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04/04/2024 | FRANCE | N°22NC02041

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 04 avril 2024, 22NC02041


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Club sportif Sedan Ardennes a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2017 ainsi que la réduction des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2017.
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Par un jugement n° 2000126 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Club sportif Sedan Ardennes a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2017 ainsi que la réduction des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2017.

Par un jugement n° 2000126 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de participation des employeurs à l'effort de construction et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 juillet 2022 et le 26 octobre 2023, la SAS Club sportif Sedan Ardennes, représentée par Me Maillot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 mai 2022 en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la réduction des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2017, à hauteur d'un montant total de 137 190 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le service lui a refusé la possibilité de constituer rétroactivement deux secteurs d'activité, l'un relevant de l'action sociale, hors champ de la taxe sur la valeur ajoutée et l'autre soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au motif que la société n'exercerait qu'une activité de gestion d'un club sportif, alors que les deux activités qu'elle exerce sont suffisamment distinctes et ne peuvent être regardées comme indissociables dès lors que sont mis en œuvre des cycles distincts d'opération ; l'affectation des bâtiments à chacun des secteurs est ainsi clairement identifiée ; les personnels dédiés exclusivement au secteur d'activité soumis à la taxe sur la valeur ajoutée comme les sources de revenus le sont également ; en conséquence, seules les rémunérations des salariés travaillant pour les deux secteurs doivent être prises en compte dans le calcul de l'assiette de la taxe sur les salaires ;

- la demande présentée à titre subsidiaire par l'administration tendant à n'inclure dans le secteur marchand que les personnels affectés à la sécurité, à la billetterie et au développement commercial est infondée ; les pièces produites démontrent que les joueurs et les personnels d'encadrement sportif de l'équipe première ne participent pas à l'activité d'intérêt général ;

- les énonciations de l'instruction référencée BOI-TPS-TS-20-30 en ses points 190 et 200 rappellent que le ratio d'assujettissement à la taxe sur les salaires ne doit pas être appliqué aux rémunérations des personnels affectés exclusivement au secteur soumis à la taxe sur la valeur ajoutée et qu'une activité hors champ de la taxe sur la valeur ajoutée doit être assimilée à un secteur d'activité distinct au regard de la taxe sur les salaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2023, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 15 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- à titre subsidiaire, si la Cour devait admettre la constitution de deux secteurs d'activité, il conviendrait d'appliquer le rapport d'assujettissement général à l'ensemble des rémunérations du personnel, à l'exclusion de celles du responsable sécurité, du responsable de la billetterie, de l'agent commercial et des agents d'accueil, dès lors que les joueurs de l'équipe première et leur encadrement technique participent à des missions qui relèvent du secteur social et ne sont donc pas affectés exclusivement au secteur marchand.

Par un mémoire en reprise d'instance, enregistré le 10 novembre 2023, la SELARL Bruno Raulet, agissant en sa qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la SAS Club sportif Sedan Ardennes, représentée par Me Maillot, demande à la Cour de prendre acte de son intervention et conclut aux mêmes fins, et par les mêmes moyens, que la SAS Club sportif Sedan Ardennes dans sa requête introductive d'instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du sport ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon,

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Fondé historiquement en 1919, le club sportif Sedan Ardennes est une association sportive affiliée à la Fédération française de football. Son activité de participation habituelle à l'organisation de manifestations sportives payantes est gérée, en application des dispositions de l'article L. 122-1 du code du sport, par une société commerciale. La SAS Club sportif Sedan Ardennes (CSSA), créée le 1er août 2013, a acquis une partie des éléments de l'actif de la SASP Club sportif Sedan Ardennes, à la suite des décisions du tribunal de commerce de Sedan des 8 et 12 août 2013 prononçant la liquidation judiciaire de cette société et autorisant la cession de ses biens. Elle exerce une activité de gestion et d'animation du secteur professionnel de l'association sportive Club Sedan Ardennes, de formation de sportifs, de développement et de contrôle de la pratique du sport par les membres de l'association sportive. La SAS CSSA a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2017 puis d'un contrôle sur pièces en ce qui concerne la taxe sur les salaires au titre de l'année 2017. A l'issue de ces contrôles, par deux propositions de rectification des 18 et 19 juillet 2018, le service a procédé, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, à des rehaussements en matière de taxe sur les salaires pour les années 2015 à 2017 et de participation des employeurs à l'effort de construction au titre de l'année 2015. Ces rectifications ont été maintenues par le service dans la réponse aux observations de la société. Les compléments d'imposition en résultant, assortis de l'intérêt de retard et de pénalités, ont été mis en recouvrement le 14 décembre 2018. La SAS Club sportif Sedan Ardennes a présenté le 9 mai 2019 une réclamation visant à obtenir la décharge de ces impositions supplémentaires. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision de rejet du 13 novembre 2019. La SAS Club sportif Sedan Ardennes relève appel du jugement du 25 mai 2022, par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de participation des employeurs à l'effort de construction et rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 231 du code général des impôts : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés (...) sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant (...). Cette taxe est à la charge des entreprises (...), qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ". Aux termes de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Les opérations situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et les opérations imposables doivent être comptabilisées dans des comptes distincts pour l'application du droit à déduction. /Il en va de même pour les secteurs d'activité qui ne sont pas soumis à des dispositions identiques au regard de la taxe sur la valeur ajoutée ".

3. Il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts que si la constitution de secteurs distincts d'activité est possible, et dans certains cas obligatoire, lorsque les opérations d'une entreprise ne sont pas soumises à des règles identiques au regard de l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la création de secteurs d'activité distincts ne concerne que les opérations et activités situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. En revanche, lorsque l'entreprise réalise à la fois des opérations situées hors champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et des opérations qui y sont assujetties, il résulte du premier alinéa de l'article précité qu'elle doit les comptabiliser dans des comptes distincts dans le cadre de l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, l'exercice distinct d'une activité hors champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et d'une activité entrant dans le champ de cette taxe demeure sans incidence sur les modalités de détermination et d'application du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires, lesquelles sont régies par les dispositions précitées de l'article 231 du code général des impôts.

4. Au soutien de ses conclusions à fin de réduction des cotisations de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2017, la SAS CSSA soutient qu'elle est en droit de constituer rétroactivement deux secteurs distincts, l'un relatif à ses activités d'intérêt général, hors champ de la taxe sur la valeur ajoutée et l'autre, relatif à ses activités assujetties à cette taxe. Il résulte de l'instruction et il ressort des propres écritures de la société requérante que cette dernière réalise d'une part, des opérations de gestion et d'animation du secteur professionnel de l'association sportive Club Sedan Ardennes, situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, des opérations relevant du secteur non lucratif pour son action sociale prévue par l'article 2 de ses statuts, consistant dans la formation et l'enseignement du football, la gestion du centre de vie et d'entraînement, l'encadrement des licenciés et bénévoles, ainsi que la sauvegarde de la mémoire et de la renommée du club, lesquelles sont situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Il ne résulte pas des écritures de la société requérante que cette dernière revendiquerait par ailleurs l'existence de secteurs d'activité distincts au regard de l'exercice de ses droits à déduction, s'agissant de ses opérations entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée ni que lesdites opérations ne seraient pas toutes soumises à des dispositions identiques au regard de cette taxe. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que la société aurait comptabilisé distinctement son activité d'intérêt général et celle entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée. D'autre part, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 3 que c'est en faisant une exacte application des règles ci-dessus reproduites que l'administration fiscale a appliqué le coefficient d'assujettissement à la taxe sur les salaires à l'ensemble des rémunérations versées durant la période litigieuse en application de l'article 231 du code général des impôts.

Sur le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ".

6. La SAS Club Sportif Sedan Ardennes qui n'a pas déposé de déclaration de taxe sur les salaires au titre des années en litige n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement des dispositions alors codifiées au second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice du paragraphe n°190 de l'instruction publiée sous la référence BOI-TPS-TS-20-30, lequel ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application. La société requérante ne peut pas davantage demander le bénéfice du paragraphe 200 de cette instruction, au terme de laquelle " au regard de la taxe sur les salaires, une activité hors champ est assimilée à un secteur d'activité " dès lors que, n'ayant pas souscrit de déclaration de taxe sur les salaires, elle n'avait pas fait application de cette doctrine qui n'est pas relative au champ d'application de la taxe. Par suite, la SAS Club sportif Sedan Ardennes n'est pas fondée à s'en prévaloir.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Club sportif Sedan Ardennes n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté le surplus de sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée dans toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Club sportif Sedan Ardennes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Club sportif Sedan Ardennes, à la SELARL Bruno Raulet et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 22NC02041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02041
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE BOURGES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;22nc02041 ?
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