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13/05/2024 | FRANCE | N°23NC01488

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 13 mai 2024, 23NC01488


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2022 par lequel le préfet des Ardennes a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.



Par un jugement n° 2202442 du 14 avril 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.>


Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 14 mai 2023, M. A..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2022 par lequel le préfet des Ardennes a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2202442 du 14 avril 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mai 2023, M. A..., représenté par Me Aouidet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur les fondements des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de séjour : est insuffisamment motivé ; est entaché d'erreur de droit en ce que le préfet s'est refusé à examiner sa situation au regard des articles L. 423-22 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile ; est entaché d'erreur d'appréciation et d'erreurs de fait en ce qu'il a justifié de son identité et de sa date de naissance et que l'administration n'a pas réussi à renverser la présomption de régularité des documents d'état civil et pièces d'identité qu'il a présentés ; méconnaît les articles L. 423-22 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il remplit les conditions et alors que les liens dans son pays d'origine ne sauraient faire obstacle à la délivrance du titre de séjour ; est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conditions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile ; viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire : est entachée d'incompétence de son auteur ; est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; viole l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 juin 2023.

La procédure a été communiquée au préfet des Ardennes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la constitution ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Agnel.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais qui serait né le 14 janvier 2003, déclare être entré en France le 11 février 2019. L'intéressé a été prise en charge par l'aide sociale à l'enfance du département de la Meuse à compter du 17 février 2019. Le 12 août 2021, il a sollicité du préfet des Ardennes la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 26 septembre 2022, faisant suite à la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour valable jusqu'au 15 décembre 2022, le préfet a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être éloigné d'office. M. A... relève appel du jugement du 14 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de séjour :

2. L'arrêté attaqué énonce de manière suffisante et non stéréotypée les motifs de droit et de fait sur lesquels l'autorité préfectorale s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. A... les décisions qu'il comporte. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

3. Il ressort de l'arrêté attaqué qu'afin de refuser à M. A... le titre de séjour demandé sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Ardennes a estimé d'une part, que l'intéressé ayant produit de faux documents afin de justifier de sa minorité, l'ordre public faisait obstacle à la délivrance d'un titre de séjour, d'autre part, que si l'intéressé remplissait les conditions prévues à l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les liens familiaux maintenus dans son pays d'origine faisaient obstacle à la délivrance du titre de séjour sollicité. Ces éléments démontrent que l'autorité préfectorale ne s'est pas illégalement refusée à examiner la situation de M. A....

4. Aux termes, d'une part, de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

5. Il résulte de ces dispositions de l'article 47 du code civil qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles. Si l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve, par tout moyen, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'autorité administrative n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre Etat afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet Etat est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont elle dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

6. Il ressort du rapport d'examen technique documentaire du 26 octobre 2021 de la direction zonale de la police aux frontières-Est que le jugement d'autorisation d'inscription de naissance à l'état civil, imprimé sur du papier ordinaire et avec une technique d'impression grand public, comporte plusieurs erreurs orthographiques affectant le corps du texte ainsi que le cachet humide tandis que la date de naissance présente une surcharge au stylo noir apposée sur le jour et le mois de naissance. Ces anomalies suffisent à établir que ce document est contrefait. Par voie de conséquence, tous les documents et pièces d'identité produits par l'intéressé et établis sur la base de ce faux sont eux-mêmes des faux. Par suite, l'autorité préfectorale ayant renversé la présomption d'authenticité résultant de l'article 47 du code civil, elle a pu légalement écarter tous les documents produits comme dépourvus de valeur probante. Dans ces conditions, le préfet a pu en conclure, en l'absence de certitude sur la date de naissance de l'intéressé, que le requérant ne démontrait pas avoir été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et celui de dix-huit ans. Par suite, il y a lieu d'écarter les moyens soulevés, tirés respectivement de l'erreur de droit et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 47 du code civil.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le séjour en France de M. A... entré sur le territoire national au cours du mois de février 2019 suivant ses déclarations est encore récent. M. A... est célibataire et sans charges de famille et il ne soutient pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. En outre, il ne fait état d'aucune précision ni n'apporte aucun élément sur les liens personnels qu'il a pu nouer en France. Alors même qu'il a bénéficié d'un contrat de travail à durée déterminée et à temps partiel qui a expiré le 26 septembre 2022, il ne peut se prévaloir d'aucune insertion dans la société française. Ainsi, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé et malgré la formation qu'il a suivie, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne porte pas à son droit de sa vie privée ou familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas, dès lors, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité du refus de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.

10. Le secrétaire général de la préfecture des Ardennes, signataire de l'arrêté attaqué, a reçu délégation à l'effet de signer les décisions de la nature de celles en litige, par arrêté du préfet des Ardennes du 22 novembre 2021, publié au recueil des actes administratifs du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus en ce qui concerne la justification de son âge, que M. A... ne pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Aouidet et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet des Ardennes.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC01488 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01488
Date de la décision : 13/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : AOUIDET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-13;23nc01488 ?
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