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16/05/2024 | FRANCE | N°23NC02047

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 16 mai 2024, 23NC02047


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2203580, 2203581 du 20 déce

mbre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2203580, 2203581 du 20 décembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2023, M. B..., représenté par Me Caglar, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le tribunal n'a pas statué sur les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle, et s'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

- la décision est fondée sur une décision elle-même illégale ;

S'agissant la décision fixant le pays de destination :

- la décision est fondée sur une décision elle-même illégale ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est fondée sur une décision elle-même illégale ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des critères posés par ces dispositions.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2023, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête de M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Peton, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né en 1996, est entré en France en 2015 sous couvert d'un visa touristique. Par un arrêté du 9 décembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 20 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. M. B... soutient que les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle et, s'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, de tels moyens ne figurent pas dans la requête enregistrée par le tribunal le 10 décembre 2022 à l'encontre de l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...)° ".

4. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition par les services de police, M. B... a déclaré être célibataire et sans enfant, être entré en France pour rejoindre trois de ses frères et sa sœur en situation régulière sur le territoire français et avoir suivi des études en France jusqu'en 2020. L'intéressé soutient que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle dès lors qu'il est entré régulièrement en France pour rejoindre des membres de sa famille en situation régulière, qu'il entretient une relation avec une ressortissante française et qu'il travaille. Toutefois, M. B... est entré en France à l'âge de dix-neuf ans après avoir toujours vécu dans son pays d'origine et il se maintient irrégulièrement sur le territoire français depuis 2015. Il n'établit pas l'intensité de ses liens familiaux en France ni même de sa relation avec une ressortissante française. Sa mère se maintient elle-même irrégulièrement sur le territoire français. Dans ces conditions, et en dépit de l'activité professionnelle du requérant pour des sociétés de travail intérimaire démontrant une certaine capacité d'intégration en France, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé.

6. En second lieu, le fait que l'arrêté litigieux mentionne que M. B... est célibataire et sans enfant sans préciser la présence d'autres membres de sa famille en France n'est pas de nature à révéler un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle dès lors qu'il ressort des mentions du procès-verbal que le requérant s'est déclaré célibataire. La circonstance qu'il a rejoint sa famille en France, a occupé plusieurs emplois, est inscrit à un club de football, si elle démontre une capacité d'intégration, ne permet pas d'établir que le préfet, qui a mentionné dans la décision litigieuse l'ensemble des éléments relatifs à sa situation personnelle et administrative au regard des éléments portés à sa connaissance, serait entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

En ce qui concerna la décision fixant le pays de destination :

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. En premier lieu, M. B... n'établit pas, ainsi qu'il vient d'être dit, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire. Par suite, il n'est pas fondé à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France de l'intéressé.

12. D'une part, la décision attaquée comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'avait pas obligation de faire référence à la notion d'ordre public ni à une précédente mesure d'éloignement dès lors qu'il n'a pas retenu cette circonstance au nombre des motifs de sa décision. L'arrêté en litige est, par suite, suffisamment motivé et le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant interdiction de retour ne peut qu'être écarté.

13. D'autre part, pour prendre la décision litigieuse, le préfet de Meurthe-et-Moselle a précisé que le requérant ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire particulière, et a tenu compte de son entrée récente sur le territoire français et de son maintien en situation irrégulière sans engager de démarches nécessaires à sa régularisation, ainsi que de la nature de ses liens en France justifiant qu'il ne soit pas prononcé à son encontre une décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Si le requérant fait valoir sa durée de présence en France, la présence de membres de sa famille et son activité professionnelle, ces considérations ne constituent pas des circonstances humanitaires ayant pu faire obstacle au prononcé de la mesure en litige ni ne sont de nature à démontrer qu'en fixant à deux années la durée de l'interdiction le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait méconnu les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou commis une erreur d'appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024.

La rapporteure,

Signé : N. Peton Le président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC02047


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02047
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : CAGLAR

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;23nc02047 ?
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