Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Les courants de la Rigotte, M. L... F..., Mme C... D..., M. K... M..., Mme E... G..., M. J... B... et Mme H... A... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2017 par lequel la préfète de la Haute-Saône a autorisé la société Energies des Hauts de Rigotte à exploiter un parc éolien de huit aérogénérateurs et de deux postes de livraisons sur le territoire des communes de Charmes-Saint-Valbert, de Quarte, de La Rochelle et de Molay, ainsi qu'à défricher 0,75 hectares de parcelles boisées sur le territoire des communes de la Rochelle et de Molay.
Par un jugement n° 1701999 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 20 juillet 2017 de la préfète de la Haute-Saône.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2020 sous le n° 20NC02090 et des mémoires enregistrés le 17 décembre 2020, le 1er avril 2021, le 26 avril 2021 et le 15 juin 2021, la société Energies des Hauts de la Rigotte, représentée par Me Versini-Campinchi, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 juin 2020 et de rejeter les demandes des requérants de première instance ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il prononce l'annulation de l'autorisation d'exploitation des éoliennes E1, E2, E3, E4, E7 et E8 et de rejeter, dans la même mesure, les demandes des requérants de première instance ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de surseoir à statuer, en application des dispositions du 2° de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, pour permettre la régularisation du vice lié à l'insuffisante présentation des capacités financières dans le dossier de demande ;
4°) en toute hypothèse, de mettre à la charge solidaire de l'association Les courants de la Rigotte, de M. F..., de Mme D..., de M. M..., de Mme G..., de M. B... et de Mme A... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son dossier de demande présentait suffisamment précisément ses capacités financières ; en tout cas, les éléments complémentaires fournis après la délivrance de l'autorisation, dans le cadre de l'instruction du dossier devant le tribunal, permettait de compenser les lacunes du dossier initial ;
- si par extraordinaire, il devait être considéré qu'elle n'a pas présenté suffisamment ses capacités financières, la cour devrait ordonner une régularisation de ce vice ;
- son projet, notamment en ce qui concerne les éoliennes E5 et E6, n'aura pas d'impact résiduel sur la santé publique ainsi que sur la ressource en eau et l'arrêté litigieux n'est pas donc pas entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;
- à considérer que l'exploitation des éoliennes E5 et E6 puisse avoir un impact résiduel sur la santé publique et sur la ressource en eau contraire aux exigences de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, une telle illégalité ne devait conduire le tribunal administratif qu'à prononcer l'annulation partielle de l'arrêté en tant qu'il autorise l'exploitation des éoliennes E5 et E6 ;
- les moyens soulevés en appel par les intimés pour justifier qu'en tout cas l'arrêté litigieux est illégal ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés le 18 novembre 2020, le 5 janvier 2021, le 26 avril 2021, le 25 mai 2021, le 11 juin 2021, le 19 juillet 2021 et le 6 août 2021, l'association Les courants de la Rigotte, M. J... B..., M. K... M... et Mme E... G..., représentés par Me Monamy, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat et de la société requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- l'intervention du ministre de la transition écologique doit être regardée comme une requête d'appel, dès lors qu'elle avait intérêt pour interjeter appel ; sa requête d'appel est cependant tardive et donc irrecevable ;
- les moyens soulevés par la société pétitionnaire et la ministre sont infondés ;
-en tout cas, l'arrêté est illégal dès lors que le montant des garanties financières de démantèlement et de remise en état du site prévu par l'annexe I à l'arrêté du 26 août 2011 pris pour l'application de l'article R. 553-1 du code de l'environnement est, d'une part, inadapté en ce qu'il tient uniquement compte de la puissance unitaire de l'aérogénérateur, indépendamment de ses autres caractéristiques et, d'autre part, insuffisant ; le préfet aurait dû écarter l'annexe I à l'arrêté du 26 août 2011 et imposer à la pétitionnaire de constituer des garanties financières adaptées ; le préfet devait au moins prévoir dans son arrêté un coût unitaire initial de 65 000 euros par machine et a, à défaut, méconnu les dispositions de l'annexe 1 de l'arrêté du 26 août 2011 précité ;
- l'arrêté est également illégal car l'article 1er de l'arrêté du 26 août 2011, dans sa version issue de l'arrêté du 6 novembre 2014, méconnaît l'article R. 515-106 du code de l'environnement et est entaché d'incompétence ; le préfet aurait dû écarter l'article 1er de l'arrêté du 26 août 2011 et ne devait ainsi imposer des mesures de démantèlement concernant le câblage ne se limitant pas à un rayon de 10 mètres autour des aérogénérateurs ;
- l'arrêté est aussi illégal car il méconnaît les dispositions de l'article R. 515-106 du code de l'environnement, ainsi que de l'article 29 de l'arrêté précité du 26 août 2011, en n'imposant pas à la société pétitionnaire l'excavation de la totalité des fondations et en ne conditionnant pas un éventuel démantèlement partiel des fondations des aérogénérateurs à la production préalable d'une étude.
Par un mémoire enregistré le 8 juin 2021, la ministre de la transition écologique s'associe aux conclusions à fin d'annulation présentées par la société Energies des Hauts de la Rigotte.
Elle fait valoir que :
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'indique pas les raisons pour lesquelles il a considéré que l'économie générale du projet serait remise en cause par le retrait de deux éoliennes sur huit ;
- le dossier de demande présenté par la société Energie des Hauts de la Rigotte faisait état, de manière suffisante, de ses capacités financières ; en tout cas, le tribunal devait, s'il entendait faire droit à ce moyen, mettre en œuvre la procédure de régularisation prévue à l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;
- le projet de la société Energie des Hauts de la Rigotte, notamment en ce qui concerne les éoliennes E5 et E6, n'aura pas d'impact résiduel sur la santé publique et sur la ressource en eau et l'arrêté litigieux n'est donc pas entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;
- les moyens soulevés en première en instance à l'encontre de l'arrêté ne sont pas fondés.
Par une lettre du 2 décembre 2021, la cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Besançon a, eu égard aux moyens qu'il a retenus, méconnu son office en prononçant une annulation totale de l'autorisation litigieuse et en refusant de faire droit aux conclusions dont il était saisi sur le fondement du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, de sorte que son jugement doit être annulé.
Par une lettre du 2 décembre 2021, la cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des écritures en défense en tant qu'elles émanent de M. B... et de M. M..., dès lors qu'ils n'ont pas contesté devant le juge d'appel la fin de non-recevoir opposée à leurs conclusions par le juge de première instance.
Par une lettre du 2 décembre 2021, la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de surseoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, dans l'attente de la délivrance d'une autorisation modificative régularisant les vices tirés, d'une part, de l'insuffisante présentation des capacités financières de la société pétitionnaire dans le dossier de demande et, d'autre part, de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale.
Par un mémoire, enregistré le 7 décembre 2021, la société Energies des Hauts de la Rigotte a présenté des observations en réponse à ces courriers.
Par un arrêt avant-dire droit n° 20NC02090, 21NC01681 du 29 décembre 2021, la cour a :
- rejeté les conclusions de la société requérante et de la ministre de la transition écologique tendant à l'annulation du jugement n° 1701999 du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a annulé l'arrêté du 20 juillet 2017 de la préfète de la Haute-Saône en tant qu'il permet la construction et l'exploitation des éoliennes E5 et E6 ;
- modifié les trois premiers paragraphes de l'article 2.2 de l'arrêté du 20 juillet 2017 relatifs aux garanties financières exigibles et à leur montant ;
- sursis à statuer sur les autres conclusions présentées par la société requérante ainsi que par la ministre de la transition écologique jusqu'à ce que cette dernière ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation édicté par le préfet de la Haute-Saône après respect des modalités prévues aux points 83 à 90 de l'arrêt avant-dire droit, soit :
* la transmission par le pétitionnaire au préfet de la Haute-Saône d'un dossier qui sera soumis au public pendant une durée d'un mois et qui contiendra l'ensemble des éléments attestant des capacités financières de la société Energies des Hauts de la Rigotte, notamment la lettre du 4 octobre 2018 et des éléments démontrant la solidité financière de la société Envision Energy, le tout accompagné d'une note de synthèse expliquant le rachat opéré par le groupe Envision et les modalités actuelles de financement du projet retenues ;
* la consultation de la mission régionale de l'autorité environnementale (MRAe) du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) compétente pour la région Bourgogne-Franche-Comté conformément aux garanties d'impartialité requises ; la mise en ligne de l'avis rendu sur un site internet suffisamment accessible et ayant une notoriété suffisante, tels que le site de la préfecture de la région Bourgogne-Franche-Comté ou celui de la préfecture de la Haute-Saône, de manière à ce qu'une information suffisante du public soit assurée et que celui-ci ait la possibilité de présenter ses observations et propositions ; dans le cas où le nouvel avis émis par la mission régionale de l'autorité environnementale différerait substantiellement de l'avis initial, l'organisation d'une enquête publique complémentaire dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par le nouvel avis, notamment une insuffisance de l'étude d'impact ;
* dans l'hypothèse où, outre la régularisation du vice tiré de l'insuffisante présentation des capacités financières de la société pétitionnaire, une simple procédure de consultation publique du nouvel avis émis par la MRAe est requise, le sursis à statuer courra jusqu'à ce que la ministre de la transition écologique transmette à la cour les actes de régularisation adoptés par le préfet de la Haute-Saône pris à la suite de cette procédure ou, à défaut, pendant un délai de neuf mois à compter de la notification du présent arrêt ; dans l'hypothèse où le nouvel avis émis par la MRAe devrait faire l'objet d'une enquête publique complémentaire, la durée du sursis à statuer serait, par défaut, portée à un an ;
- réservé les droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué.
Par un courrier du 30 juin 2023, le préfet de la Haute-Saône a transmis à la cour un arrêté de régularisation du 29 juin 2023.
Par un mémoire, enregistré le 6 octobre 2023, l'association Les courants de la Rigotte, M. J... B..., M. K... M... et de Mme E... G..., représentés par Me Monamy, concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures et sollicitent en outre l'annulation de l'arrêté de régularisation du 29 juin 2023.
Ils font valoir que :
- l'arrêté du 29 juin 2023 n'a pu avoir pour effet de régulariser l'autorisation initiale en raison de l'incomplétude du dossier de régularisation ; en effet, le nouvel avis de la MRAe, au regard de nouvelles circonstances de fait, a mis en évidence des insuffisances de l'étude d'impact qui aurait dû être actualisée en intégrant notamment la suppression des éoliennes E5 et E6, l'évolution du contexte réglementaire et du contexte éolien pour l'analyse des effets cumulés, l'étude de scénarios alternatifs , l'amélioration du bilan carbone du projet, la révision des enjeux environnementaux notamment concernant les zones humides, les chiroptères et le Milan royal, en prenant en compte l'aggravation du statut de vulnérabilité de certaines espèces ,la révision de l'évaluation des impacts paysagers , celle de l'étude acoustique et de l'intégration visuelle ; par conséquent, l'arrêté du préfet du 29 juin 2023 est illégal et encourt l'annulation, de même par voie de conséquence, que l'arrêté initial du 20 juillet 2017, tel que modifié en 2018 ;
- la mise à disposition du public de la note de synthèse expliquant le rachat opéré par le groupe Envision a été faite irrégulièrement ; il n'est pas établi que cette note ait bien été versée au dossier d'enquête publique complémentaire en temps utile ;
- la consultation des communes intéressées et de leurs groupements a été irrégulière dès lors qu'aucune consultation des groupements des communes intéressées n'a été organisée ; d'autre part, il ne ressort pas des délibérations des conseils municipaux des communes de Chauvirey-le-Châtel, Fouvent-Saint-Andoche, Malvillers, La Rochelle et Pierremont-sur-Amance que leurs élus se seraient vu transmettre avec la convocation à la séance une note explicative de synthèse ;
- c'est à tort que le pétitionnaire n'a pas sollicité une demande de dérogation à la destruction des espèces protégées ou de leurs habitats concernant les chiroptères et le Milan royal ;
- les atteintes à la biodiversité pour ces espèces ne sont pas compensées ;
- le montant des garanties financières est insuffisant ; l'arrêté de régularisation du 29 juin 2023 n'a pas été mis à jour alors que la formule de calcul de celui-ci a été modifiée dans le sens d'une revalorisation du montant des garanties financières par arrêté du 11 juillet 2023.
Par un mémoire, enregistré le 10 janvier 2024, la société Energies des Hauts de la Rigotte, représentée par Me Versini-Campinchi, conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Elle soutient en outre que :
- la circonstance que la MRAe ait recommandé de compléter une étude d'impact sur certains points ne saurait suffire à caractériser une quelconque insuffisance de l'étude ; les projets à prendre en compte au titre de l'analyse des effets cumulés d'une opération avec des projets existants ou approuvés sont ceux ayant a minima fait l'objet d'un avis de l'autorité environnementale rendu public à la date du dépôt de la demande d'autorisation, conformément aux dispositions de l'article R. 122-5 4° du code ; l'étude d'impact décrit les différentes études menées avec les élus visant à identifier une solution de moindre impact environnemental et paysager, respectueuse du cadre de vie, et de la pratique agricole et sylvicole ; le choix d'implantation des éoliennes s'est tourné vers l'évitement des secteurs de forte sensibilité (habitats de zones humides et habitats riches en biodiversité), en privilégiant l'implantation des éoliennes sur des milieux agricoles dont l'intérêt écologique et la diversité floristique sont très faibles, ainsi que sur des milieux forestiers répandus localement et régionalement ; s'agissant de la prise en compte de l'environnement par le projet, dans son arrêt avant-dire droit, la cour n'a pas retenu d'insuffisance de l'étude d'impact à ce titre et le dossier de régularisation ne saurait été regardé comme insuffisant en ce qu'il ne comporterait pas d'actualisation de l'état initial puisque ces zones à enjeux seront de toute façon évitées par le projet ; les mesures définies au titre de la séquence " éviter réduire compenser " sont parfaitement cohérentes avec les enjeux en présence ; le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude paysagère a également été écarté par la cour dans son arrêt avant-dire droit ; il en va de même du volet consacré à l'évaluation des nuisances et du cadre de vie ;
- la note de synthèse expliquant le rachat opéré par le groupe Envision a bien été versée au dossier d'enquête publique complémentaire le 6 février 2023 comme le mentionne le rapport d'enquête publique ;
- la consultation des communautés de communes n'était pas obligatoire ; par ailleurs, une note explicative de synthèse a effectivement été transmise aux élus des conseils municipaux par courriel du 7 février 2023, laquelle fournit une présentation générale de l'historique du projet et de la procédure de régularisation en cours, une présentation du projet et du maître d'ouvrage, ainsi qu'une synthèse de la situation technique du projet, qui ont permis aux conseillers municipaux de saisir les enjeux entourant la procédure d'enquête complémentaire ;
- une demande de dérogation " espèces protégées " n'était pas nécessaire; s'agissant des chiroptères, il ressort de l'étude d'impact que les secteurs à forts enjeux ont été évités par le schéma d'implantation des éoliennes dans sa variante finale, et que les éoliennes E5 et E6 ont été supprimées ;; ils bénéficieront d'importantes mesures au titre de la séquence " éviter réduire compenser " qui permettent de contenir les risques d'impact résiduel à un niveau très faible, en phase de chantier comme d'exploitation, de sorte que, le risque d'impact n'étant pas suffisamment caractérisé, aucune demande de dérogation n'était nécessaire ; s'agissant du Milan royal, l'aire d'étude présente un intérêt écologique moyen vis-à-vis des migrations à l'automne et faible au printemps ; la conception du projet permet toutefois de limiter l'effet barrière du parc en limitant l'emprise linéaire globale des éoliennes et en les espaçant en moyenne de 280m ; la suppression des éoliennes E5 et E6 accentue l'espace entre les éoliennes E4 et E7 et facilite encore plus le passage des oiseaux ; par ailleurs, l'avifaune et le Milan royal bénéficieront d'importantes mesures au titre de la séquence " éviter réduire compenser ", qui permettent de contenir les risques d'impact résiduel à un niveau faible voire très faible, de sorte que le risque d'impact n'est pas suffisamment caractérisé;
- s'agissant de l'insuffisance du montant des garanties financières, l'article 31 de l'arrêté du 26 août 2011 en vigueur prévoit désormais une mise à jour automatique ; le cas échéant, la cour pourrait procéder elle-même à une modification de l'arrêté d'autorisation afin de mettre à jour ses prescriptions concernant le montant des garanties financières.
II. Par une requête enregistrée le 8 juin 2021, sous le n° 21NC01681, la ministre de la transition écologique demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1701999 du tribunal administratif de Besançon du 25 juin 2020 ;
2°) de rejeter les demandes présentées devant ce tribunal par l'association Les courants de la Rigotte et autres.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'indique pas les raisons pour lesquelles il a considéré que l'économie générale du projet serait remise en cause par le retrait de deux éoliennes sur huit ;
- le dossier de demande présenté par la société Energie des Hauts de la Rigotte faisait état, de manière suffisante, de ses capacités financières ; en tout cas, le tribunal devait, s'il entendait faire droit à ce moyen, mettre en œuvre la procédure de régularisation prévue à l'article L. 181-18 du code de l'environnement ;
- le projet de la société Energie des Hauts de la Rigotte, notamment en ce qui concerne les éoliennes E5 et E6, n'aura pas d'impact résiduel sur la santé publique et sur la ressource en eau et l'arrêté litigieux n'est pas donc pas entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;
- les moyens soulevés en première instance à l'encontre de l'arrêté ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés le 2 août 2021 et le 6 août 2021, l'association Les courants de la Rigotte, M. J... B..., M. K... M... et de Mme E... G..., représentés par Me Monamy, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat et de la société Energies des Hauts de la Rigotte.
Ils font valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés et ils se réfèrent aux indications présentées dans leurs différentes écritures produites dans le dossier n° 20NC02090.
Par une lettre du 2 décembre 2021, la cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Besançon a, eu égard aux moyens qu'il a retenus, méconnu son office en prononçant une annulation totale de l'autorisation litigieuse et en refusant de faire droit aux conclusions, dont il était saisi sur le fondement du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, de sorte que son jugement doit être annulé.
Par une lettre du 2 décembre 2021, la cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des écritures en défense en tant qu'elles émanent, de M. B... et de M. M..., dès lors qu'ils n'ont pas contesté devant le juge d'appel la fin de non-recevoir opposée à leurs conclusions par le juge de première instance.
Par une lettre du 2 décembre 2021, la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de surseoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, dans l'attente de la délivrance d'une autorisation modificative régularisant les vices tirés, d'une part, de l'insuffisante présentation des capacités financières de la société pétitionnaire dans le dossier de demande et, d'autre part, de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale.
Par un mémoire, enregistré le 7 décembre 2021, la société Energies des Hauts de la Rigotte a présenté des observations en réponse à ces courriers.
Par un arrêt avant-dire droit n° 20NC02090, 21NC01681 du 29 décembre 2021, la cour a :
- rejeté les conclusions de la société requérante et de la ministre de la transition écologique tendant à l'annulation du jugement n°1701999 du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a annulé l'arrêté du 20 juillet 2017 de la préfète de la Haute-Saône en tant qu'il permet la construction et l'exploitation des éoliennes E5 et E6 ;
- modifié les trois premiers paragraphes de l'article 2.2 de l'arrêté du 20 juillet 2017 relatifs aux garanties financières exigibles et à leur montant ;
- sursis à statuer sur les autres conclusions présentées par la société requérante ainsi que par la ministre de la transition écologique jusqu'à ce que cette dernière ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation édicté par le préfet de la Haute-Saône après respect des modalités prévues aux points 83 à 90 de l'arrêt avant-dire droit, soit :
* la transmission par le pétitionnaire au préfet de la Haute-Saône d'un dossier qui sera soumis au public pendant une durée d'un mois et qui contiendra l'ensemble des éléments attestant des capacités financières de la société Energies des Hauts de la Rigotte, notamment la lettre du 4 octobre 2018 et des éléments démontrant la solidité financière de la société Envision Energy, le tout accompagné d'une note de synthèse expliquant le rachat opéré par le groupe Envision et les modalités actuelles de financement du projet retenues ;
* la consultation de la mission régionale de l'autorité environnementale (MRAe) du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) compétente pour la région Bourgogne-Franche-Comté conformément aux garanties d'impartialité requises ; la mise en ligne de l'avis rendu sur un site internet suffisamment accessible et ayant une notoriété suffisante, tels que le site de la préfecture de la région Bourgogne-Franche-Comté ou celui de la préfecture de la Haute-Saône, de manière à ce qu'une information suffisante du public soit assurée et que celui-ci ait la possibilité de présenter ses observations et propositions ; dans le cas où le nouvel avis émis par la mission régionale de l'autorité environnementale différerait substantiellement de l'avis initial, l'organisation d'une enquête publique complémentaire dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par le nouvel avis, notamment une insuffisance de l'étude d'impact ;
* dans l'hypothèse où, outre la régularisation du vice tiré de l'insuffisante présentation des capacités financières de la société pétitionnaire, une simple procédure de consultation publique du nouvel avis émis par la MRAe est requise, le sursis à statuer courra jusqu'à ce que la ministre de la transition écologique transmette à la cour les actes de régularisation adoptés par le préfet de la Haute-Saône pris à la suite de cette procédure ou, à défaut, pendant un délai de neuf mois à compter de la notification du présent arrêt ; dans l'hypothèse où le nouvel avis émis par la MRAe devrait faire l'objet d'une enquête publique complémentaire, la durée du sursis à statuer serait, par défaut, portée à un an ;
- réservé les droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué.
Par un courrier du 30 juin 2023, le préfet de la Haute-Saône a transmis à la cour un arrêté de régularisation du 29 juin 2023.
Par un mémoire, enregistré le 6 octobre 2023, l'association Les courants de la Rigotte, M. J... B..., M. K... M... et de Mme E... G..., représentés par Me Monamy, concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures et sollicitent en outre l'annulation de l'arrêté de régularisation du 29 juin 2023.
Ils font valoir que :
- l'arrêté du 29 juin 2023 n'a pu avoir pour effet de régulariser l'autorisation initiale en raison de l'incomplétude du dossier de régularisation ; en effet, le nouvel avis de la MRAe, au regard de nouvelles circonstances de fait, a mis en évidence des insuffisances de l'étude d'impact qui aurait dû être actualisée en intégrant notamment la suppression des éoliennes E5 et E6, l'évolution du contexte réglementaire et du contexte éolien pour l'analyse des effets cumulés, l'étude de scénarios alternatifs , l'amélioration du bilan carbone du projet, la révision des enjeux environnementaux notamment concernant les zones humides, les chiroptères et le Milan royal, en prenant en compte l'aggravation du statut de vulnérabilité de certaines espèces ,la révision de l'évaluation des impacts paysagers , celle de l'étude acoustique et de l'intégration visuelle ; par conséquent, l'arrêté du préfet du 29 juin 2023 est illégal et encourt l'annulation, de même par voie de conséquence, que l'arrêté initial du 20 juillet 2017, tel que modifié en 2018 ;
- la mise à disposition du public de la note de synthèse expliquant le rachat opéré par le groupe Envision a été faite irrégulièrement ; il n'est pas établi que cette note ait bien été versée au dossier d'enquête publique complémentaire en temps utile ;
- la consultation des communes intéressées et de leurs groupements a été irrégulière dès lors qu'aucune consultation des groupements des communes intéressées n'a été organisée ; d'autre part, il ne ressort pas des délibérations des conseils municipaux des communes de Chauvirey-le-Châtel, Fouvent-Saint-Andoche, Malvillers, La Rochelle et Pierremont-sur-Amance que leurs élus se seraient vu transmettre avec la convocation à la séance une note explicative de synthèse ;
- c'est à tort que le pétitionnaire n'a pas sollicité une demande de dérogation à la destruction des espèces protégées ou de leurs habitats concernant les chiroptères et le Milan royal ;
- les atteintes à la biodiversité pour ces espèces ne sont pas compensées ;
- le montant des garanties financières est insuffisant ; l'arrêté de régularisation du 29 juin 2023 n'a pas été mis à jour alors que la formule de calcul de celui-ci a été modifiée dans le sens d'une revalorisation du montant des garanties financières par arrêté du 11 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer,
- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,
- et les observations de Me Louis pour la société Energies des Hauts de la Rigotte et de Me Monamy pour l'association Les courants de la Rigotte, Mme G... et MM. B... et M....
Une note en délibéré, présentée pour la société Energies des Hauts de la Rigotte par Me Versini-Campinchi, a été enregistrée le 28 mars 2024 dans le dossier 20NC02090.
Considérant ce qui suit :
1. La société Energies des Hauts de la Rigotte a présenté, le 5 février 2016, une demande d'autorisation unique pour l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire des communes de Charmes-Saint-Valbert, de Quarte, de La Rochelle et de Molay, composé de huit aérogénérateurs et de deux postes de livraison, ainsi que pour le défrichement de 0,75 hectares de parcelles boisées sur le territoire des communes de La Rochelle et de Molay. Par un arrêté du 20 juillet 2017, la préfète de la Haute-Saône a délivré à cette société l'autorisation sollicitée. L'association Les courants de la Rigotte, M. L... F..., Mme C... D..., M. K... M..., Mme E... G..., M. J... B... et Mme H... A... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler cet arrêté. Par une requête enregistrée sous le n° 20NC02090, la société Energies des Hauts de la Rigotte a fait appel du jugement n° 1701999 du 25 juin 2020 par lequel le tribunal administratif a fait droit à la demande des requérants. Par une requête enregistrée sous le n° 21NC01681, la ministre de la transition écologique a fait également appel de ce jugement. Par un arrêt avant-dire droit du 29 décembre 2021, la cour, joignant ces deux requêtes a, après avoir rejeté les conclusions de la société requérante et de la ministre de la transition écologique tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a annulé l'arrêté du 20 juillet 2017 de la préfète de la Haute-Saône en tant qu'il permet la construction et l'exploitation des éoliennes E5 et E6 et modifié les trois premiers paragraphes de l'article 2.2 de l'arrêté du 20 juillet 2017 relatives aux garanties financières exigibles et à leur montant, constaté que l'arrêté en litige était illégal au double motif de l'insuffisante présentation des capacités financières du pétitionnaire et de ce que l'avis de l'autorité environnementale n'avait pas été rendu par une entité interne disposant d'une autonomie réelle à l'égard de l'auteur de cet arrêté et que ces vices pouvaient être régularisés par une décision modificative, décidé en application du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement de surseoir à statuer sur les requêtes de la société Energies des Hauts de la Rigotte et de la ministre de la transition écologique jusqu'à ce que cette dernière ait procédé à la transmission d'un arrêté de régularisation édicté par le préfet de Haute-Saône et d'impartir à l'administration un délai de neuf mois, ou de douze mois en cas d'organisation d'une nouvelle enquête publique, aux fins d'obtenir la régularisation de ces vices. Par un arrêté du 29 juin 2023, le préfet de la Haute-Saône a accordé à la société Energies des Hauts de la Rigotte une autorisation modificative d'exploitation dans le but de régulariser l'arrêté du 20 juillet 2017.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : (...) / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".
3. À compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 181-18 du code de l'environnement, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. À ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Les parties ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse de moyens déjà écartés par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.
En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'arrêté de régularisation du 29 juin 2023 :
S'agissant de la présentation des garanties financières :
4. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable (...) ".
5. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation. Toutefois, en vertu du 2° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, les demandes d'autorisation régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017. La légalité de telles autorisations doit donc être appréciée, pour ce qui concerne la forme et la procédure, au regard des règles applicables avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017.
6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, l'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement " (...) prend en compte les capacités techniques et financières dont dispose le demandeur, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". En vertu du 5° de l'article R. 512-3 du même code, la demande d'autorisation mentionne " les capacités techniques et financières de l'exploitant ". Il résulte de ces dispositions non seulement que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l'appui de son dossier de demande d'autorisation, mais aussi que l'autorisation d'exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si ces conditions ne sont pas remplies. Le pétitionnaire doit notamment justifier disposer de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine, le mettant à même de mener à bien son projet et d'assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site au regard, des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu'il peut être appelé à constituer à cette fin en application des article L. 516-1 et L. 516-2 du même code.
7. En l'espèce, ainsi que la cour l'a retenu dans son arrêt avant-dire droit, la société Energies des Hauts de la Rigotte a produit une lettre en date du 4 octobre 2018 de la société Envision Energy, qui détient désormais le groupe Velocita et donc la société pétitionnaire. Dans ce courrier, la société Envision Energy s'engage de manière ferme, précise et régulière à apporter son soutien financier à la société en vue de la réalisation et de l'exploitation du projet pour 20 % du montant du projet, le reste des investissements devant être assurés par des prêts bancaires. Pour autant, dans l'hypothèse où aucun financement bancaire ne serait accordé, cette société s'engage à apporter son soutien financier à hauteur du montant total des investissements nécessaires à la construction et à l'exploitation du projet.
8. La société pétitionnaire a par ailleurs produit un dossier de régularisation de la présentation de ses capacités financières en mai 2022 dont il ressort que les éoliennes sont produites par le groupe Envision Energy, groupe international dont le siège est en Chine, situé au 4e rang mondial pour la conception, fabrication et vente d'éoliennes en mer et terrestres. Pour chaque projet éolien développé en France, le groupe constitue une société d'exploitation spécifique détenue à 100 % sous le statut de société par actions simplifiée, qui est le maître d'ouvrage du projet et sollicite les autorisations. La construction et le financement sont assurés par la société Velocita Energies, filiale française du groupe acquise en 2016 et qui finançait, construisait et exploitait déjà des éoliennes en France depuis 2011.
9. Il résulte par ailleurs de l'instruction, notamment du rapport d'enquête publique complémentaire, que la note de synthèse expliquant le rachat opéré par le groupe Envision a bien été versée au dossier d'enquête publique, de même que le dossier de présentation des capacités financières. Il s'ensuit que le vice portant sur l'insuffisante présentation des capacités financières et le défaut de soumission de ces éléments au public doit être regardé comme ayant été régularisé.
S'agissant de la régularité de l'avis de l'autorité environnementale :
10. Il résulte de l'instruction que, conformément à l'arrêt avant dire-droit de la cour du 29 décembre 2021, le préfet de la Haute-Saône a consulté la mission régionale de l'autorité environnementale (MRAe) du Conseil général de l'environnement et du développement durable compétente pour la région Bourgogne-Franche-Comté sur le projet présenté par la société Energies des Hauts de la Rigotte, qui présente les garanties d'impartialité requises. Le 22 août 2022, la MRAe a rendu un avis motivé sur ce projet qui a été soumis à l'avis du public dans le cadre de d'une enquête publique complémentaire organisée du 6 février 2023 au 8 mars 2023.
11. En l'espèce, si les défendeurs ne contestent pas que cet avis a été rendu par une instance disposant d'une autonomie réelle par rapport à l'auteur de la décision attaquée, ils soutiennent cependant qu'il l'a été au vu d'un dossier incomplet, en raison de l'absence d'actualisation de l'étude d'impact suite aux diverses insuffisances relevées par la MRAe, de sorte que l'arrêté de régularisation serait irrégulier. Toutefois, ainsi qu'il a été développé, dès lors que l'irrégularité relevée par la cour dans son arrêt avant-dire droit tenait uniquement à l'absence d'autonomie réelle et, par suite, d'indépendance de l'autorité environnementale ayant rendu l'avis initial, et que ce vice a bien été régularisé, alors en outre que l'exploitant n'est nullement tenu de compléter son étude à la suite de cet avis, le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté de régularisation du fait de l'absence d'actualisation du dossier d'étude d'impact ne peut qu'être écarté comme inopérant.
S'agissant de la consultation des conseils municipaux et de leurs groupements :
12. Aux termes de l'article R. 181-38 du code de l'environnement : " Dès le début de la phase d'enquête publique, le préfet demande l'avis du conseil municipal des communes mentionnées au III de l'article R. 123-11 et des autres collectivités territoriales, ainsi que de leurs groupements, qu'il estime intéressés par le projet, notamment au regard des incidences environnementales notables de celui-ci sur leur territoire. Ne peuvent être pris en considération que les avis exprimés au plus tard dans les quinze jours suivant la clôture de l'enquête publique " Il résulte de ces dispositions que la consultation des communautés de communes n'était pas obligatoire, seule l'est celle des communes intéressées, de sorte que le moyen tiré de l'absence de consultation des groupements de communes intéressés doit être écarté.
13. S'agissant de la consultation des conseils municipaux, l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales prévoyant qu'une note de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal, est applicable aux communes de moins de 3 500 habitants lorsqu'une délibération porte, comme en l'espèce, sur une installation mentionnée à l'article L. 511-1 du code. Si les défendeurs font valoir que les avis émis sont tous irréguliers dès lors que les conseillers municipaux de ces communes n'ont pas bénéficié d'une note explicative de synthèse, ils n'apportent aucun élément probant au soutien de leurs allégations. En tout état de cause, à considérer même que les conseils municipaux des communes intéressées se seraient prononcés dans des conditions irrégulières, cette circonstance n'est pas de nature à entacher d'irrégularité l'arrêté de régularisation contesté dès lors qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que les irrégularités alléguées, à les supposer établies, auraient nuit à l'information complète de la population ou été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Ce moyen doit donc également être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que les défendeurs ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté de régularisation est irrégulier.
En ce qui concerne les nouveaux moyens soulevés contre l'arrêté d'autorisation initial du 20 juillet 2017 :
S'agissant de l'absence de dérogation à l'interdiction d'atteinte aux espèces protégées :
15. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèce ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment, la " délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".
16. Il en résulte que la destruction ou la perturbation d'animaux appartenant à des espèces protégées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Le système de protection des espèces faisant l'objet d'une protection impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées à ces espèces, proposées par le pétitionnaire, doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".
Quant aux chiroptères :
17. En premier lieu, il résulte de l'instruction que plusieurs espèces de chiroptères ont été contactées dans la zone de projet, dont notamment la Noctule de Leisler, la Noctule commune, la Sérotine commune, la Pipistrelle de Kuhl, la Pipistrelle commune et la Pipistrelle de Nathusius, qui figurent toutes sur la liste de l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection.
18. En second lieu, si l'étude d'impact a initialement évalué comme faible le risque d'atteinte à ces espèces, la MRAe a relevé, dans son avis, que le protocole d'inventaire mis en place lors de son élaboration n'était pas suffisamment complet et détaillé s'agissant du nombre d'écoutes réalisées pour évaluer, de façon suffisamment pertinente, l'activité des chiroptères présents dans la zone de projet, et de l'absence d'écoutes au sol, alors en outre que le statut de vulnérabilité des principales espèces contactées avait évolué défavorablement sur la liste rouge des espèces menacées en France. Il est constant que les chiroptères présentent une sensibilité particulière aux projets éoliens qui entraînent, en phase d'exploitation, une perte de territoire pour la chasse et les gîtes, un effet barrière pour les axes de vol et des risques de collision des individus aves les pales d'éoliennes ou de barotraumatisme. Compte tenu de la faiblesse de leur taux de reproduction, d'une espérance de vie très courte et de l'importante diminution globale des effectifs en France au cours des dernières années, la perte d'un seul individu est susceptible d'avoir une incidence sur le bon état de conservation des populations.
19. Pour non contraignantes qu'elles soient, les lignes directrices de l'accord européen Eurobats et la société française pour l'étude et la protection des mammifères (SFEPM) fournissent, à cet égard, des indications et des recommandations quant aux mesures de protection pouvant utilement assortir les projets éoliens. Elles préconisent ainsi une exclusion des projets éoliens dans les boisements de tout type, jusqu'à une distance de 200 mètres en bout de pale et l'éloignement de tous les habitats importants pour les chauves-souris (alignements d'arbres, réseaux de haies, zones humides, plans et cours d'eau) et de toutes les zones où une activité importante est notée, d'utiliser un éclairage seulement lorsqu'il est nécessaire et qui n'attire pas les insectes, la mise en drapeau et l'augmentation de la vitesse de vent de démarrage des éoliennes, dès lors que l'activité des chauves-souris est significativement corrélée, d'après les études, à la vitesse du vent et à d'autres variables météorologiques telles que la température de l'air, l'humidité relative, la pluie et le brouillard.
20. Or, en l'espèce, il est constant que les éoliennes projetées sont situées à distance rapprochée des lisières, entre 30 et 50 mètres, deux d'entre elles (E3 et E4) étant par ailleurs implantées directement en forêt. Les mesures d'évitement et de réduction n'ont consisté qu'à prévoir la présence sur le site d'un expert chiroptérologue avant le défrichement afin de vérifier l'absence de cavités dans les arbres à couper, à fixer un calendrier des travaux de dessouchage et de terrassement en dehors des périodes d'hibernation et à la mise en place d'un éclairage à interrupteur sur la porte d'entrée du mât des éoliennes E2, E3, E4 pour réduire l'attractivité des insectes autour de celles-ci. Si un plan de bridage a certes été mis en place par l'arrêté complémentaire du 5 septembre 2018, à savoir la mise en drapeau des pales, il ne concerne que les éoliennes E3 et E4 implantées en forêt, seulement lors des trois premières heures de la nuit, du 1er avril au 31 octobre, lorsque la vitesse du vent est inférieure à 6 mètres/seconde en nacelle et par température supérieure à 10 degrés, alors qu'il résulte des éléments produits au dossier que les chauves-souris sont actives dès le mois de mars, pendant toute la nuit, jusqu'à des vents de 11 mètres/seconde et en-deçà de 11degrés, de sorte que ces mesures n'apparaissent pas suffisantes pour prévenir les risques d'impacts sur les chiroptères.
21. Dès lors, compte-tenu de l'insuffisance d'évaluation des impacts, alors en outre que leur statut de vulnérabilité a évolué défavorablement, le risque d'atteinte aux espèces précitées de chiroptères, la Noctule de Leisler, la Noctule commune, la Sérotine commune, la Pipistrelle de Kuhl, la Pipistrelle commune et la Pipistrelle de Nathusius après prise en compte des mesures d'évitement et de réduction qui sont sous-dimensionnées, apparaît suffisamment caractérisé.
Quant au Milan royal :
22. En premier lieu, il est constant que le Milan royal, espèce protégée figurant sur la liste de l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection, a également été contacté sur la zone d'étude.
23. En second lieu, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qui a été retenu par l'étude d'impact, un couloir de migration de cette espèce, qui fait l'objet d'un plan national d'actions 2018-2027, a été relevé dans la zone du projet et la propre synthèse bibliographique établie par l'exploitant à titre de complément au dossier initial en mai 2022 mentionne sa présence en nidification possible sur les mailles des communes concernées. Or, il est constant que l'exploitant n'a pas actualisé les mesures d'évitement et de réduction envisagées initialement dans l'étude d'impact pour éviter les atteintes à cette espèce protégée, carence relevée tant par la MRAe que par la commission d'enquête. Il résulte par ailleurs de l'instruction que les mesures d'évitement et de réduction ont été conçues pour l'ensemble de l'avifaune, sans prendre en compte les enjeux spécifiques des rapaces, et se sont bornées à la réduction du nombre d'éoliennes prévues, à leur alignement linéaire et au respect d'un éloignement entre elles, complétées par la mise en place du plan de bridage précité par l'arrêté complémentaire du 5 septembre 2018. La MRAe a notamment recommandé la mise en place d'un dispositif d'effarouchement et d'arrêt temporaire des éoliennes qui fait pour l'instant défaut, notamment en période de reproduction et d'hivernage, en prenant en compte spécifiquement les périodes de mauvaises conditions météorologiques diminuant la visibilité des oiseaux, et en prévoyant un arrêt des éoliennes dont les pales survolent des milieux ouverts favorables à l'alimentation des rapaces pendant 4 jours après les dates de fenaison, fauche ou travail du sol, en établissant des conventions avec les exploitants agricoles concernés. Dès lors, compte tenu du statut de vulnérabilité de cette espèce, les mesures d'évitement et de réduction prévues par l'exploitant sont insuffisantes au regard des caractéristiques de vie de l'espèce et de son activité.
24. Il s'ensuit que le risque pour le Milan royal, la Noctule de Leister, la Noctule commune, la Sérotine commune, la Pipistrelle de Kuhl, la Pipistrelle commune et la Pipistrelle de Nathusius est suffisamment caractérisé et impose de demander, au moins pour ces espèces, la dérogation prévue au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
S'agissant de l'absence de compensation des atteintes portées aux espèces protégées :
25. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour (...) la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Aux termes de l'article L. 122-1-1 du même code : " I.- L'autorité compétente pour autoriser un projet soumis à évaluation environnementale prend en considération l'étude d'impact, l'avis des autorités mentionnées au V de l'article L. 122-1 ainsi que le résultat de la consultation du public et, le cas échéant, des consultations transfrontières. La décision de l'autorité compétente est motivée au regard des incidences notables du projet sur l'environnement. Elle précise les prescriptions que devra respecter le maître d'ouvrage ainsi que les mesures et caractéristiques du projet destinées à éviter ou réduire et, si possible, compenser les effets négatifs notables. Elle précise également les modalités du suivi des incidences du projet sur l'environnement ou la santé humaine. La décision de refus d'autorisation expose les motifs du refus, tirés notamment des incidences notables potentielles du projet sur l'environnement (...) ". L'article L. 110-1 du même code dispose que : " (...) 2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Ce principe implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées ; Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité ; (...) ".
26. En l'espèce, la seule existence d'un risque suffisamment caractérisé imposant de solliciter une dérogation aux interdictions relatives aux espèces protégées pour le Milan royal et les 6 espèces précitées de chiroptères ne saurait suffire à considérer comme établie une incidence négative notable au sens des dispositions précitées, imposant la mise en œuvre d'une compensation à ces atteintes pour réduire cet impact, d'autres mesures, notamment d'évitement et de réduction pouvant être envisagées. Il s'ensuit que ce moyen doit être écarté.
S'agissant du montant des garanties financières :
27. Aux termes de l'article R. 515-101 du code de l'environnement : " I. - La mise en service d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumise à autorisation au titre du 2° de l'article L. 181-1 est subordonnée à la constitution de garanties financières visant à couvrir, en cas de défaillance de l'exploitant lors de la remise en état du site, les opérations prévues à l'article R. 515-106. Le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant sont fixés par l'arrêté d'autorisation de l'installation ". Les articles 30 à 32 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, dans leur rédaction issue de l'arrêté du 11 juillet 2023 modifiant l'arrêté du 26 août 2011 et entré en vigueur le 20 juillet 2023, précisent ces dispositions. En vertu du II de l'annexe I à cet arrêté, auquel renvoie l'article 30, le montant initial de la garantie financière d'un aérogénérateur est égal au nombre d'éoliennes multiplié par le coût unitaire d'un aérogénérateur qui varie selon la puissance de l'éolienne. Celui-ci s'établit à 75 000 euros lorsque la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur est inférieure ou égale à 2 MW. Lorsque la puissance unitaire de l'aérogénérateur est supérieure à 2 MW, comme en l'espèce, ce coût unitaire est calculé selon la formule définie par le b) du II de cette annexe selon laquelle : " Cu = 75 000 + 25 000 * (P-2) où : - Cu est le montant initial de la garantie financière d'un aérogénérateur ; - P est la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur, en mégawatt (MW) ".
28. Si les défendeurs soutiennent que le montant des garanties financières à constituer pour le pétitionnaire serait insuffisant du fait des nouvelles exigences imposées par les dispositions des articles 30 à 32 de l'arrêté du 26 août 2011 modifié, il n'apparaît pas que ce moyen ait été révélé par la procédure de régularisation, de sorte qu'il ne peut qu'être écarté comme inopérant. Au surplus, dès lors que les nouvelles dispositions des articles 30 et 32 de l'arrêté précité prévoient désormais une mise à jour par l'exploitant des garanties financières au moment de leur première constitution avant mise en service, il n'y a, en tout état de cause, pas lieu de procéder à l'actualisation sollicitée. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 515-101 du code doit ainsi être écarté.
En ce qui concerne les conséquences à tirer des vices entachant d'illégalité l'arrêté en litige :
29. Aux termes du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. II.- En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées "
30. Cet article précise le régime contentieux de l'autorisation environnementale. Ses dispositions mentionnent la faculté, pour le juge, de prononcer des annulations limitées soit à une ou plusieurs des anciennes autorisations désormais regroupées dans l'autorisation environnementale, soit à certains éléments de ces autorisations à la condition qu'ils en soient divisibles et prévoient que le juge, en cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties non viciées de celle-ci.
31. La faculté ouverte par les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement relève de l'exercice d'un pouvoir propre du juge, qui n'est pas subordonné à la présentation de conclusions en ce sens. Lorsqu'il n'est pas saisi de telles conclusions, le juge du fond peut toujours mettre en œuvre cette faculté mais il n'y est pas tenu.
32. Ainsi qu'il a été développé, l'autorisation environnementale du 20 juillet 2017 est viciée en tant qu'elle n'incorpore pas la dérogation prévue au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement s'agissant du Milan Royal, de la Noctule de Leister, la Noctule commune, la Sérotine commune, la Pipistrelle de Kuhl, la Pipistrelle commune et la Pipistrelle de Nathusius. L'exploitant n'ayant pas sollicité la mise en œuvre des pouvoirs de régularisation prévus par le 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement et alors qu'une première régularisation a déjà été ordonnée, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer une nouvelle fois.
33. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont ainsi fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a intégralement annulé l'autorisation environnementale du 20 juillet 2017, dès lors qu'il n'y a lieu de l'annuler qu'en tant qu'elle n'incorpore pas la dérogation prévue au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Le jugement attaqué doit dès lors être annulé dans cette mesure. Il y a lieu par ailleurs de suspendre l'exécution des parties non viciées de l'autorisation jusqu'à la délivrance éventuelle de la dérogation précitée.
Sur les frais de justice :
34. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Les courants de la Rigotte, M. J... B..., M. K... M... et de Mme E... G..., qui ne sont pas les parties essentiellement perdantes, la somme sollicitée par la société requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par les défendeurs.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1701999 du tribunal administratif de Besançon du 25 juin 2020 est annulé en tant qu'il annule intégralement l'autorisation environnementale du 20 juillet 2017, à l'exception de l'annulation de l'implantation des éoliennes E5 et E6.
Article 2 : L'autorisation environnementale du 20 juillet 2017 est annulée en tant qu'elle n'incorpore pas la dérogation prévue au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement s'agissant du Milan Royal, de la Noctule de Leister, la Noctule commune, la Sérotine commune, la Pipistrelle de Kuhl, la Pipistrelle commune et la Pipistrelle de Nathusius.
Article 3 : L'exécution des parties non viciées de l'autorisation est suspendue jusqu'à la délivrance éventuelle de la dérogation mentionnée à l'article 2.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes présentées par la société Energies des Hauts de la Rigotte et la ministre de la transition écologique est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par l'association Les courants de la Rigotte, M. J... B..., M. K... M... et de Mme E... G... relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Energies des Hauts de la Rigotte, à l'association Les courants de la Rigotte en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative et au ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Rousselle, présidente,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER La présidente,
Signé : P. ROUSSELLE Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 20NC02090, 21NC01681 2