La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/04/2024 | FRANCE | N°23NC01029

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 16 avril 2024, 23NC01029


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 11 décembre 2022 par lequel le préfet de la Côte d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de revenir sur le territoire français pendant une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2203590 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.r>


Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 31 mars 2023, M. C..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 11 décembre 2022 par lequel le préfet de la Côte d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de revenir sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2203590 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mars 2023, M. C..., représenté par Me Rodicq El Kefri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard afin de lui permettre de déposer une demande exceptionnelle d'admission au séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation en ce qu'il n'est pas établi que le préfet a examiné sa situation à l'aune de l'accord franco-algérien qui lui est applicable ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en ce que son droit à être entendu a été méconnu puisqu'il n'a pas mis été en mesure de réagir aux exceptions prévues par l'article 6 de la directive " retour " 2018/115/CE notamment sur la possibilité de bénéficier d'une régularisation pour un motif humanitaire ou charitable ou de l'article 5 c) ;

- la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire n'est pas justifiée en ce qu'elle ne se fonde pas sur la menace à l'ordre public ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale eu égard à l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreurs de droit et d'appréciation en ce que sa nationalité n'est pas démontrée et que le préfet n'a pas pris en compte ses craintes en cas de renvoi en Algérie ;

- l'interdiction de revenir sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'est pas justifiée en ce que les faits qui lui sont reprochés n'ont conduit à aucune condamnation.

Par un mémoire enregistré le 23 mai 2023, le préfet de la Côte d'Or représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 22 juin 2000 à Oran (Algérie) est entré irrégulièrement sur le territoire français en 2019. Connu pour de nombreux faits de vols commis en 2020 et 2021 et de conduite sans assurance, il a été interpellé pour des faits d'agression sexuelle le 11 décembre 2022. Par l'arrêté en litige du 11 décembre 2022, le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trois ans. M. C... relève appel du jugement du 19 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, l'arrêté en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement en ce qu'il vise notamment les articles L. 611-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et fait état des conditions et de la durée de son séjour en France et notamment des multiples signalements du requérant pour des faits de vols et de conduite sans assurance en 2020 et 2021 sous sept identités différentes et de son interpellation pour agression sexuelle le 11 décembre 2022. Ainsi, le préfet de la Côte d'Or qui n'avait pas à citer toutes les circonstances de fait relatives à la situation de M. C..., a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent sa décision. La circonstance qu'il n'a pas visé l'accord franco-algérien, à supposer que celui-ci s'applique à la situation de l'intéressé, est sans incidence sur la régularité de la motivation dès lors que M. C... était en mesure de comprendre les motifs de la décision en litige et de les discuter utilement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En second lieu, d'une part, l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) " et l'article L. 611-3 de ce code dispose : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Aux termes de l'article 5 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " Lorsqu'ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte : (...) / c) de l'état de santé du ressortissant concerné d'un pays tiers, et respectent le principe de non-refoulement. ".

4. D'autre part, le droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été entendu à l'occasion de son audition par les services de police lors de son interpellation du 11 décembre 2022 sur sa situation administrative. A cette occasion, il a pu faire état de problèmes de santé qui seraient incompatibles avec une mesure d'éloignement et a, à cette occasion, indiqué avoir un problème au rein sans disposer de certificat médical le justifiant. Ainsi. M. C... a été mis en mesure d'indiquer des éléments entrant dans le champ du c) de l'article 5 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, transposée en droit interne au 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que M. C... n'est pas fondé à soutenir que son droit à être entendu a été méconnu en ce qu'il n'a pas été mis en mesure d'indiquer des circonstances relatives à son état de santé préalablement à l'édiction de la mesure contestée.

Sur la légalité de la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire :

6. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. ". L'article L. 612-2 du même code dispose : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".

7. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que, pour refuser de lui accorder un délai de départ volontaire, le préfet de la Côte d'Or a notamment pris en compte les signalements issus du fichier automatisé des empreintes digitales d'où il ressort que M. C... est connu sous sept identités différentes pour les faits suivants : vol aggravé par deux circonstances, vol par effraction, vol en réunion et vol à l'étalage, commis entre le 7 juin 2020 et le 22 janvier 2021 et conduite sans assurance le 1er septembre 2021 et son interpellation pour agression sexuelle le 11 décembre 2022. Ce faisant, contrairement à ce que soutient M. C..., le préfet a apprécié la menace à l'ordre public que constitue le comportement du requérant. La caractérisation de la menace à l'ordre public n'étant pas subordonnée à une condamnation de l'étranger pour les faits retenus, l'absence de toute condamnation de l'intéressé pour ces délits, dont au demeurant il ne conteste pas la matérialité, ne fait pas obstacle à leur prise en compte par le préfet dans application des dispositions citées au point précédent. Au demeurant, il ressort des termes de l'arrêté que le préfet a également fondé sa décision sur les circonstances que M. C... ne présente pas de garanties de représentations suffisantes et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à une mesure d'éloignement. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le préfet de la Côte d'Or aurait commis une erreur de droit en refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant àquitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

9. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Si M. C... soutient qu'il n'est pas démontré qu'il serait ressortissant algérien, il se borne à indiquer à cet égard que les autorités consulaires algériennes n'ont pas donné suite à son audition du 4 janvier 2023 mais n'apporte aucun élément de nature à le démontrer, alors que tous les documents de procédure et les signalements relatifs aux délits qui auraient été commis par M. C..., enregistrés sous sept identités différentes, font état de sa nationalité algérienne. En outre, M. C... n'apporte aucun commencement de preuve quant à la réalité des menaces qu'il encourrait en cas de renvoi dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en estimant que la nationalité algérienne du requérant était établie et qu'il pouvait être renvoyé en Algérie sans méconnaitre les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet de la Côte d'Or n'a entaché la décision fixant le pays de destination ni d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation.

Sur l'interdiction de revenir sur le territoire français pendant un délai de trois ans :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de la décision l'obligeant de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui interdisant de revenir sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". L'article L. 612-10 de ce code précise : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

13. Il ressort des termes de l'arrêté que pour édicter la mesure en litige, le préfet de la Côte d'Or a pris en compte les signalements précités, issus du fichier automatisé des empreintes digitales d'où il ressort que M. C... est connu sous sept identités différentes, pour les faits de vol commis entre le 7 juin 2020 et le 22 janvier 2021 et de conduite sans assurance le 1er septembre 2021 et son interpellation pour agression sexuelle le 11 décembre 2022. S'il est constant que M. C... n'a fait l'objet d'aucune condamnation pour ces faits, l'intéressé ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Dans ces conditions, le préfet a légalement pris en compte ces éléments pour apprécier la menace à l'ordre public qu'il représente dans le cadre de l'édiction de la mesure contestée. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le préfet de la Côte d'Or sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte d'Or sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Rodicq El Kefri.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- Mme Peton, première conseillère,

- Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2024.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. A...

2

N° 23NC01029


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01029
Date de la décision : 16/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ASTERIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-16;23nc01029 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award