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09/04/2024 | FRANCE | N°23NC01174

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 09 avril 2024, 23NC01174


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2201467 du 25 août 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 17 avril 2023, Mme B..., représentée par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201467 du 25 août 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 avril 2023, Mme B..., représentée par la SCP Annie Levi-Cyferman-Laurent Cyferman, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 août 2022 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le séjour en France, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler, subsidiairement de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros en application de l'article 37 de la loi n°91-647 du juillet 1991 ;

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur décision ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

- il est insuffisamment motivé ;

- il méconnait les dispositions des articles L.421-1, L.421-4et L.414-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnait les dispositions de l'article L.422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et les dispositions de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnait les dispositions de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 17 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention du 24 janvier 1994 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante camerounaise née le 24 août 1993, est entrée régulièrement en France le 14 septembre 2018 munie d'un visa D portant la mention " étudiant ". A la suite de l'expiration de son dernier titre de séjour le 3 février 2022, l'intéressée a sollicité auprès de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, le 7 mars 2022, un changement de statut afin d'obtenir un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 2 mai 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé la délivrance de ce titre et a obligé l'intéressée à quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. Mme B... relève appel du jugement du 25 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des visas du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés devant eux, ont énoncé précisément les motifs qui les ont conduits à écarter l'illégalité de l'arrêté du 2 mai 2022. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un défaut de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Doivent être motivées les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police " et de l'article L 211-5 du même code " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. Il ressort des termes de l'arrêté du 2 mai 2022 que le préfet de Meurthe-et-Moselle précise les dispositions juridiques sur lesquelles il s'appuie et rappelle de manière non stéréotypée les principales considérations relatives à la situation de Mme B..., notamment ses conditions d'entrée et de séjour en France et sa situation familiale et professionnelle. En conséquence, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 de la convention du 24 janvier 1994 entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes : " Les nationaux de chacun des États contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre État une activité professionnelle salariée doivent en outre, pour être admis sur le territoire de cet État, justifier de la possession : 1° D'un certificat médical délivré par tout médecin agréé, en accord avec les autorités sanitaires du pays d'origine, par le représentant compétent du pays d'accueil et visé par celui-ci ; 2° D'un contrat de travail visé par le ministère chargé du travail dans les conditions prévues par la législation de l'État d'accueil ". Aux termes de l'article 14 de cette convention : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la présente Convention ". Aux termes de l'article L 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail (...) ". Aux termes de l'article L 421-4 du même code, " (...) lorsque la demande de l'étranger concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement, les cartes de séjour prévues aux articles L. 421-1 et L. 421-3 lui sont délivrées sans que lui soit opposable la situation de l'emploi (...) ".

7. En présence d'une demande de titre de séjour par un étranger, sur le fondement de l'article L 421-4, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, si la demande de l'intéressé concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement, de nature à permettre la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " sans que lui soit opposable la situation de l'emploi.

8. À cet égard, il ressort des termes de l'arrêté du 2 mai 2022 que, pour rejeter la demande de titre de séjour portant la mention " salarié ", le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée ne justifiait pas d'une autorisation de travail délivrée par les services compétents. Par conséquent, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision du préfet serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L.421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au surplus, il est constant que la profession d'assistante de vie qu'elle occupe ne figure pas dans la liste des emplois dits en tension dans la région Grand-Est au sens des dispositions de l'annexe de l'arrêté susvisé du 1er avril 2021. Par conséquent, Mme B... ne peut en tout état de cause se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L 421-4 précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ".

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a interrompu ses études, a saisi le préfet d'une demande de titre de séjour au seul motif du travail au sens de l'article L 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dés lors, le moyen tiré de la méconnaissance des conditions relatives à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " est inopérant.

11. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des dispositions de l'article L 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

12. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., célibataire et sans enfant, est entrée sur le territoire français le 14 septembre 2018 à l'âge de 25 ans et résidait dans ce pays depuis moins de quatre ans au jour de la décision déférée. Venue en France pour y suivre une formation d'aide-soignante, l'intéressée ne s'était par ailleurs vu reconnaitre qu'un droit au séjour provisoire. Aux termes de quatre années d'études, elle n'a obtenu aucun diplôme de nature à attester de son intégration compte tenu de son parcours scolaire. Si la requérante se prévaut d'une relation stable avec un ressortissant suisse régulièrement admis au séjour sous couvert d'une carte de séjour " citoyen de l'UE/EEE/ Suisse " et a entrepris des démarches en vue d'une procréation médicalement assistée, les documents produits ne suffisent pas à établir l'ancienneté et la stabilité de cette relation, ni l'existence d'une communauté de vie. Enfin, l'engagement bénévole entrepris seulement depuis le 16 juin 2022, année de sa demande de renouvellement de titre de séjour, ne suffit pas davantage à justifier de son intégration en France alors qu'elle a vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine, où vivent encore ses parents. Par suite, en l'état des pièces du dossier, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article L 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

14. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés au point 12, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions susmentionnées de l'article L 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 25 août 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 23NC01174 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01174
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : ANNIE LEVI-CYFERMAN - LAURENT CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;23nc01174 ?
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