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28/05/2024 | FRANCE | N°22NC03062

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 28 mai 2024, 22NC03062


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 3 juin 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de révocation.





Par un jugement n° 2101359 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté du 3 juin 2021, a enjoint au ministre de l'intérieur de réintégrer M. B... dans ses effectifs et de reconstituer sa carrière à compter de

la date d'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 juin 2021, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 3 juin 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de révocation.

Par un jugement n° 2101359 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté du 3 juin 2021, a enjoint au ministre de l'intérieur de réintégrer M. B... dans ses effectifs et de reconstituer sa carrière à compter de la date d'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 juin 2021, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et enfin a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101359 du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la sanction de révocation était disproportionnée aux manquements commis par M. B... ;

- la matérialité des faits reprochés, qui consistent essentiellement en des propos vexatoires, injurieux et racistes, est établie par les pièces du dossier, notamment par l'enquête administrative réalisée par l'inspection générale de la police nationale, retracée dans son rapport du 29 juillet 2019 ; M. B... ne conteste d'ailleurs pas sérieusement ces faits ;

- les circonstances que M. B... n'ait pas fait l'objet de procédure disciplinaire antérieure et que les faits se soient produits à l'intérieur du service sont sans incidence sur le comportement indigne de M. B... qui est censé servir les valeurs républicaines.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2023, M. B..., représenté par Me Woldanski, conclut au rejet de la requête et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'appel du ministre est irrecevable car il ne critique pas le jugement litigieux et n'invoque aucun moyen de droit à l'encontre de celui-ci ;

- l'administration n'indique pas en quoi le tribunal administratif aurait commis une erreur dans l'appréciation du dossier et plus particulièrement dans l'appréciation de la proportionnalité de la sanction ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis :

. aucune poursuite pénale n'a été engagée à son encontre par le procureur de la République ;

. alors qu'il est lui-même petit-fils d'un ressortissant algérien, il ne saurait être soupçonné de discrimination envers les personnes d'origine magrébine ;

. il produit de nombreux témoignages de personnes qui ont travaillé avec lui et qui soulignent ses qualités humaines et professionnelles ;

- la sanction de révocation est disproportionnée :

. alors que le commandant de police de l'inspection générale de la police nationale avait préconisé la sanction de blâme, le ministre lui a infligé la sanction de révocation ;

. ses états de service sont très bons et il n'a jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est fonctionnaire de police, brigadier-chef exerçant ses fonctions au sein de la circonscription interdépartementale de la sécurité publique de Montbéliard. Le 1er septembre 2017, une enquête administrative a été diligentée à son encontre, à la suite de rapports rédigés par deux brigadiers faisant état du comportement vexatoire de l'intéressé. La poursuite de l'enquête a ensuite été confiée à l'inspection générale de la police nationale (IGPN), dont le rapport a été rédigé le 29 juillet 2019. Par un arrêté du 3 juin 2021, le ministre de l'intérieur a prononcé la sanction de révocation à son encontre. Par un jugement du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 434-14 du code de la sécurité intérieure : " Le policier ou le gendarme est au service de la population. / Sa relation avec celle-ci est empreinte de courtoisie et requiert l'usage du vouvoiement. / Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d'une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération ". Aux termes de l'article R. 434-5 de ce code : " I. - Le policier ou le gendarme exécute loyalement et fidèlement les instructions et obéit de même aux ordres qu'il reçoit de l'autorité investie du pouvoir hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public (...) ". Selon l'article R. 434-27 du même code : " Tout manquement du policier ou du gendarme aux règles et principes définis par le présent code de déontologie l'expose à une sanction disciplinaire en application des règles propres à son statut, indépendamment des sanctions pénales encourues le cas échéant ". L'article 113-2 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale prévoit : " Les fonctionnaires actifs de la police nationale sont loyaux envers les institutions républicaines. Ils sont intègres et impartiaux. Ils ne se départissent de leur dignité en aucune circonstance. Placés au service du public, ils se comportent envers celui-ci d'une manière exemplaire. Ils portent une attention toute particulière aux victimes, conformément à la teneur de la charte dite de l'accueil du public et de l'assistance aux victimes. / Ils ont le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale, leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques ou leur orientation sexuelle ". Aux termes de l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, dont le contenu a été repris par l'article L. 533-1 du code général de la fonction publique : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes (...) Quatrième groupe : / (...) - la révocation ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport établi le 29 juillet 2019 par l'inspection générale de la police nationale ainsi que du procès-verbal de la séance du conseil de discipline du 10 septembre 2020, que M. B... a employé des termes racistes, injurieux et vexatoires à l'encontre de l'un de ses collègues placé sous son autorité, et qu'il a, par ailleurs, tenu des propos déplacés à connotation sexuelle à l'encontre de la fille de cet agent, alors âgée de cinq ans. Ces mêmes pièces font également état du comportement inapproprié de M. B... envers certaines de ses collègues féminines. M. B... a ainsi adopté, dans l'exercice de ses fonctions, un comportement inapproprié qui justifie le prononcé d'une sanction disciplinaire.

5. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que les faits reprochés à M. B... se sont principalement déroulés entre septembre et décembre 2017 et qu'à la suite de l'enquête administrative, son comportement s'est amélioré à partir de 2018, ainsi que cela ressort, notamment, de son évaluation professionnelle de l'année 2019. Par ailleurs, M. B..., qui a reçu plusieurs lettres de félicitations au cours de sa carrière professionnelle, n'a jamais fait auparavant l'objet d'une sanction disciplinaire. Dans ces conditions, et en dépit de la gravité des fautes commises, la sanction de la révocation prononcée à l'encontre de M. B... doit être regardée comme disproportionnée.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 3 juin 2021 par laquelle il a prononcé la sanction de révocation à l'encontre de M. B....

Sur les frais liés au litige :

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 22NC03062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC03062
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : WOLDANSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;22nc03062 ?
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