s'étonne de constater que la bourse aux emplois de La Poste propose des postes en Meurthe-Moselle alors qu'aucune proposition ne lui est faite dans ce secteur depuis deux ans y compris dans d'autres branches. Par une décision du 8 décembre 2020, le directeur opérationnel de La Poste a prononcé la radiation des cadres de Mme B... au motif des refus successifs qu'elle a opposés aux quatre postes proposés. Par un jugement du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 8 décembre 2020 et a enjoint à La Poste de replacer Mme B... dans une position statutaire réglementaire et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. La Poste relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation du jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, celle du rapporteur et celle du greffier d'audience. Dès lors, le moyen soulevé par La Poste et tiré de ce qu'en l'absence de ces signatures, ce jugement serait irrégulier, ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article 47 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions , dans sa version applicable au litige : " La mise en disponibilité est accordée de droit au fonctionnaire, sur sa demande : 1° Pour élever un enfant âgé de moins de huit ans, pour donner des soins à un enfant à charge, au conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, à un ascendant à la suite d'un accident ou d'une maladie grave ou atteint d'un handicap nécessitant la présence d'une tierce personne ; (...) ". Aux termes de l'article 49 du même décret : " (...) A l'issue de sa disponibilité, l'une des trois premières vacances dans son grade doit être proposée au fonctionnaire. S'il refuse successivement trois postes qui lui sont proposés, il peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. A l'issue de la disponibilité prévue aux 1°, 1° bis et 2° de l'article 47 du présent décret, le fonctionnaire est, par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, obligatoirement réintégré à la première vacance dans son corps d'origine et affecté à un emploi correspondant à son grade. S'il refuse le poste qui lui est assigné, les dispositions du précédent alinéa lui sont appliquées. Le fonctionnaire qui a formulé avant l'expiration de la période de mise en disponibilité une demande de réintégration est maintenu en disponibilité jusqu'à ce qu'un poste lui soit proposé dans les conditions fixées aux deux alinéas précédents. (... )".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'agent mis en disponibilité pour convenances personnelles a le droit, sous réserve de la vacance d'un emploi correspondant à son grade, d'obtenir sa réintégration à l'issue d'une période de disponibilité ou s'il la sollicite avant le terme normal de cette période. Si ces textes n'imposent pas à l'autorité dont relève le fonctionnaire de délai pour procéder à cette réintégration, celle-ci doit intervenir, en fonction des vacances d'emplois, dans un délai raisonnable. Il appartient à l'employeur de produire les éléments permettant au juge de constater l'absence de vacances de postes.

6. Enfin, selon l'article 3.2.1 du bulletin des ressources humaines du 13 novembre 2017 relatif à la gestion des fins de disponibilité des fonctionnaires de La Poste : " Un fonctionnaire en disponibilité ne peut exiger sa réintégration dans un NOD donné, mais il peut émettre des souhaits. (...) Si le fonctionnaire a précisé un ou plusieurs souhaits d'affectation, son gestionnaire, essaie, dans la mesure du possible, d'y apporter une réponse favorable. Pour cela, le service RH vérifie s'il existe un ou des emplois vacants correspondant au grade de l'intéressé, dans le périmètre géographique souhaité par le fonctionnaire, dans sa branche de rattachement, et disponible à une date proche de la date/période de sa réintégration. / Dans la négative, il est recommandé d'effectuer les mêmes recherches en direction des autres branches du même périmètre géographique. (...) ". Aux termes de l'article 3-2-2 du même bulletin : " Lorsque le fonctionnaire bénéficie d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de 8 ans (..) quatre propositions de postes doivent lui être faites, correspondant à son grade (...) ".

7. En premier lieu, il ressort des motifs du jugement contesté que, contrairement à ce qui est soutenu en appel par La Poste, les premiers juges n'ont pas considéré que La Poste avait obligation de réintégrer un agent à l'issue de sa période de disponibilité dans le secteur géographique de son choix en application de l'instruction CORP-DRHG-2017-154 du 13 novembre 2017.

8. En second lieu, La Poste fait valoir qu'elle n'avait pas à proposer à Mme B... le poste localisé sur la commune de Saint-Max au motif que cette dernière avait déjà refusé quatre postes et qu'il ne correspondait pas à sa branche " service-courrier-colis ". Il ressort toutefois des pièces du dossier que le poste de Saint-Max, publié à la bourse de l'emploi le 8 juillet 2020, soit avant que Mme B... ait refusé la quatrième proposition de poste qui lui avait été faite à Mulhouse, correspondait à son garde III-3 et se trouvait géographiquement très proche de son domicile. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier du 30 juin 2020 de Mme B..., que cette dernière avait exprimé son accord pour occuper un poste relevant d'autres branches que sa branche de rattachement, dans le périmètre géographique qu'elle souhaitait. Enfin, et quand bien même un poste ouvert au recrutement pourrait, dans certaines circonstances, ne pas être regardé comme un poste vacant, l'administration ne fait état d'aucune circonstance justifiant que ce poste sur la commune de Saint-Max ne pouvait pas, en l'espèce, être regardé comme vacant et qu'il n'ait pas été proposé à Mme B..., avant d'être proposé dans le cadre de la bourse pour l'emploi. Il ne saurait dès lors lui être reproché d'avoir refusé quatre emplois alors que ce poste, qui avait vocation à lui être proposé afin de procéder à sa réintégration, ne lui a pas été soumis.

9. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que La Poste a refusé la réintégration de Mme B... sur le poste de chargée de mission ressources humaines (RH) de niveau III.3 à Nancy qu'elle lui avait proposé, et que Mme B... avait accepté, au motif que son profil ne correspondait pas au poste, par un courriel du 19 octobre 2018. Toutefois, ce motif tiré de l'inadéquation du profil opposé à Mme B..., alors que celle-ci avait le grade correspondant à ce poste, n'est pas au nombre de ceux pouvant justifier la non réintégration. Si la Poste évoque la suppression de cet emploi, elle ne l'a fait pour la première fois que dans un courrier du 7 février 2020, et elle n'apporte pas d'éléments suffisamment probants pour démontrer que cette circonstance existait déjà lorsqu'elle a refusé ce poste à Mme B.... La requérante est ainsi fondée à soutenir qu'il ne pouvait lui être reproché d'avoir rejeté quatre propositions postes, puisqu'antérieurement elle avait accepté un poste qui lui avait été refusé, quand bien même elle n'a pas contesté au contentieux la décision refusant de l'affecter dans le poste de Nancy.

10. Dans ces conditions, La Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la décision du 8 décembre 2020 prononçant la radiation des cadres de Mme B... avait méconnu les dispositions précitées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 8 décembre 2020 prise à l'encontre de Mme B....

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la Poste, qui a la qualité de partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de La Poste est rejetée.

Article 2 : La Poste versera à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 23NC02728


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02728
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : HMS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;23nc02728 ?
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