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28/05/2024 | FRANCE | N°23NC01461

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 28 mai 2024, 23NC01461


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du

21 janvier 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé.





Par un jugement n° 2200246 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Besançon a, d'une part, annulé l'arrêté du 21 jan

vier 2022, et d'autre part, enjoint au préfet du Doubs de délivrer à

M. A... une carte de séjour temporaire portant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du

21 janvier 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé.

Par un jugement n° 2200246 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Besançon a, d'une part, annulé l'arrêté du 21 janvier 2022, et d'autre part, enjoint au préfet du Doubs de délivrer à

M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et de lui remettre, dans cette attente et sous un délai de quinze jours suivant cette même notification, une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 mai 2023, M. A..., représenté par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 3 mai 2022 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint, à titre principal, à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

2°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et le temps de la remise effective de ce titre, le maintien sous titre de séjour " salarié " ou, à titre subsidiaire, le maintien de ce titre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas tenu compte de la hiérarchisation des moyens développés en première instance et il dispose d'un réel intérêt à agir pour obtenir la remise d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " plutôt que " salarié " ;

- le caractère authentique des documents d'état civil produits et leur légalisation sont établis ;

- l'existence d'une fraude reste sans incidence sur la qualité de père d'un enfant français et ne fait pas obstacle à l'application des articles 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales permettant de l'admettre au séjour ;

- à titre principal, en application des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, il dispose d'un droit au séjour ;

- subsidiairement, la décision de refus de séjour est entachée d'erreur de droit en l'absence d'examen de sa situation au regard des critères de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui affirme être un ressortissant guinéen né le 17 mai 2002, est entré en France au mois de septembre 2018, selon ses déclarations. M. A... a sollicité son admission au séjour en se prévalant de sa qualité, d'une part, de parent d'enfant français et, d'autre part, d'ancien mineur étranger non accompagné, confié aux services de l'aide sociale à l'enfance entre seize et dix-huit ans. Par un arrêté du 21 janvier 2022, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer les titres de séjour sollicités et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en désignant la République de Guinée comme pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office à l'expiration de ce délai. Par un jugement du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Besançon a, d'une part, annulé l'arrêté du 21 janvier 2022 au motif que M. A... remplissait les conditions prévues par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'autre part, enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et de lui remettre, dans cette attente et sous un délai de quinze jours suivant cette même notification, une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail. M. A... relève appel de ce jugement uniquement en tant que le tribunal administratif de Besançon n'a pas fait droit à sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée. Statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale. Par suite, M. A..., qui indique uniquement que les premiers juges n'auraient pas tenu compte de la hiérarchisation de ses demandes, n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier pour ce motif.

Sur l'injonction prononcée par le tribunal administratif :

3. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.

4. En premier lieu, si M. A... est recevable à contester le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande, présentée à titre principal en première instance, tendant à ce qu'il soit enjoint à la délivrance d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", il ne peut toutefois utilement soulever, à hauteur d'appel, que des moyens qui seraient susceptibles de permettre une injonction à la délivrance d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ". Par suite, les moyens tirés de ce que l'intéressé établirait la véracité des informations relatives à son état civil, ou encore du défaut d'examen, de l'erreur de fait ou de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet du Doubs au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inopérants dans la mesure où ils ne peuvent conduire, s'ils sont accueillis, qu'à l'injonction au réexamen ou à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par conséquent, de tels moyens, à l'appui des conclusions d'appel de M. A..., doivent être écartés comme inopérants.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est père d'un enfant français, Patricia, née le 2 février 2021. A la date de l'arrêté litigieux, le juge des affaires familiales ne s'était pas prononcé sur la contribution de M. A... à son entretien, de sorte qu'il n'en était pas dispensé, ou sur son droit de visite et d'hébergement. Si M. A... produit des factures d'achat de langes, de jouets et de couches au titre de la période de novembre 2021 à janvier 2022, l'intéressé n'apporte cependant aucun élément permettant de justifier qu'il ait participé à l'entretien, à hauteur de ses moyens financiers, et à l'éducation de sa fille, antérieurement ou postérieurement à cette période. Par suite, dans la mesure où M. A... ne justifie avoir participé à la contribution à l'entretien et à l'éducation de sa fille qu'au titre d'une très brève période, ce que les relations conflictuelles avec la mère de son enfant ne sauraient à elles seules expliquer, le préfet du Doubs n'a pas méconnu les dispositions précitées en refusant de délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement en France au cours de l'année 2018. M. A... s'est séparé de la mère de sa fille en septembre 2021 et ne justifie pas, outre une intégration professionnelle réussie, de liens particulièrement intenses et stables sur le territoire français. En outre, M. A... n'établit pas avoir conservé des liens avec sa fille. Enfin, M. A... n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Doubs, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., qui, s'il s'y croit fondé, pourrait ultérieurement solliciter la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", aurait méconnu le droit de l'intéressé à mener une vie privée et familiale normale ou l'intérêt supérieur de son enfant.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par voie de conséquence, les conclusions de la requête présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : A.Samson-Dye

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 23NC01461


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01461
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;23nc01461 ?
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