Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 29 octobre 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Sundhoffen a approuvé son plan local d'urbanisme (PLU), en tant que ce plan classe en zone agricole les parcelles cadastrées section 55 n° 21 à 26, ainsi que la décision par laquelle le maire a implicitement rejeté son recours gracieux effectué le 20 décembre 2019.
Par un jugement n° 2002738 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande et mis à sa charge le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 juillet 2021 et le 22 février 2022, M. D..., représenté par Me André, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juin 2021 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la délibération du 29 octobre 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Sundhoffen a approuvé son plan local d'urbanisme, en tant qu'il classe en zone agricole les parcelles cadastrées section 55 n° 21 à 26, ainsi que la décision par laquelle le maire a implicitement rejeté son recours gracieux effectué le 20 décembre 2019 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Sundhoffen une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'est pas établi que le conseil municipal ait délibéré sur les objectifs poursuivis par la révision du plan d'occupation des sols et sa transformation en PLU, conformément à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ;
- les documents ont été transmis tardivement aux conseillers municipaux par le bureau d'études ; en outre, les documents de travail fournis étaient erronés dans la mesure où ils présentaient la zone concernée comme non urbanisée contrairement au plan d'occupation des sols alors en vigueur ;
- le classement de ses parcelles est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, la partie de ces terrains côté route a toujours été constructible, des permis de construire ayant d'ailleurs été accordés pour des constructions directement voisines dès 1977 ; ces parcelles étaient classées en zone UB dans le cadre du plan d'occupation des sols antérieur ; par ailleurs, le déclassement entraînerait une dent creuse ; l'implantation dans la zone artisanale à l'est de l'entreprise Armbruster soumise au régime des installations classées, et entraînant l'application de règles de distance avec les zones d'habitation et générant des nuisances potentielles, est sans emport, puisque de nombreuses maisons d'habitations jouxtent la parcelle occupée par la société, qui n'est qu'une entreprise de commerce de gros de céréales et de semences ; il n'a jamais été question, dans le cadre des orientations du PLU, de réduire les zones à urbaniser ; le conseil municipal a commis une erreur d'appréciation dans la mesure où il n'était pas informé du fait que les parcelles en cause étaient déjà en zone UB ; ses parcelles sont à proximité immédiate de tous les réseaux, de sorte qu'elles remplissent les conditions définies dans le PLU pour les zones constructibles ; le commissaire enquêteur avait d'ailleurs rendu un avis défavorable à la modification du classement des parcelles en rappelant que ces dernières étaient jusqu'alors classées en zone UB et que la construction de maisons d'habitation ne créerait pas de désharmonie du paysage urbain ;
- le classement procède d'un détournement de pouvoir ; certaines propriétés sont restées incluses dans le secteur UB alors qu'il s'agit de protubérances, et qu'elles sont entourées de champs sur trois côtés, appartenant pour l'une d'elles au frère du maire ; un autre propriétaire, par ailleurs membre du conseil municipal, a vu sa demande d'extension de la zone agricole constructible sur sa parcelle satisfaite malgré le souci affiché de ne pas étendre les limites constructibles ; de nombreuses zones au nord-ouest ont été classées en zone UB alors qu'elles étaient classées en zone Na auparavant.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 août 2021, le 13 décembre 2021 et le 21 septembre 2022, la commune de Sundhoffen, représentée par Me Muller-Pistre, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la délibération devant contenir les mentions relatives aux objectifs poursuivis et aux modalités de la concertation est celle prescrivant l'élaboration du PLU et non celle portant approbation du PLU et tel est le cas de la délibération afférente du 26 janvier 2015 ;
- le requérant n'établit pas que les documents du bureau d'études auraient été fournis tardivement aux conseillers municipaux par les seules allégations d'un conseiller municipal ; ils ne contenaient par ailleurs aucune inexactitude ;
- le requérant n'est pas fondé à se prévaloir du classement antérieur de ses parcelles en zone UB, ces dernières n'ont d'ailleurs jamais fait l'objet d'une demande d'autorisation d'urbanisme, ni d'un certificat d'urbanisme ; elles ne sont pas entourées de construction, de sorte que leur classement en zone agricole n'aura pas pour effet de créer une dent creuse ; l'avis du commissaire enquêteur ne lie pas l'autorité compétente ; le classement en zone A des parcelles du requérant répond à l'objectif fixé au sein du projet d'aménagement et de développement durable " Préserver les qualités environnementales du territoire " et à son orientation n° 1 " Limiter la consommation d'espaces agricoles et naturels " ainsi qu'à son orientation n° 4 prévoyant la prise en compte des risques naturels et technologiques ;
- le requérant ne démontre pas que les choix opérés auraient été fondés sur des considérations étrangères à l'intérêt urbanistique de la commune.
Par un mémoire enregistré le 3 avril 2023, Mmes F... D... épouse E..., Sylvie D... épouse A... et Jackie D... épouse C..., en leur qualité d'héritières de leur père M. B... D... décédé le 2 janvier 2023, déclarent reprendre l'instance.
Elles concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et portent le montant sollicité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la somme de 2 500 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer,
- et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 26 janvier 2015, le conseil municipal de Sundhoffen a prescrit la révision du plan d'occupation des sols de la commune en plan local d'urbanisme. Une enquête publique s'est déroulée du 26 octobre 2017 au 27 novembre 2017. Par une délibération du 29 octobre 2019, le conseil municipal a approuvé le plan local d'urbanisme. M. B... D..., propriétaire des parcelles cadastrées section 55 n° 21 à 26, antérieurement classées en secteur constructible, a formé un recours gracieux contestant leur nouveau classement en zone agricole, lequel a été implicitement rejeté. Par un jugement du 10 juin 2021, dont l'intéressé relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la délibération du 29 octobre 2019 en tant que le plan local d'urbanisme qu'elle approuve modifie le classement de ses parcelles, ensemble la décision implicite de rejet de son recours. M. D... étant décédé en cours d'instance le 2 janvier 2023, ses filles et ayants droit, Mmes F... D... épouse E..., Sylvie D... épouse A... et Jackie D... épouse C... ont déclaré reprendre l'instance.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " I. ' Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : 1° L'élaboration ou la révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme ; (...) II. ' Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont précisés par : 2° L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement public dans les autres cas (...) ".
3. Si les requérantes soutiennent qu'il n'est pas établi que la délibération prescrivant la révision du plan d'occupation des sols et sa transformation en PLU se soit prononcée sur les objectifs poursuivis, le moyen tiré de l'illégalité de cette délibération qui porte, d'une part, sur les objectifs, au moins dans leurs grandes lignes, poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme et, d'autre part, sur les modalités de la concertation avec les habitants et les associations locales ne peut, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoqué contre la délibération approuvant le PLU. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté comme inopérant, alors en tout état de cause qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération du 26 janvier 2015 a fixé lesdits objectifs de cette révision.
4. En deuxième lieu, la remarque peu précise d'un conseiller municipal portée au procès-verbal de la séance du 10 juillet 2017 ne suffit pas à établir que la transmission aux membres du conseil municipal des documents nécessaires préalablement à cette séance, au cours de laquelle a été adoptée la délibération tirant le bilan de la concertation et arrêtant le projet de PLU, ait été tardive. Par ailleurs, la carte jointe à ces documents et identifiant le périmètre urbanisé n'est pas entachée d'inexactitude du fait de l'absence d'inclusion, dans ce périmètre, des parcelles de feu M. D..., dont il est constant que, bien que situées en zone constructible dans le plan d'occupation des sols antérieur, elles n'étaient cependant pas construites. Le moyen tiré de l'illégalité de la consultation des conseillers municipaux lors de la séance du 10 juillet 2017, qui n'est au demeurant pas celle approuvant le projet de PLU, ne peut donc, en tout état de cause, qu'être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. (...) ". L'article 12 du décret n° 2015-1783 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme dispose que : " VI. - Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d'urbanisme dont l'élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016 ". Aux termes de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme, ainsi applicable à l'élaboration du plan local d'urbanisme en litige : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. En zone A peuvent seules être autorisées : ' les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ; ' les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) ".
6. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
7. Ainsi que l'a relevé le tribunal, il ressort des pièces du dossier, notamment du plan d'aménagement et de développement durable et du rapport de présentation du plan local d'urbanisme, que les auteurs de ce document d'urbanisme ont souhaité favoriser une reprise démographique tout en préservant le cadre rural du village et en valorisant les espaces agricoles. A cet égard, si un besoin de 150 à 160 nouveaux logements a été identifié, sa satisfaction a été prévue dans le cadre de la densification de l'enveloppe urbaine existante, au sud de la voie ferrée, par la réhabilitation de logements, l'utilisation de logements vacants et l'investissement des dents creuses. Or, les parcelles litigieuses sont situées dans une vaste zone de champs délimitée au sud par la voie ferrée et à l'est par une route, dans laquelle sont seulement implantées deux habitations, qui jouxtent les parcelles litigieuses au nord. Si une entreprise soumise à la législation des installations classées est par ailleurs implantée sur le côté ouest de la route, face à ces parcelles, les auteurs du PLU ont entendu intégrer le risque technologique en limitant les possibilités d'extension à vocation résidentielle à proximité du site. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que ces parcelles n'ont jamais fait l'objet d'aucun projet de construction et sont d'ailleurs exploitées actuellement par un agriculteur.
8. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a écarté le moyen tiré de ce que le classement des parcelles des requérantes serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. En dernier lieu, la seule circonstance, à la supposer établie, que d'autres propriétaires aient vu leurs demandes de classement de leurs parcelles satisfaites ne sauraient suffire à démontrer un détournement de pouvoir dans le classement des parcelles de feu M. D..., alors qu'il n'apparaît pas que les choix opérés auraient été fondés sur des considérations étrangères à l'intérêt urbanistique de la commune. Il s'ensuit que ce moyen ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E..., Mme A... et Mme C..., en leur qualité d'ayants droit de M. D..., ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions relatives au classement en zone agricole des parcelles de feu leur père.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les conclusions présentées à ce titre par les requérantes, qui sont les parties perdantes dans la présente instance, doivent être rejetées.
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Sundhoffen.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E..., Mme A... et Mme C..., en leur qualité d'ayants droit de M. D..., est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Sundhoffen relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mmes F... D... épouse E..., représentante unique en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative et à la commune de Sundhoffen.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Barteaux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 21NC02151 2