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04/04/2024 | FRANCE | N°23NC01863

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 04 avril 2024, 23NC01863


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 15 avril 2021 par lequel le préfet des Vosges a procédé au retrait de sa carte de séjour temporaire valable du 15 mai 2020 au 14 mai 2021, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2102329 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 10 juin 2023, M. A..., représenté par Me Cla...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 15 avril 2021 par lequel le préfet des Vosges a procédé au retrait de sa carte de séjour temporaire valable du 15 mai 2020 au 14 mai 2021, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102329 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 juin 2023, M. A..., représenté par Me Clarou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale " ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa situation ;

- la décision contestée a été prise en méconnaissance du 8° l'article R. 311-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il doit être considéré comme involontairement privé d'emploi ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article R. 311-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- elle porte une atteinte grave et disproportionnée à sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 21 juillet 2023, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la demande introduite devant le tribunal était tardive et donc irrecevable dans la mesure où l'arrêté contesté a été envoyé au requérant par lettre recommandée et que celui-ci n'a pas retiré le pli ;

- la requête est tardive, la décision du bureau d'aide juridictionnelle ayant été adoptée le 2 mai 2023 ;

- les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 20 juin 2000 à Matam (Guinée), est entré en France en janvier 2017. Il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et s'est vu délivrer le 15 mai 2019 une carte de séjour portant la mention " travailleur temporaire " qui a été renouvelée jusqu'au 14 mai 2021. Par un arrêté du 15 avril 2021, le préfet des Vosges a procédé au retrait de ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision retirant son titre de séjour :

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de M. A... alors qu'il n'est pas établi que celui-ci lui aurait fait part, à la date de la décision en litige, de difficultés quant à son état de santé.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 311-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire et la carte de séjour "compétences et talents" sont retirées si leur titulaire cesse de remplir l'une des conditions exigées pour leur délivrance. / Par dérogation au premier alinéa, la carte de séjour temporaire portant la mention (...) "travailleur temporaire" ne peut être retirée au motif que l'étranger s'est trouvé, autrement que de son fait, privé d'emploi ". Aux termes R. 311-14 du même code : " Le titre de séjour est retiré : (...) 8° Si l'étranger titulaire de la carte de séjour temporaire ou de la carte de séjour " pluriannuelle " cesse de remplir l'une des conditions exigées pour sa délivrance ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été recruté par la société RevalPrest en qualité d'agent polyvalent à compter du mois de janvier 2021. Alors qu'il était titulaire d'un récépissé valable du 24 septembre 2020 au 23 décembre 2020 et ayant pris rendez-vous le 2 décembre 2020, il devait se voir délivrer son nouveau titre de séjour le vendredi 29 janvier 2021. M. A... qui n'établit pas, ni même n'allègue avoir honoré ce rendez-vous, le titre de séjour n'a pas pu lui être délivré à cette date et un nouveau rendez-vous lui a été proposé le 17 mars 2021. Toutefois, en dépit de la non-détention du titre de séjour physique, il est constant que M. A... était titulaire d'un droit au séjour renouvelé jusqu'au 14 mai 2021. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il était démuni de toute autorisation de travail et que, pour cette raison, il ne s'est plus présenté à son poste de travail à compter du 29 janvier 2021 alors que son employeur lui a transmis deux lettres recommandées le mettant en demeure de justifier ses absences et de reprendre son travail les 2 et 15 février et qu'il n'y a pas répondu. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le préfet a estimé que M. A... n'a pas été involontairement privé d'emploi et a fait application du 8° de l'article R. 311-14 précité.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 311-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- Le titre de séjour peut être retiré : (...) / 10° Si l'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle constitue une menace pour l'ordre public ".

6. Ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le préfet des Vosges pouvait légalement prendre la décision contestée en se fondant uniquement sur le motif tiré de ce qu'il ne remplissait plus les conditions exigées pour la délivrance de son titre de séjour. Dès lors, M. A... ne peut utilement soutenir qu'il ne représente pas de menace à l'ordre public et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article R. 311-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, par suite, être écarté.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en janvier 2017 en tant que mineur non accompagné. Scolarisé, il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle en maçonnerie en juin 2019 et a exercé en tant que maçon jusqu'au mois de juillet 2020, date à laquelle il a été involontairement privé d'emploi. S'il a recommencé à travailler en janvier 2021, il a, ainsi qu'il a été dit, quitté son travail le 29 janvier 2021 sans motif. En outre, il a fait l'objet de trois plaintes en raison du comportement agressif et de menaces de mort qu'il a proférées à l'encontre d'agents de la préfecture le 5 février 2021. Célibataire et sans attache familiale en France, il ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 16 ans. Dans ces conditions, le préfet des Vosges n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...)/ 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, le préfet aurait dû, eu égard au seul incident du 5 février 2021, estimer que l'état de santé psychique de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7,

M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".

13. Ainsi qu'il a été dit au point 9, le préfet des Vosges n'était pas en mesure d'estimer, à la date de la décision contestée, que M. A... était atteint d'une pathologie psychiatrique. En tout état de cause, le préfet produit des documents relatifs au système de santé guinéen qui tendent à établir que le requérant pourrait être pris en charge dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en cas de retour dans son pays d'origine, en l'absence de prise ne charge médicale, il ferait l'objet de traitement prohibé par les stipulations de l'article 3 précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par le préfet, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par le préfet des Vosges sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet des Vosges sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Clarou.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet des Vosges.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Bourguet-Chassagnon première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC01863


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01863
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CLAROU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23nc01863 ?
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