Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2201341 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 mars 2023, M. A..., représenté par Me Elsaesser, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est entaché d'un défaut de motivation en ce qu'il ne précise pas que sa compagne a le statut de réfugié ;
- il est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation particulière ;
- la décision portant refus de séjour méconnaît l'article L. 423-23 et l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où sa compagne et son premier enfant ont le statut de réfugié ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en ce que la cellule familiale ne peut se reconstituer dans son pays d'origine ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation eu égard aux conditions de son séjour en France ;
- les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont entachées d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant nigérian né le 26 décembre 1992, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 15 novembre 2015. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 9 septembre 2018. Le 13 avril 2021, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 28 octobre 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 21 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
2. En premier lieu, l'arrêté en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement en ce qu'il vise notamment le 4° de l'article L. 611-1 et l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et fait état des conditions et de la durée de son séjour en France ainsi que de la scolarisation de ses enfants. Le préfet du Jura, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de M. A..., a donc cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent ses décisions. La circonstance qu'il ne mentionne pas la qualité de réfugié de sa compagne est ainsi sans incidence sur le caractère suffisant de cette motivation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. En second lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté en litige, ni des pièces du dossier que le préfet du Jura aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de M. A....
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en novembre 2015 à l'âge de 23 ans. S'il se prévaut de sa relation avec une ressortissante nigériane bénéficiant d'une carte de résident en qualité de réfugiée, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir la durée et la stabilité de leur relation, alors que leur vie commune n'est établie qu'à compter du 29 septembre 2021, soit depuis un mois à la date de la décision attaquée. En outre, par la seule production de quatre factures des 6 et 22 décembre 2020, de six photographies et d'attestations indiquant qu'il est présent lors de démarches administratives et de consultations de sa fille née le 29 janvier 2020, le requérant n'établit pas contribuer effectivement et régulièrement à l'entretien de sa fille depuis sa naissance. La deuxième grossesse de sa compagne est postérieure à la décision attaquée et est ainsi sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. M. A... n'établit pas non plus être isolé dans son pays d'origine, où résident toujours ses parents. Ainsi, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte excessive au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, la décision portant refus de titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions précitées des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, elle ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Si M. A... se prévaut de la présence en France de sa fille née le 29 janvier 2020, il ne démontre pas par les pièces qu'il produit contribuer effectivement et régulièrement à son entretien depuis sa naissance. Dans ces conditions, cette décision qui n'implique en elle-même aucune séparation de l'enfant d'avec son père ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Elsaesser.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Guidi, présidente,
Mme Peton, première conseillère,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2024.
La rapporteure,
Signé : C. MosserLa présidente,
Signé : L. Guidi
La greffière,
Signé : M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M. B...
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N° 23NC00836