La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2024 | FRANCE | N°21NC02218

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 28 mai 2024, 21NC02218


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'EARL les Vins d'ABCD a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 2 mai 2019 par laquelle la directrice générale de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a oralement rejeté sa demande d'aide à l'investissement vitivinicole ainsi que la décision du 5 février 2020 rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 2000742 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Besançon a :<

br>


- annulé la décision verbale du 2 mai 2019, ainsi que la décision du 5 février 2020 reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL les Vins d'ABCD a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 2 mai 2019 par laquelle la directrice générale de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a oralement rejeté sa demande d'aide à l'investissement vitivinicole ainsi que la décision du 5 février 2020 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2000742 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Besançon a :

- annulé la décision verbale du 2 mai 2019, ainsi que la décision du 5 février 2020 rejetant le recours gracieux ;

- annulé la décision de la directrice générale de FranceAgriMer du 19 décembre 2019 en tant qu'elle n'a pas accordé à l'EARL les Vins d'ABCD un montant d'aide correspondant aux dépenses éligibles relatives à la " construction d'une cuverie " et à la " réalisation d'une maçonnerie sous un bâtiment industriel " ;

- enjoint à FranceAgriMer de procéder au réexamen de la demande de l'EARL les Vins d'ABCD dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

- mis à la charge de FranceAgriMer le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 juillet 2021 et 12 avril 2024, FranceAgriMer, représenté par Me Alibert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de l'EARL les Vins d'ABCD ;

3°) de mettre à la charge de l'EARL les Vins d'ABCD le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il n'est pas justifié de la signature de la minute ;

- le tribunal a statué ultra petita en annulant la décision du 19 décembre 2019, dont l'EARL les Vins d'ABCD n'avait pas demandé l'annulation ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée de ce que la prétendue décision du 2 mai 2019 constituait une simple prise de position provisoire ne faisant pas grief ; les conclusions dirigées contre le rejet du recours gracieux contre cette prétendue décision sont également irrecevables ;

- en admettant même que l'EARL demanderesse avait entendu contester la décision du 19 décembre 2019, ses conclusions sont tardives, alors que la décision comportait les voies et délais de recours ;

- le commencement d'exécution du projet, antérieur à la date d'autorisation de commencement des travaux, qui se manifestait par la signature de devis, méconnaît les conditions réglementaires d'octroi de l'aide aux programmes d'investissement, telles que définies par la décision du directeur général de FranceAgriMer n° INTV-GPASV-2018-39 du 8 octobre 2018, de sorte que les dépenses correspondant à ces travaux n'étaient pas éligibles à cette aide ; le défaut d'antériorité de la signature des devis n'est pas établi ; le directeur général de l'établissement avait compétence pour mettre en œuvre le programme d'aide aux investissements vitivinicoles et, par suite, pour fixer et préciser les conditions relatives à l'attribution de ces aides, et notamment celle relative à l'absence de tout commencement d'exécution ;

- les autres moyens invoqués en première instance ne sont pas fondés, ainsi qu'il le démontre dans ses écritures de première instance ;

- en réponse au moyen susceptible d'être relevé d'office, les conclusions dirigées contre la décision du 19 décembre 2019 sont irrecevables car nouvelles en appel.

Par des mémoires en défense enregistrés les 26 novembre 2021 et 15 avril 2024, l'EARL les Vins d'ABCD, représentée par Me Madoz, conclut :

- au rejet de la requête ;

- à l'annulation de la décision verbale du 2 mai 2019, de la décision du 5 février 2020 rejetant le recours gracieux, ainsi que de la décision du 19 décembre 2019 en tant qu'elle ne lui a pas accordé un montant d'aide correspondant aux dépenses éligibles relatives à la " construction d'une cuverie " et à la " réalisation d'une maçonnerie sous un bâtiment industriel " ;

- à ce qu'il soit enjoint à FranceAgriMer de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

- à ce que le versement d'une somme de 3 000 euros soit mis à la charge de FranceAgriMer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il appartient à la cour de vérifier que la minute du jugement est signée, le défaut de signature de l'ampliation étant sans incidence sur la régularité du jugement ;

- c'est sans statuer ultra petita que le tribunal a estimé qu'elle avait entendu contester la décision du 19 décembre 2019 ;

- elle était recevable à demander l'annulation de la décision du 5 février 2020 confirmant la décision orale du 2 mai 2019, et la décision écrite du 19 décembre 2019 ; une décision orale est susceptible d'être contestée au contentieux si elle fait grief, ce qui est le cas en l'espèce ;

- il n'est pas établi que ses conclusions contre la décision du 19 décembre 2019 seraient tardives ;

- elle a signé les devis sans les remettre aux entreprises, car lors d'un précédent contrôle, il lui avait été fait grief de ne pas avoir conservé de devis signés ; les devis ne portent pas les tampons des sociétés, ni de mention " bon pour accord et commande " ; il était acquis que son engagement ne serait ferme qu'après obtention d'un permis de construire et achat du terrain, intervenus les 30 juillet 2019 et 10 mai 2019 ; les devis ne sauraient valoir commencement des travaux puisqu'ils ont été annulés rétroactivement, de nouveaux devis ayant été signés le 29 juillet 2019 ; les travaux n'ont commencé effectivement qu'à partir d'août 2019 ; la décision du 8 octobre 2018 ne prévoit pas que la signature de devis puisse être assimilée au commencement des travaux, cette décision n'ayant pas compétence pour imposer une nouvelle condition d'instauration de l'aide ;

- en réponse au moyen susceptible d'être relevé d'office, la demande tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2019 n'est pas nouvelle en appel puisqu'elle a fait l'objet d'un débat contradictoire en première instance.

Par un courrier du 8 avril 2024, les parties ont été avisées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision de la directrice générale de FranceAgriMer en date du 19 décembre 2019, comme présentées pour la première fois en appel, si elle devait estimer que le tribunal n'avait pas été saisi de telles conclusions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés de produits agricoles, et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil ;

- le règlement délégué (UE) n° 2016/1149 de la Commission du 15 avril 2016 complétant le règlement (UE) n° 1308/2013 du Conseil du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les programmes nationaux de soutien au secteur vitivinicole, notamment son chapitre II ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2018-787 du 11 septembre 2018 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2019 à 2023 ;

- la décision du directeur général de FranceAgriMer INTV-GPASV-2018-39 du 8 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Degirmenci, pour FranceAgriMer.

Considérant ce qui suit :

1. L'EARL les Vins d'ABCD exploite, depuis 2005, un domaine viticole sur le territoire de la commune d'Arbois. Elle a demandé à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), le 22 février 2019, une aide financière pour réaliser des investissements, d'un montant total de 409 585,37 euros HT, pour la construction d'une nouvelle cuverie industrielle et divers équipements. Le 2 mai 2019, FranceAgriMer a accusé réception du dossier présenté par l'EARL et l'a autorisée à commencer les travaux à compter du 22 février 2019 tout en lui précisant que cette autorisation, délivrée sous réserve des vérifications ultérieures des conditions d'éligibilité lors de l'instruction du dossier, ne valait pas engagement financier de l'établissement. A la suite d'un appel téléphonique de l'EARL, les services de FranceAgriMer ont oralement porté à la connaissance de cette dernière, le 2 mai 2019, que les deux devis établis par les sociétés LC Béton Maçonnerie et ALD construction, les 8 et 12 février 2019, pour la " construction d'une cuverie " et la " réalisation d'une maçonnerie sous un bâtiment industriel ", d'un montant respectif de 286 116,12 euros HT et de 50 202,88 euros HT, n'étaient pas éligibles. Par un courrier daté du 5 mai 2019, notifié le 6 juin 2019, l'EARL les Vins d'ABCD a exercé un recours gracieux contre ce qu'elle présente comme une décision verbale. Par une décision du 19 décembre 2019, la directrice générale de FranceAgriMer a ensuite notifié à l'EARL les Vins d'ABCD une décision d'éligibilité à une aide pour un montant de 10 868,70 euros correspondant à 36 229 euros de dépenses éligibles pour le projet d'investissement précédemment mentionné. Enfin, par une décision du 5 février 2020, la directrice générale de FranceAgriMer a rejeté le recours gracieux de l'EARL.

2. Par un jugement du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Besançon a annulé les décisions du 2 mai 2019, du 5 février 2020, ainsi que la décision du 19 décembre 2019 en tant qu'elle n'a pas accordé à l'EARL Les Vins d'ABCD un montant d'aide correspondant aux dépenses éligibles relatives à la construction d'une cuverie et à la réalisation d'une maçonnerie sous un bâtiment industriel. Le tribunal a également enjoint à FranceAgriMer de procéder au réexamen de la demande de l'EARL les Vins d'ABCD et mis à la charge de FranceAgriMer le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation du jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, qui était également rapporteur, celle de l'assesseur le plus ancien et celle de la greffière d'audience. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'en l'absence de ces signatures, ce jugement serait irrégulier, ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance que l'EARL les Vins d'ABCD n'avait expressément sollicité l'annulation de la décision du 19 décembre 2019, ni dans sa demande, ni dans son mémoire complémentaire. La teneur de ses écritures ne permettait pas davantage de requalifier ces dernières comme demandant l'annulation de cette décision. FranceAgriMer est donc fondé à soutenir que le premier juge a annulé un acte dont l'annulation ne lui avait pas été demandée et que le jugement est irrégulier. Le jugement doit donc être annulé, en tant qu'il a annulé cette décision, et il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation dans la même mesure, et de se prononcer pour le surplus au titre de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la recevabilité des conclusions de l'EARL les Vins d'ABCD dirigées contre la décision du 19 décembre 2019 :

6. Lorsque des conclusions nouvelles présentées pour la première fois en cause d'appel sont de ce fait irrecevables, il appartient au juge d'appel de leur opposer cette irrecevabilité sauf à ce qu'il les rejette pour un autre motif. Il en va ainsi alors même que le juge d'appel serait appelé à statuer sur le litige qui lui est soumis par la voie de l'évocation après avoir annulé pour irrégularité le jugement de première instance.

7. Compte tenu de ce qui a été indiqué au point 5, les conclusions de l'EARL les Vins d'ABCD tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2019 sont nouvelles en appel et ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur la légalité des autres décisions litigieuses :

8. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret n° 2018-787 du 11 septembre 2018 : " Le programme d'aide national au secteur vitivinicole mentionné à l'article 39 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 (...) est mis en œuvre pour la période 2019-2023 par l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer). / A ce titre, (...) le directeur général de l'établissement détermine notamment, après avis du conseil spécialisé intéressé : / 1° Les modalités de demande des aides, les conditions d'éligibilité aux aides, la procédure et les critères de sélection des demandes, le montant des aides attribuables et leurs modalités de paiement ; / 2° Le cas échéant, le taux de réduction applicable aux aides, en fonction du taux de dépassement des crédits européens disponibles ; / 3° Les modalités de mise en œuvre des procédures de contrôle et de sanction en cas de non-respect du régime d'aide concerné ".

9. D'autre part, dans sa décision INTV-GPASV-2018-39 du 8 octobre 2018, prise en application du treizième alinéa de l'article D. 621-27 du code rural et de la pêche maritime, la directrice générale de FranceAgriMer a défini les modalités d'examen des demandes d'aide mentionnées au point 2 et fixé la procédure d'instruction des dossiers. Elle a ainsi indiqué, à l'article 3 de cette décision, que le bénéficiaire s'engage notamment à " ne donner aucun commencement d'exécution au projet pour lequel la subvention est sollicitée (signature de bon de commande, approbation de devis, ordre de service, acompte...) avant la date figurant sur l'accusé réception de la demande d'aide autorisant le démarrage des travaux (cf. article 5.3) " et, " lorsqu'un permis de construire est exigé par la réglementation ", à " présenter le récépissé de dépôt du permis de construire à la complétude de la demande d'aide et le permis de construire au dépôt de la demande de paiement ". Aux termes de l'article 5.3 de cette même décision, relatif à la " délivrance de l'autorisation de commencer les travaux " : " FranceAgriMer notifie au demandeur l'autorisation de commencer les travaux (ACT). / La date d'autorisation de commencement des travaux, qui sera reprise sur le courrier autorisant le commencement de travaux, correspond à la date de première finalisation du dossier dans le téléservice par le demandeur d'aide. / Cette notification ne vaut pas décision d'octroi de l'aide. Il est précisé au demandeur que le montant de l'aide accordée est plafonné au montant demandé. / Tout début d'exécution du projet (acceptation de devis, signature d'un bon de commande, d'un contrat de prêt type AGILOR, paiement d'un acompte ou signature d'un marché de travaux (ou contrat clef en main) par les parties dont le contenu équivaut à l'acceptation d'un devis, etc.) antérieur à la date précisée par FranceAgriMer dans sa notification rend la dépense concernée inéligible. Les éventuelles études préalables, nécessaires à la réalisation des travaux (études de sol, d'architecte, etc.) ne sont pas considérées comme un début d'exécution ".

10. La signature d'un devis doit être regardée, au sens et pour l'application de ces dispositions, comme un début d'exécution, qui ne peut intervenir qu'à compter de la date d'autorisation de commencement des travaux, sans que la circonstance que le devis n'ait pas été remis à l'entreprise avant cette date ait une incidence sur cette qualification. Il suit de là que FranceAgriMer est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le fait que les devis n'avaient pas été renvoyés aux entreprises impliquait que l'EARL les Vins d'ABCD n'avait formalisé aucun contrat ou autre document ayant la valeur d'une commande ferme et définitive, pour en déduire qu'il n'y avait pas eu commencement d'exécution, et pour annuler les décisions litigieuses.

11. Il appartient à la cour d'examiner, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les autres moyens invoqués par l'EARL les Vins d'ABCD devant le tribunal et la cour à l'encontre des décisions des 2 mai 2019 et du 5 février 2020.

12. En premier lieu, FranceAgriMer ayant la qualité d'organisme payeur, au sens du règlement précédemment mentionné, son directeur avait, en vertu des dispositions de l'article R. 621-27 du code rural et de la pêche maritime, compétence pour fixer, à l'attribution d'une subvention à l'investissement relevant du plan d'aide au secteur vitivinicole financé par le fonds européen agricole de garantie (FEAGA), la condition tenant à ce que la demande soit impérativement présentée avant tout début des travaux, ou pour préciser quels actes devaient être considérés comme assimilables à un début des travaux. Par ailleurs, alors même qu'il ne résulterait d'aucune disposition des règlements européens régissant ces aides ni d'aucune autre disposition du droit de l'Union européenne ayant effet direct et applicable aux aides en cause que le bénéfice de ces aides serait subordonné à l'absence de tout commencement d'exécution du projet à la date de la demande, aucune disposition du droit de l'Union ne faisait obstacle à ce qu'une disposition en ce sens soit prise par les autorités françaises pour assurer l'application de ces règlements, dans le respect des règles de répartition des compétences applicables en droit interne.

13. L'EARL les Vins d'ABCD n'est donc pas fondée à soutenir, par la voie de l'exception, que la décision du 8 octobre 2018 citée au point 9 est entachée d'incompétence en tant qu'elle édicte cette exigence. Il ressort par ailleurs clairement des termes de cette décision que FranceAgriMer a entendu assimiler à un début de commencement des travaux la validation de devis, et donc leur signature, sans conditionner cette qualification au fait que les devis signés par le pétitionnaire auraient été retournés aux entreprises, contrairement à ce que soutient l'EARL les Vins d'ABCD.

14. Il ressort des pièces du dossier que le représentant de l'EARL les Vins d'ABCD a signé des devis, qui avaient été édités par les entreprises prestataires les 8, 12 et 13 février 2019, en ajoutant la date manuscrite du 20 février 2019, antérieure à la date de commencement des travaux qui avait été fixée au 22 février 2019. Il a, ce faisant, procédé à une validation de devis assimilée à un début d'exécution des travaux, sans que l'EARL puisse utilement se prévaloir de la circonstance que la mention " bon pour accord et commande " apparaisse de manière imprimée et non manuscrite ou que les cachets des entreprises prestataires ne figurent pas à côté des signatures de ces dernières. S'il est vrai que l'EARL les Vins d'ABCD n'avait pas vocation à contracter des engagements fermes avant d'avoir acquis le terrain d'assiette du projet ou d'avoir obtenu le permis de construire correspondant, elle ne peut utilement invoquer de telles circonstances pour contester la matérialité de la validation des devis avant la date impartie. Est également sans incidence sur l'existence de cette validation le fait que l'un des prestataires indique qu'il restait dans l'attente, au 30 avril 2019, d'une commande définitive. Par ailleurs, si l'EARL les Vins d'ABCD allègue que les devis en question ont été annulés et ont disparu rétroactivement, une telle disparition ne saurait résulter du seul fait que de nouveaux devis ont été signés ultérieurement, en particulier en l'absence de toute précision en ce sens sur les devis en question. Il suit de là que c'est à bon droit que FranceAgriMer a pu estimer que les dépenses correspondant à ces devis n'étaient pas éligibles à l'aide sollicitée, en raison de l'existence d'une signature de devis antérieure à la date de commencement des travaux.

15. Il résulte de ce qui précède qu'aucun des moyens invoqués à l'encontre des décisions de FranceAgriMer des 2 mai 2019 et 5 février 2020 n'est fondé. FranceAgriMer est donc fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé ces décisions et à demander l'annulation du jugement attaqué, y compris en tant qu'il lui enjoint de réexaminer la demande d'aide de l'EARL les Vins d'ABCD et qu'il met à sa charge une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions de première instance de l'EARL les Vins d'ABCD contre ces décisions.

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de FranceAgriMer, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'EARL les Vins d'ABCD demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EARL les Vins d'ABCD le versement de la somme que FranceAgriMer demande sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2000742 du tribunal administratif de Besançon en date du 31 mai 2021 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance et les conclusions présentées devant la cour par l'EARL les Vins d'ABCD sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par FranceAgriMer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer et à l'EARL les Vins d'ABCD.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeL'assesseure la plus ancienne,

Signé : S. Roussaux

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 21NC02218


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02218
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : MADOZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;21nc02218 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award