Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la délibération du 18 décembre 2017 par laquelle le conseil municipal d'Urcerey a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, ainsi que la décision du 28 mai 2018 par laquelle le maire d'Urcerey a rejeté leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1801044 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Besançon a annulée cette délibération en tant qu'elle modifie le zonage de la parcelle cadastrée section AA n° 76.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mars 2020 et le 6 juillet 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Woldanski, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 janvier 2020 du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation du classement partiel de leur parcelle cadastrée AA n° 39 en zone naturelle (N) ;
2°) d'annuler la délibération du 18 décembre 2017 du conseil municipal d'Urcerey portant approbation du plan local d'urbanisme en tant qu'il classe partiellement leur parcelle cadastrée AA n° 39 en zone naturelle ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Urcerey une somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que la parcelle AA n° 39 des requérants entrait dans les prévisions du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) et du rapport de présentation du PLU qui entendaient limiter strictement l'étalement urbain, dès lors qu'elle ne s'intègre pas à l'espace naturel boisé au sud dont elle est distante de plus de 20 ares ; de plus, la parcelle est contiguë à d'autres parcelles supportant des habitations et est desservie par les réseaux ; elle ne présente en outre aucun intérêt particulier ou caractéristique particulière justifiant qu'elle soit protégée en zone N ; il n'est pas démontré que le classement total en zone U affecterait l'équilibre du PLU et le respect des exigences auxquelles la commune est soumise ; ils ont beaucoup perdu car ils sont également propriétaires des parcelles n° 40 et n° 41 qui sont contigües à la parcelle n° 39 et qui ne sont désormais plus constructibles non plus ;
- s'agissant des conclusions d'appel incident de la commune, il ressort des pièces du dossier que la parcelle n° 76 a été étendue sur une zone qui était autrefois inconstructible et donc au détriment de la zone naturelle, allant en cela à l'encontre des partis pris d'aménagement retenus par les auteurs du PLU ; par une délibération du 17 août 2020, le conseil municipal a d'ailleurs autorisé le maire à procéder à la modification simplifiée du PLU par arrêté afin de replacer la parcelle n° 76 en zone non constructible.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2020, la commune d'Urcerey, représentée par Me Suissa, conclut au rejet de la requête, à l'annulation du jugement attaqué annulant la délibération du 18 décembre 2017 en tant qu'elle modifie le zonage de la parcelle cadastrée AA n° 76 et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le classement de la parcelle litigieuse en zone naturelle est justifié par la nécessité de répondre aux nouveaux impératifs issus notamment de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové visant la modération de la consommation des espaces et la lutte contre l'étalement urbain et le parti d'aménagement retenu en ce sens dans le PLU ; son élaboration a en effet donné lieu à un profond remaniement du zonage, caractérisé par une diminution de la zone urbaine et des zones à urbaniser, une stabilité des zones agricoles et une légère augmentation des zones naturelles ; les zones d'extension de la zone U sont ainsi limitativement identifiées dans l'épaisseur de l'enveloppe urbaine existante ; la commune n'avait par ailleurs d'autre choix que de réduire ses surfaces urbanisées puisqu'elle a perdu de nombreux habitants ces dernières années et que ses prévisions démographiques sont relativement faibles ; si la parcelle litigieuse est séparée du bois par plus de 20 ares, il n'en demeure pas moins que tout cet ensemble constitue un vaste espace naturel ; de nombreuses demandes identiques ont été présentées dans le cadre de l'enquête publique, qui ont toutes été rejetées dans un souci d'égalité de traitement ; par ailleurs, le classement en zone constructible de tout ce secteur aurait modifié substantiellement l'économie générale du projet de PLU en remettant en cause ses objectifs et ses principes d'économie d'espace et de lutte contre l'étalement urbain ; par ailleurs, un principe général de maintien de 10 à 15 mètres constructibles sur l'arrière des constructions principales situées en limite de zone urbaine et de zone agricole ou naturelle a été retenu dans le PLU afin de permettre la réalisation d'annexes et d'extensions ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que le classement de la parcelle n° 76 était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la surface constructible n'a, en réalité, pas été augmentée, seules les limites de la zone NC (non-constructible) ont été modifiées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme,
- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer,
- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,
- et les observations de Me Clément, substituant Me Suissa, pour la commune d'Urcerey.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 18 décembre 2017, le conseil municipal de la commune d'Urcerey (Territoire de Belfort) a approuvé son plan local d'urbanisme. M. et Mme A..., propriétaires de plusieurs parcelles de terres sur le territoire de la commune, ont formé un recours gracieux le 19 février 2018 sollicitant le retrait de cette délibération en tant qu'elle classe partiellement leur parcelle cadastrée AA n° 39, auparavant classée en zone NAb, en zone N. Par une décision du 28 mai 2018, le maire a explicitement rejeté ce recours gracieux. Les intéressés ont contesté la légalité de la délibération du 18 décembre 2017 ainsi que le rejet de leur recours gracieux. Par un jugement du 30 janvier 2020, dont les intéressés relèvent appel, le tribunal administratif de Besançon a annulé la délibération litigieuse seulement en tant qu'elle modifie le zonage de la parcelle cadastrée section AA n° 76 et rejeté le surplus des conclusions de la demande des époux A.... La commune d'Urcerey, par voie d'appel incident, sollicite par ailleurs l'annulation du jugement du tribunal en tant qu'il a annulé le classement de la parcelle AA n° 76.
Sur les conclusions d'appel principal :
2. Aux termes de l'article L151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. (...) ". L'article 12 du décret n°2015-1783 susvisé relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme dispose que : " VI. - Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d'urbanisme dont l'élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016 ". Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, ainsi applicable à l'élaboration du plan local d'urbanisme en litige : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. "
3. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
4. Ainsi que l'a relevé le tribunal, il ressort des pièces du dossier, notamment du plan d'aménagement et de développement durable et du rapport de présentation du plan local d'urbanisme que les auteurs de ce document d'urbanisme ont, compte tenu, d'une part, des caractéristiques de la commune marquée par une chute démographique et un environnement agricole et naturel important et, d'autre part, de la volonté de s'inscrire dans les nouveaux objectifs de la loi pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové (Alur) visant la modération de la consommation foncière et la lutte contre l'étalement urbain, souhaité combiner la réponse aux besoins en matière de logement avec la préservation des grands espaces naturels et agricoles, notamment le maintien des portes vertes autour du village, en mobilisant prioritairement le foncier encore disponible dans la commune.
5. S'il est constant que la parcelle AA n° 39 des requérants supporte pour partie leur maison d'habitation, est desservie par les réseaux publics et contiguë à d'autres parcelles bâties, elle se situe néanmoins à proximité immédiate d'un vaste espace naturel boisé rentrant ainsi dans les prévisions de l'article R. 123-8 précité du code de l'urbanisme et que les auteurs du PLU ont, dans le parti d'aménagement retenu, souhaité protéger. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la plupart des parcelles jouxtant leur parcelle et à proximité de l'espace naturel ont également été classées en zone N, le cas échéant partiellement pour une parcelle dans une situation analogue à celle des requérants, c'est-à-dire supportant déjà une construction.
6. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a écarté le moyen tiré de ce que le classement de la parcelle AA n° 39 serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur les conclusions d'appel incident de la commune :
7. La commune d'Urcerey soutient que c'est à tort que le tribunal a considéré que le classement de la parcelle AA n° 76 était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la surface constructible n'a en réalité pas été augmentée, seules les limites de la zone NC antérieure ayant été modifiées.
8. Il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu de la réunion des personnes publiques associées du 28 novembre 2017, que cette parcelle n° 76 (ex parcelle n° 48), et supportant pour partie une maison d'habitation, faisait déjà l'objet d'un classement partiel en zone urbanisée et en zone NC dans le cadre de l'ancien plan d'occupation des sols. Aux termes d'un zonage remanié dans le plan local d'urbanisme, la partie en zone urbaine de la nouvelle parcelle n° 76 a été augmentée d'une partie de la parcelle n° 48 anciennement en zone NC. Cependant, afin de compenser cette augmentation de la surface constructible, la partie en zone urbaine de la parcelle n° 48 a été amputée d'une bande horizontale sur le haut qui s'ajoute à la zone désormais N. La seule circonstance que par la délibération du 17 août 2020, le conseil municipal ait autorisé le maire à procéder à la modification simplifiée du PLU par arrêté afin de replacer la parcelle n° 76 en zone non constructible, ne suffit pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à établir que la surface constructible en avait été augmentée dans la mouture initiale du zonage du PLU et ce, contrairement au parti d'aménagement retenu par la commune visant à la lutte contre l'étalement urbain. La commune d'Urcerey est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du classement de la parcelle n° 76. Toutefois, il résulte des termes du jugement attaqué que, pour annuler la délibération approuvant le PLU en tant qu'elle modifiait le zonage de cette parcelle, le tribunal s'est également fondé sur la participation à l'adoption de la délibération de la conseillère municipale propriétaire de cette parcelle, dont le vote sur ce point traduit l'influence exercée par l'élue et la prise en compte de son intérêt personnel. Ce second motif, qui n'est pas contesté en appel, suffit à justifier l'annulation du classement du zonage de la délibération litigieuse.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs conclusions relatives au classement de leur parcelle AA n° 39. Les conclusions d'appel incident de la commune dirigées contre ce jugement en tant qu'il annule les dispositions de la délibération du 18 décembre 2017 relatives au zonage de la parcelle AA n° 76 doivent également être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les conclusions présentées à ce titre par tant par M. et Mme A... que par la commune d'Urcerey, toutes deux parties perdantes dans la présente instance, doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de la commune d'Urcerey sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la commune d'Urcerey relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et à la commune d'Urcerey.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Rousselle, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Barteaux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER La présidente,
Signé : P. ROUSSELLE Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
2
N° 20NC00853