La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2024 | FRANCE | N°23NC02477

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 16 mai 2024, 23NC02477


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel la préfète des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit.



Par un jugement n° 2300661 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



r>
Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 juillet 2023, 27 s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel la préfète des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit.

Par un jugement n° 2300661 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 juillet 2023, 27 septembre 2023 et 28 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Caglar, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel la préfète des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit ;

3°) d'enjoindre à titre principal à la préfète des Vosges de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer, durant cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation quant aux éléments de sa vie privée et familiale ;

- En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie, en méconnaissance de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifie de sa présence habituelle en France depuis le 23 septembre 2011, soit depuis plus de 10 ans ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'un vice de procédure ; alors que l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration impose à l'administration d'inviter tout demandeur à compléter sa demande lorsque celle-ci ne comporte pas l'ensemble des informations et pièces exigées, le préfet ne lui a pas demandé de compléter sa demande afin d'obtenir le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle sera annulée par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

-En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2023, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

-le requérant ne justifie pas de sa présence habituelle en France depuis le 23 septembre 2011, soit depuis plus de 10 ans ;

-il ne démontre pas avoir souscrit lors de son entrée en France alléguée le 23 septembre 2011, la déclaration prévue à l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 ;

-le visa Schengen lui a été délivré par les autorités italiennes ;

-il y a bien eu interruption du séjour en France car il est retourné en Turquie le 8 août 2019 afin d'y solliciter un visa long séjour valant titre de séjour auprès des autorités consulaires françaises en Turquie en qualité de conjoint de ressortissante française ;

-aucune pièce probante ne démontre une présence habituelle en France avant le 27 juin 2013, date de la signature de son contrat de travail ;

-aucune violation de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ne pourra être retenue au motif qu'aucune demande de pièces complémentaires ne lui a pas été demandée car l'emploi d'ores et déjà occupé par le requérant n'était pas autorisé et elle n'a donc fait que constater que le requérant ne détenait pas une autorisation de travail ;

-les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant turc né le 1er septembre 1989, a déclaré être entré en France le 23 septembre 2011. Le requérant a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en raison de son mariage avec une ressortissante française le 8 décembre 2018. Par une décision du 5 février 2019, le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer ce titre de séjour au motif que l'intéressé était entré irrégulièrement sur le territoire français sans être muni d'un visa de long séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit. M. A... est retourné en Turquie puis est de nouveau entré en France muni d'un visa de long séjour valant titre de séjour valable jusqu'au 28 août 2020. Il a ensuite été mis en possession d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 28 août 2022, dont il a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 24 janvier 2023, la préfète des Vosges a refusé de faire droit à la demande de renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle, a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 421-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit. M. A... relève appel du jugement n° 2300661 du 27 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement se prévaloir d'une erreur d'appréciation qu'auraient commis les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative :

1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ;

2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ;

3° Lorsqu'elle envisage de retirer le titre de séjour dans le cas prévu à l'article L. 423-19 ;

4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " (...) Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ".

4. Pour se prévaloir d'une présence habituelle en France depuis le 23 septembre 2011, M. A... produit une copie de son passeport comportant un tampon mentionnant une date du 23 septembre 2011, un article de presse de décembre 2011 et un extrait de compte facebook relatant l'arrivée d'un nouveau pizzaïolo, sans préciser de nom, au restaurant de son oncle, une facture d'achat de juillet 2012 et une convention bancaire du 16 décembre 2011. Toutefois, le tampon figurant sur son passeport est difficilement lisible et il n'émane pas des autorités françaises comme le soutient la préfète en défense, sans être contestée. Par ailleurs, les autres éléments produits par le requérant sont insuffisants pour justifier d'une résidence habituelle en France depuis le 23 septembre 2011 alors que l'ensemble des pièces produites démontrent au contraire une résidence habituelle en France à compter du 27 juin 2023, date à laquelle il a signé un contrat de travail et a perçu une rémunération. Par suite, la préfète des Vosges n'était pas tenue de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision attaquée et le moyen tiré du vice de procédure doit, dès lors, être écarté.

5. En deuxième lieu, le requérant reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par les premiers juges, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de la décision litigieuse sur sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit aux points 11 à 14 du jugement attaqué, par les premiers juges.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 433-1, elle est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. Lors du renouvellement suivant, s'il est toujours privé d'emploi, il est statué sur son droit au séjour pour une durée équivalente à celle des droits qu'il a acquis à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du code du travail ". Aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations (...) ".

7. Il ressort des termes de l'arrêté que le requérant a sollicité le 1er septembre 2022 le renouvellement de sa carte pluriannuelle de séjour qu'il avait obtenu le 28 août 2020 en sa qualité de conjoint de ressortissante française. Au cours de l'instruction de sa demande, il a informé la préfète qu'il avait finalement divorcé de son épouse, a communiqué une attestation notariale de divorce du 25 octobre 2021, un contrat de travail signé le 27 juin 2013 et trois fiches de paie au cours de l'année 2022. Dans ces conditions, le préfet a alors examiné son droit au séjour au regard de ces différents pièces.

8. Si le requérant fait valoir que la préfète a méconnu les dispositions de l'article L. 114-5 précité du code des relations entre le public et l'administration car elle ne lui a pas demandé de compléter sa demande afin qu'il puisse obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier que la préfète a relevé que si le requérant avait produit un contrat de travail et des bulletins de paie, il n'avait pas produit d'autorisation de travail visée par l'autorité administrative compétente. Contrairement à ce que soutient le requérant, en relevant qu'il n'avait pas produit une telle autorisation, la préfète n'a pas entendu lui opposer l'incomplétude de son dossier de demande de renouvellement de titre de séjour, mais a constaté qu'il ne détenait pas une autorisation de travail à la date de l'arrêté en litige et que par conséquent il ne pouvait pas se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 421-1 précité. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la préfète aurait méconnu les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, ni qu'elle aurait méconnu les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, le moyen tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

10. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 12 du jugement litigieux.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète des Vosges.

Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président,

- M. Barteaux, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC02477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02477
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CAGLAR

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;23nc02477 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award