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16/05/2024 | FRANCE | N°21NC01699

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 16 mai 2024, 21NC01699


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 8 août 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour inaptitude, ensemble la décision du 27 janvier 2020 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n

° 2001741 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la requête de Mme A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 8 août 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour inaptitude, ensemble la décision du 27 janvier 2020 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2001741 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la requête de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Bon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 mai 2021 ;

2°) d'annuler la décision par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour inaptitude ainsi que la décision de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 8 aout 2019 de l'inspecteur du travail est insuffisamment motivée dès lors que l'inspecteur du travail ne justifie pas de l'absence de lien entre le licenciement et le mandat exercé par la salariée ;

- la compétence territoriale de l'enquêteur n'est pas établie ;

- la décision du 21 janvier 2020 de la ministre du travail est irrégulière dès lors que l'agent qui a instruit le recours hiérarchique n'est pas celui qui a pris la décision ;

- le tribunal administratif aurait dû vérifier la légalité externe de la décision de la ministre du travail ;

- son licenciement est en lien avec son mandat dès lors qu'elle a fait l'objet d'un traitement discriminatoire dans la procédure de reclassement.

Par un mémoire enregistré le 21 septembre 2021, la société Sodexo Santé Médico Social, représentée par Me Serre, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 9 janvier 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton, première conseillère,

- les conclusions de Mme D..., raporteure publique ;

- et les observations de Me Bon, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... qui exerçait en dernier lieu les fonctions d'assistante d'exploitation, travaillait au sein de la société Sodexo Santé Médico Social depuis janvier 2010 où elle a successivement été second de cuisine puis chef de cuisine. Mme A... était par ailleurs représentante du personnel au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail et bénéficiait à ce titre du statut de salarié protégé. Sollicité par la société Sodexo Santé Médico Social, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement pour inaptitude de Mme A... par une décision du 8 août 2019. La salariée a formé un recours hiérarchique devant la ministre du travail qui a confirmé la décision le 27 janvier 2020. Mme A... relève appel du jugement du 25 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) ". Et aux termes de l'article R. 2421-7 du même code : " L'inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre, examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé. ".

3. En l'espèce, il ressort des termes de la décision attaquée que les considérations de droit qui en constituent le fondement sont précisées, et en particulier les dispositions pertinentes du code du travail. S'agissant de la situation de Mme A..., la décision indique le mandat exercé, les différents éléments permettant de s'assurer du respect des règles procédurales, les éléments relatifs à l'inaptitude médicale de la salariée et relève que la demande de licenciement ne présente pas de lien avec le mandat exercé par cette dernière. En conséquence, la décision comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La justification pour laquelle l'inspecteur du travail a estimé que le licenciement ne présente pas de lien avec le mandat exercé, outre qu'elle relève du bien-fondé de la décision et non de sa motivation, n'a pas nécessairement à être mentionnée dans une telle décision. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " (...) / La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'inspecteur du travail compétent pour se prononcer sur une demande d'autorisation de licencier un salarié protégé est celui dans le ressort duquel se trouve l'établissement disposant d'une autonomie de gestion suffisante où le salarié est affecté ou rattaché.

5. Il ressort des pièces du dossier que le site sur lequel travaillait Mme A... relevait de la direction Nord Est de la société Sodexo Santé Médico Social dont le comité d'établissement est situé à Maxéville. En l'espèce, un arrêté n° 2018-15 du 26 mars 2018 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Grand Est portant localisation et délimitation des unités de contrôle et des sections d'inspection du travail du département de la Meurthe-et-Moselle, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de Meurthe-et-Moselle n° 18 du 30 mars 2018, prévoit que les entreprises dont le siège du comité d'établissement est situé à Maxéville relèvent de la 5ème section de l'Unité de Contrôle 1 de Meurthe-et-Moselle. Et en vertu d'un second arrêté n° 2018-07 du 14 août 2018 du directeur régional adjoint des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est, responsable de l'Unité Départementale de Meurthe-et-Moselle et portant affectation des agents de contrôle dans les unités de contrôle et gestion des intérims, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 42 du 16 août 2018, M. B..., inspecteur du travail, est chargé des actions d'inspection de la législation du travail dans les entreprises relevant de la 5ème section de l'unité de contrôle Ouest du département. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la compétence territoriale de M. B... n'est pas justifiée dès lors que les actes fondant cette compétence sont régulièrement publiés et librement accessibles.

6. En troisième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude du salarié, il appartient à l'administration de rechercher si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé sans rechercher la cause de cette inaptitude. Toutefois, il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale. Par suite, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée. Le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives est à cet égard de nature à révéler l'existence d'un tel rapport.

7. En l'espèce, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude le 15 janvier 2019 précisant que " l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi " à la suite duquel la société Sodexo a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement. Mme A... soutient que ce licenciement est en rapport avec son mandat de représentante du personnel au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail. Il est constant que Mme A... a dans un premier temps été déclarée inapte à son poste le 20 janvier 2014 et que son employeur ne l'a reclassée que le 1er janvier 2017 après une proposition de poste le 10 mai 2016 d'une part et a tardé à aménager le nouveau poste de travail au handicap de sa salariée d'autre part. Toutefois, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que cette carence de l'employeur serait en lien avec les fonctions représentatives de Mme A.... Ensuite, s'il apparait qu'il existait des relations conflictuelles depuis la fin de l'année 2017 au sein du service dans lequel Mme A... exerçait son activité, de telles difficultés étaient liées à des difficultés personnelles et sans lien avec le mandat de Mme A.... Enfin, Mme A... soutient que lors de son mandat de délégué du personnel entre 2012 et 2016, la société Sodexo n'a organisé aucune réunion mensuelle en toute méconnaissance des dispositions du code du travail. Toutefois, ces allégations ne sont assorties d'aucune précision qui permettrait d'établir un lien entre le mandat de la salariée et la demande d'autorisation de licenciement présentée en 2019. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision autorisant le licenciement serait entachée d'une erreur d'appréciation au motif qu'il existerait un lien entre la procédure et le mandat doit être écarté.

8. En dernier lieu, lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision de l'inspecteur du travail statuant sur la demande d'autorisation de licenciement formée par l'employeur, sa décision ne se substitue pas à celle de l'inspecteur. Par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l'annulation de celle de l'inspecteur, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués au soutien des conclusions dirigées contre cette décision. En conséquence, le moyen tiré de ce que la décision du 27 janvier 2020 de la ministre du travail a été prise au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté comme inopérant.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y pas a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par la société Sodexo Santé Médico Social au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Sodexo Santé Médico-Social sur le fondement de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à la société Sodexo Santé Médico-Social et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2024.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N°21NC01699002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01699
Date de la décision : 16/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : OX

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-16;21nc01699 ?
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