La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2024 | FRANCE | N°22NC02244

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 16 mai 2024, 22NC02244


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 20 avril 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2203393 du 26 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.





Procédure devant l

a cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 août 2022 et le 6 octobre 2022, M. A..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 20 avril 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2203393 du 26 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 août 2022 et le 6 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Castejon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 juillet 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 avril 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à titre principal à toute autorité administrative compétente de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous une astreinte de 150 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cette attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler sous une astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de fait car il n'a pas pris en compte les nombreuses pièces produites à l'instance ;

- l'arrêté préfectoral est entaché d'insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du même code et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

. il justifie d'un séjour continu en France depuis son entrée sur le territoire en 2014 ;

. il a fixé le centre de sa vie familiale en France ; il est marié depuis le 23 janvier 2021 avec une ressortissante française avec laquelle il réside et ils sont parents d'un enfant de nationalité française né le 11 juin 2022 ;

. il est intégré socialement et professionnellement ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant car il sera séparé de son enfant en cas d'exécution de la décision litigieuse.

Le préfet du Val d'Oise, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant indien né le 6 septembre 1984, est entré sur le territoire français le 27 mai 2014 sous couvert d'un visa long séjour. Il a sollicité le 14 juin 2021 son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 avril 2022, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement n° 2203393 du 26 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 avril 2022 :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces versées au dossier que M. A... est entré régulièrement en France le 27 mai 2014. Il est marié depuis le 23 janvier 2021 avec une ressortissante française et ils sont parents d'un enfant français né le 11 juin 2022, soit deux mois après la décision litigieuse. Par ailleurs, le requérant produit de nombreuses attestations selon lesquelles il est bien intégré et notamment une émanant du maire de Colmar, ainsi que de nombreuses fiches de paie démontrant qu'il est en mesure de s'insérer professionnellement. Son épouse a également rédigé une attestation très circonstanciée selon laquelle son époux n'a jamais eu de comportement violent ni agressif envers elle et qu'il est bien intégré au sein de la société française. Si M. A... a été condamné par le tribunal de grande instance de Pontoise le 29 septembre 2017 à quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis pour menace de mort réitérée commise par une personne étant ou ayant été conjoint concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, violence suivie d'incapacité supérieure à huit jours, agression sexuelle, par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et a été incarcéré du 2 mai 2015 au 3 mai 2016, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il aurait depuis 2015 commis un autre fait pénalement répréhensible. Ainsi, et quand bien même le requérant a fait l'objet d'une condamnation pénale, la décision de refus de titre de séjour a, dans les circonstances très particulières de l'espèce et en l'absence de toute défense de la part du préfet, tant en première instance qu'en appel, porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et doit être annulée pour ce motif ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

4. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. A... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet territorialement compétent de délivrer ce titre à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2203393 du 26 juillet 2022 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 20 avril 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président,

- M. Barteaux, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 22NC02244


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02244
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CASTEJON

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;22nc02244 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award