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16/04/2024 | FRANCE | N°23NC01505

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 16 avril 2024, 23NC01505


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 20 mai 2021 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son époux, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de faire droit à sa demande ou subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1

500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 20 mai 2021 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son époux, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de faire droit à sa demande ou subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2107963 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 20 mai 2021 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a rejeté la demande de regroupement familial de Mme A... et a enjoint au préfet de réexaminer sa situation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 mai 2023, Mme A..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 mars 2023 en tant qu'il enjoint au préfet de réexaminer sa situation ;

2°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de faire droit à sa demande de regroupement familial;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- elle a intérêt à agir dès lors que le tribunal ne lui a donné que satisfaction partielle s'agissant de ses conclusions à fin d'injonction ;

- le tribunal a tenu compte d'une erreur de fait et de droit tenant au caractère insuffisant de ses ressources au jour de la demande sans tenir compte de son mémoire complémentaire produit après la clôture de l'instruction ;

- elle justifie de ressources mensuelles supérieures aux montants exigés et le tribunal aurait dû enjoindre au préfet de faire droit à sa demande de regroupement familial ;

- si elle remplissait les conditions de ressources exigées au jour de sa demande, sa situation a désormais évolué et le préfet est seulement amené à apprécier la situation au jour de son réexamen.

Par un mémoire enregistré le 11 septembre 2023, le préfet du Haut-Rhin, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête de Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience :

- le rapport de Mme Peton, première conseillère,

- les observations de Me Hebrard, substituant Me Andreini, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante kosovare, déclare être entrée en France le 29 mars 2006. Le 25 septembre 2019, elle a épousé M. C..., de nationalité kosovare et le couple a eu deux enfants. Bénéficiaire d'une carte de séjour pluriannuelle au titre de la vie privée et familiale, Mme A... a déposé une demande de regroupement familial en faveur de son époux. Par un jugement du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 20 mai 2021 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a rejeté la demande de regroupement familial de Mme A.... Cette dernière relève appel du jugement du 16 mars 2023 en tant qu'il a seulement enjoint au préfet de réexaminer sa situation.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a introduit une requête devant le tribunal administratif de Strasbourg le 22 novembre 2021 et par une ordonnance du 23 novembre suivant, l'instruction a été close le 23 février 2022. Quelques jours avant l'audience prévue le 16 février 2023, Mme A... a produit un nouveau mémoire enregistré le 9 février 2023. Le tribunal a visé ce mémoire sans l'analyser. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce mémoire contenait l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont Mme A... n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et le juge n'était dès lors pas tenu d'en tenir compte en rouvrant l'instruction. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement a été rendu au terme d'une procédure irrégulière.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Et aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".

5. Aux termes de l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " l'étranger qui en fait la demande est autorisé à être rejoint au titre du regroupement familial s'il remplit les conditions suivantes : 1° Il justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille ; /2° Il dispose ou disposera à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; /3° Il se conforme aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil. " Aux termes de l'article R. 434-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 434-7, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : 1° Cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes (...) ".

6. En l'espèce, le tribunal administratif a annulé la décision du préfet du Haut-Rhin refusant le bénéfice du regroupement familial au motif que le préfet a commis une erreur de fait dans l'appréciation des ressources de Mme A... qui a pu influer sur le sens de sa décision d'une part, et une erreur de droit dans l'appréciation de la situation de la requérante. Si Mme A... soutient que le juge aurait dû enjoindre au préfet de faire droit à sa demande de regroupement familial dès lors qu'elle justifiait de ressources mensuelles supérieures au montant exigé, elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, que le tribunal, en relevant que les ressources de l'intéressée étaient légèrement inférieures au seuil requis, aurait retenu des montants erronés pour la période courant de juin 2019 à mai 2020. Par ailleurs, et malgré ce que fait valoir Mme A... s'agissant d'une nouvelle instruction de sa demande, le préfet n'est pas en situation de compétence liée pour refuser une autorisation de regroupement familial au seul motif de l'insuffisance des ressources. En conséquence, la décision du tribunal n'impliquait pas nécessairement que le préfet prenne une décision dans un sens déterminé au sens des dispositions de l'article L. 9331- du code de justice administrative.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a seulement enjoint au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A....

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, la somme demandée par la requérante au bénéfice de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A..., Me Andreini, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente

- Mme Peton, première conseillère,

- Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 avril 2024.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N° 23NC01505


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01505
Date de la décision : 16/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ELEOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-16;23nc01505 ?
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