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16/04/2024 | FRANCE | N°23NC01071

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 16 avril 2024, 23NC01071


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 15 novembre 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2200535 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 3 avril 2023, M. A..., représenté par Me Jeannot, de

mande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2022 ;



2°) d'annuler l'arrêté du 15 novembre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 15 novembre 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2200535 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2023, M. A..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et immédiatement une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt et immédiatement de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée en ce que le préfet n'assortit pas la critique des actes d'état civil produits de circonstances de fait et de droit précises ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle en ce qu'il n'a pas tenu compte des possibilités de régularisation à titre exceptionnel ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet se fonde sur un rapport documentaire qui ne présente pas d'impartialité et n'est pas soumis au contradictoire ;

- le préfet s'est cru, à tort, en situation de compétence liée ;

- il ne renverse pas la présomption d'authenticité de l'article 47 du code civil ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur de fait en ce que l'acte de naissance a été légalisée par l'ambassade du Pakistan à Paris ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il ressort des pièces produites qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize et dix-huit ans et qu'il suit une formation qualifiante qui présente un caractère réel et sérieux ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France.

Par un mémoire enregistré le 15 mai 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- et les observations de Me Jeannot, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant pakistanais né le 29 avril 2003 à Gujranwala (Pakistan) a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 15 juillet 2019, alors qu'il était mineur. Par une ordonnance du 8 octobre 2019, il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de Meurthe-et-Moselle. Par une demande enregistrée le 19 mai 2021, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par l'arrêté en litige du 15 novembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour. M. A... relève appel du jugement du 1er décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, l'arrêté en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement en ce qu'il vise notamment l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et fait état des conditions de son entrée et de la durée de son séjour en France, mentionnant notamment l'absence de suivi d'une formation professionnelle qualifiante depuis au moins six mois. Ainsi, le préfet de Meurthe-et-Moselle qui n'a pas fondé sa décision sur l'irrégularité des documents d'état civil présentés par le requérant, a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté qu'en l'état du dossier, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas souhaité faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle faute d'avoir tenu compte des possibilités de régularisation à titre exceptionnel.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l7is de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

5. Si le préfet de Meurthe-et-Moselle a fait état dans sa décision de l'expertise documentaire des documents d'identité du requérant, il a constaté que les documents d'état civil remis par M. A... ne présentaient aucune anomalie et a fondé sa décision refusant d'octroyer un titre de séjour à M. A... sur l'absence de suivi par ce dernier d'une formation destinée à lui conférer une qualification professionnelle depuis au moins six mois. Il s'ensuit que M. A... ne peut utilement soutenir que cette décision est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet se fonde sur un rapport documentaire qui ne présente pas de garantie d'impartialité et n'est pas soumis au contradictoire. De même, le moyen tiré de ce que le préfet de Meurthe-et-Moselle ne renverserait pas la présomption d'authenticité de l'article 47 du code civil doit être écarté comme étant inopérant puisqu'ainsi qu'il a été dit, le préfet ne s'est pas fondé sur l'état civil du requérant pour lui refuser l'octroi d'un titre de séjour.

6. En quatrième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté en litige que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait estimé, à tort, en situation de compétence liée pour refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

7. En cinquième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision contestée que le préfet de Meurthe-et-Moselle, après avoir rappelé la coutume internationale de légalisation, aurait constaté l'absence de légalisation de l'acte de naissance. Par suite, la circonstance que l'acte de naissance ait été effectivement légalisée par l'ambassade du Pakistan à Paris est sans incidence sur la légalité de cette décision et M. A... ne peut utilement soutenir que celle-ci serait entachée d'une erreur de fait.

8. En sixième lieu, étant scolarisé au cours des années scolaires 2019-2020 et 2020-2021 au sein de l'unité pédagogique pour élèves allophones arrivants au sein du lycée Emmanuel Héré à Laxou, M. A... ne justifie pas avoir suivi une formation destinée à lui conférer une qualification professionnelle depuis au moins six mois à la date de la décision contestée. S'il est constant qu'il a commencé une seconde professionnelle " systèmes numériques-réparation et installation informatique " au lycée Jean Prouvé à Nancy à la rentrée de septembre 2021, à supposer que ce cursus puisse être regardé comme une formation professionnelle qualifiante pour l'application des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne poursuivait celle-ci que depuis deux mois et demi à la date de la décision en litige. Dans ces conditions, et alors que le préfet de Meurthe-et-Moselle pouvait refuser de lui octroyer un titre de séjour pour ce seul motif, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En septième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions.

10. En huitième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ".

11. M. A... était présent en France seulement depuis deux ans à la date de la décision contestée. S'il se prévaut de sa scolarité et des bons résultats qu'il a obtenus et d'actions de bénévolat au sein de la Croix-Rouge, ces seuls éléments ne sont pas de nature établir qu'il a fixé le centre de ses intérêts personnels et professionnels en France. Célibataire et sans enfant à charge, il ne démontre pas avoir noué en France des attaches personnelles durables tandis qu'il n'est pas être dépourvu d'attaches familiales au Pakistan où résident ses parents, son frère et ses trois sœurs et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 16 ans. Dans ses conditions, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. En neuvième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

13. Ainsi qu'il a été dit au point 11, M. A... présent en France depuis juillet 2019, y poursuit sa scolarité, a réalisé un stage non rémunéré au sein d'un magasin de la grande distribution et a effectué des actions de bénévolat. Toutefois, en dépit de ses efforts d'intégration, M. A... ne peut pas être regardé comme justifiant de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1. Par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées.

14. En dixième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 11 et 13, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Jeannot.

Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- Mme Peton, première conseillère,

- Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2024.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N° 23NC01071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01071
Date de la décision : 16/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-16;23nc01071 ?
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