Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 22 février 2023 par lequel la préfète de la Meuse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence dans le département de la Meuse à compter du 22 février 2023 avec obligation de se présenter les lundis et jeudis entre 8 heures 30 et 9 heures 30 au commissariat de police de Bar-le-Duc, d'enjoindre à la préfète de la Meuse de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travailler et subsidiairement de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2300612 du 2 mars 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juin 2023, M. A... D..., représenté par Me Levy-Cyferman demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2023 par lequel la préfète de la Meuse lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence dans le département de la Meuse à compter du 22 février 2023 avec obligation de se présenter les lundis et jeudis entre 8 heures 30 et 9 heures 30 au commissariat de police de Bar-le-Duc ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Meuse de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travailler, subsidiairement de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français et le moyen tiré de ce que la préfète de la Meuse n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale par la décision fixant le pays de renvoi ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en fait et en droit ; la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ; elle est entachée de vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations préalables, en méconnaissance du principe du contradictoire ; l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu tel que défini par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'arrêté est entaché d'incompétence ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est contraire à l'article 7 de la direction 2008/115/CE et à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la préfète a commis une erreur de droit en s'estimant à tort en situation de compétence liée pour refuser de lui accorder un délai de départ volontaire ;
- l'obligation de quitter le territoire français et la décision d'assignation à résidence sont fondées sur une décision de refus de titre de séjour illégale.
La préfète de la Meuse a présenté un mémoire en défense enregistré le 19 septembre 2023 par lequel elle conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Guidi, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., né le 14 septembre 1965, ressortissant congolais, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 2 janvier 2021 pour y solliciter l'asile. Par une décision du 7 juin 2021 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) confirmée par une décision du 10 décembre 2021 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), sa demande d'asile a été rejetée. Par un arrêté du 28 janvier 2022, confirmé par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 mai 2022, le préfet de la Moselle a fait obligation à M. D... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un arrêté en date du 22 février 2023, la préfète de la Meuse lui a à nouveau fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence dans le département de la Meuse avec obligation de se présenter les lundis et jeudis entre 8 heures 30 et 9 heures 30 au commissariat de police de Bar-le-Duc. M. D... relève appel du jugement du 2 mars 2023, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions contestées :
2. En premier lieu, par un arrêté du 13 octobre 2021, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, la préfète de la Meuse a donné délégation à M. Robbe-Grillet, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer notamment les décisions en matière d'éloignement des étrangers. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit, dès lors, être écarté.
3. En deuxième lieu, les décisions attaquées mentionnent l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il ne ressort pas des termes des décisions attaquées que la préfète de la Meuse n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D... avant de prendre les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces décisions doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, la procédure contradictoire préalable prévue par les dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable aux décisions énonçant une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par suite, M. D... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions.
5. En deuxième lieu, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. D... a été informé qu'il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avant que la mesure d'éloignement ne soit prononcée et a pu présenter sur sa situation les observations qu'il estimait utiles. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
7. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soulevé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français dont M. D... fait l'objet est inopérant et doit, dès lors, être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré en France en 2021 et a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 56 ans. S'il soutient qu'il est marié et père de quatre enfants et que son épouse, Mme C... B..., ressortissante congolaise réside régulièrement en France, la seule production d'une attestation EDF datée de janvier 2023 ne permet cependant pas d'établir la réalité de leur communauté de vie depuis son entrée en France. Par ailleurs, si M. D... produit des éléments établissant qu'il est présent pour ses enfants, les accompagne à l'école et lors de leur suivi médical, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a vécu séparé de sa famille depuis 2010. Par suite, la décision attaquée ne saurait être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté.
10. En dernier lieu, en l'absence de décision de refus de titre de séjour fondant l'obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l'exception d'illégalité ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
11. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ".
12. Il ne ressort pas de la décision attaquée, ni des pièces du dossier, que la préfète de la Meuse aurait méconnu la directive 2008/115/CE susvisée ou les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en s'estimant à tort en situation de compétence liée pour ne pas accorder au requérant un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. En outre, le requérant ne se prévaut d'aucune circonstance exceptionnelle de nature à justifier que son délai de départ volontaire soit prolongé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou à des traitements inhumains ou dégradants ".
14. M. D... allègue qu'en cas de renvoi dans son pays d'origine, il encourt un risque de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son action politique. Toutefois, il ne produit aucun élément probant permettant d'établir qu'il est personnellement exposé à un risque réel, actuel et sérieux pour sa vie ou sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine et ce alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et la CNDA. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse a méconnu les stipulations précitées.
En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision portant assignation à résidence :
15. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision portant assignation à résidence.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 mars 2023. Ses conclusions à fin d'injonction et tendant à ce que les frais de l'instance soient mis à la charge de l'Etat doivent par conséquent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Meuse.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024.
La rapporteure,
Signé : L. GuidiLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 23NC02034