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30/04/2024 | FRANCE | N°23NC02816

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 30 avril 2024, 23NC02816


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par un jugement n° 2100963 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser à Mme B... A... une indemnité au titre des congés annuels dont elle n'a pas pu bénéficier au titre des années 2018, 2019 et 2020, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2022, a mis à la charge de l'Etat la somme de 200 euros à verser à Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des c

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Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 2100963 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'Etat à verser à Mme B... A... une indemnité au titre des congés annuels dont elle n'a pas pu bénéficier au titre des années 2018, 2019 et 2020, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2022, a mis à la charge de l'Etat la somme de 200 euros à verser à Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par un courrier enregistré le 8 juin 2023, Mme A... a demandé à la cour, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, l'exécution de ce jugement.

Par une ordonnance du 4 septembre 2023, la présidente de la cour administrative d'appel a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

Par des mémoires enregistrés les 9, 13, et 17 septembre 2023, et les 1er et 18 mars 2024, Mme A... conclut à l'exécution du jugement à ce qu'une somme de 3 000 euros lui soit versée au titre des frais d'instance.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la direction départementale des finances publiques (DDFIP) de la Haute-Saône lui a annoncé verser sur son compte en mai 2023 la somme de 5 645,32 euros correspondant à l'indemnisation des congés acquis non pris en 2018, 2019 et 2020, mais elle n'a reçu que 4 164,30 euros ; selon l'article L. 136-1-1 III 5° du code de la sécurité sociale et indépendamment de leur assujettissement à l'impôt sur le revenu, les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail ne sont pas assujetties à la cotisation sociale généralisée (CSG) ni à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) dans une limite qui n'est pas dépassée en l'espèce ; ces plafonds fixés en matière de rupture conventionnelle peuvent utilement se rapporter à une indemnité compensatrice de congés pour raisons de santé versée lors d'une rupture de contrat de travail telle une retraite anticipée pour invalidité précédée d'un congé de longue maladie de trois ans, comme en l'espèce ; l'indemnité compensatrice de congés payés, assimilable à une indemnité de rupture de contrat, est au nombre des indemnités de rupture de contrat, selon un bulletin officiel des impôts ;

- les revenus différés et les revenus exceptionnels n'entrent pas dans le champ du prélèvement à la source, ils doivent être déclarés dans la déclaration des revenus de l'année durant laquelle ils ont été perçus ;

- l'indemnisation de ses congés non pris aurait dû intervenir à une cadence annuelle tel que le prévoit la note nationale DGFIP de juin 2015 dont les dispositions sont directement inspirées de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne Schultz-Hoff, conformément à l'article 31, § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; il n'y a pas prescription de son droit à congés payés ;

- les montants et dénominations des sommes sur lesquelles son indemnité compensatrice de congés est assise n'ont pas été portés à sa connaissance ; ces éléments doivent lui être communiqués ;

- les intérêts et dépens ont fait l'objet de paiements respectivement pour 417,29 euros et 202,97 euros, elle ne présente plus de conclusions à ce titre ;

- elle a été remboursée de 943 euros sur la somme de 1 481,01 euros sollicitée, les intérêts doivent courir sur cette somme ; le service des impôts des particuliers ne souhaite pas lui servir des intérêts depuis juin 2021 sur cette somme, ce qu'elle conteste ; elle a finalement perçu la somme de 14,96 euros au titre des intérêts sur la somme de 943 euros :

- elle a droit aux intérêts, sur la somme de 1 481,02 euros, au taux légal à compter du 12 juin 2021 puis majorés de 5 points à la date du 16 mars 2023, en vertu de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Par un mémoire enregistré le 12 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions présentées par Mme A... sont irrecevables, dès lors qu'elle se borne à contester les prélèvements de nature fiscale et sociale appliqués au montant de l'indemnité compensatrice, ce qui relève d'un litige distinct de l'exécution du jugement ;

- le jugement a été correctement exécuté ; la requérante n'est pas fondée à contester la déduction de la CSG et de la CRDS ; elle ne saurait soutenir que sa mise à la retraite pour invalidité devrait être assimilée à une rupture conventionnelle, qu'elle n'a jamais sollicitée, et qui est exclue pour les fonctionnaires ayant atteint l'âge d'ouverture du droit à pension de retraite civile ; sa mise à la retraite ne saurait davantage être assimilée à une demande de licenciement et la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale, inapplicables aux fonctionnaires de l'Etat ; elle ne saurait davantage contester l'application du prélèvement à la source, dès lors que les indemnités correspondant à des jours de congés non pris sont assujetties à l'impôt sur le revenu ; les intérêts et les frais irrépétibles ont été payés le 26 mai 2023 pour un montant de 417,29 euros et les frais d'instance pour un montant de 200 euros.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., contrôleuse principale des finances publiques affectée à la direction départementale des finances publiques de la Haute-Saône, a été placée en congé de longue maladie du 25 septembre 2017 au 24 septembre 2020. Par un arrêté du 19 novembre 2020, Mme A... a été admise à la retraite. Par une décision du 15 mars 2021, le directeur départemental des finances publiques de la Haute-Saône a informé l'intéressée qu'elle serait indemnisée à hauteur de 40 jours de congés payés annuels, soit un montant de 2 030,16 euros. Le 7 avril 2021, l'intéressée a présenté auprès du directeur départemental des finances publiques de la Haute-Saône une demande afin d'être indemnisée des congés annuels dont elle n'a pas pu bénéficier depuis 2018. Le directeur départemental des finances publiques de la Haute Saône a implicitement rejeté sa demande. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 674,57 euros correspondant à l'indemnité financière due au titre du droit au congé annuel payé non pris, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 12 avril 2021, date de sa demande indemnitaire préalable, ainsi que la capitalisation des intérêts, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2100963 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Besançon a notamment estimé qu'à la suite de son admission à la retraite, l'intéressée pouvait prétendre à une indemnité financière correspondant à quatre semaines de congés annuels pour chaque année au cours desquelles elle n'a pas pu bénéficier de ses jours de congés annuels. Il a également précisé que l'indemnité perçue par l'intéressée, qui se limite à 40 jours de congés annuels, ne correspondait pas à la totalité de son droit à congé annuel payé, que son indemnité devait être déterminée indépendamment de son placement en congé de longue maladie, et donc qu'elle ne pouvait être calculée sur la base d'un demi-traitement. Le tribunal a considéré que Mme A... était fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat en raison de la faute commise dans la détermination du nombre de jours de congés annuels indemnisés et dans la détermination du traitement de référence pour calculer l'indemnité qui lui est due. Il a jugé que Mme A... avait droit à une indemnité pour congés annuels dont elle n'a pas pu bénéficier au titre des années 2018, 2019 et 2020, dans la limite de quatre semaines par année de référence et que cette indemnité devra être calculée sur la base du traitement que Mme A... aurait perçu si elle avait repris son emploi à temps plein au 25 septembre 2020. Il a condamné l'Etat à verser l'indemnité correspondante, assortie des intérêts au taux légal, à compter du 12 avril 2021, mais rejeté sa demande de capitalisation. Il a enfin mis à la charge de l'Etat une somme de 200 euros à verser à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 921-2 du même code : " La demande d'exécution d'un jugement frappé d'appel, même partiellement, est adressée à la juridiction d'appel (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que Mme A... a perçu une somme de 4 164,30 euros, selon les mentions non contestées du bulletin de traitement du mois de mai 2023. Ce bulletin de rémunération lui accorde les sommes de 1 536,65 euros, 1 548,96 euros et 2 559,70 euros, pour l'indemnisation des congés non pris respectivement au titre des années 2018, 2019 et 2020, et déduit 133,12 euros au titre de la cotisation sociale généralisée (CSG) non déductible, 377,16 euros au titre de la CSG déductible ainsi que 27,73 euros au titre de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), et mentionne un prélèvement à la source au titre de l'impôt sur le revenu pour un montant de 943 euros. Les intérêts sur la somme qui lui a été effectivement versée et les frais irrépétibles ont été payés le 26 mai 2023 pour un montant de 417,29 euros et les frais d'instance pour un montant de 200 euros.

4. En premier lieu, Mme A... soutient que les montants et dénominations des sommes sur lesquelles son indemnité compensatrice de congés est assise n'ont pas été portés à sa connaissance. Toutefois, le jugement dont l'exécution est demandée ne prescrivait pas à l'administration de produire l'intégralité des éléments de calcul pour la fixation de l'indemnité due à Mme A.... Par suite, en demandant qu'il soit enjoint à l'administration de justifier des bases de liquidation retenues, la requérante soulève, en tout état de cause, un litige distinct dont il n'appartient pas au juge de l'exécution de connaître.

5. En deuxième lieu, Mme A... soutient que l'indemnisation de ses congés non pris aurait dû intervenir à une cadence annuelle. Toutefois, cette modalité n'a pas été prévue par le jugement, qui a condamné l'Etat à verser une indemnisation. L'Etat pouvait donc, sans méconnaître ce jugement, opter pour un versement unique.

6. En troisième lieu, si Mme A... conteste l'application d'une retenue à la source au titre de l'impôt sur le revenu, il ressort de ses propres écritures qu'en cours d'instance, la somme de 943 euros, qui avait été prélevée sur le montant de son indemnité, lui a été remboursée et qu'elle a reçu 14,96 euros d'intérêts sur cette somme, dont elle ne conteste pas le montant.

7. En quatrième lieu, la méthode de calcul prescrite par le tribunal permettait de déterminer l'indemnité de perte de rémunération en montant brut. Par ailleurs, les sommes dues à Mme A... au titre des congés non pris correspondent à un versement différé de rémunération, et non à une indemnité versée pour rupture du contrat de travail, au sens du 5° du II de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale. Dans ces conditions, l'administration a pu, pour exécuter le jugement, déduire la CSG et la CRDS du montant brut de l'indemnité fixée par le tribunal.

8. Il suit de là que les conclusions de Mme A... tendant à l'exécution du jugement n° 2100963 du 16 mars 2023 sont dépourvues d'objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à l'exécution du jugement n° 2100963 du 16 mars 2023.

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente-assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024

La rapporteure,

Signé : A. Samson-Dye

La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 23NC02816


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02816
Date de la décision : 30/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-30;23nc02816 ?
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